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11 avril 2014 5 11 /04 /avril /2014 11:33

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Un rapport d’Oxfam montre que les 67 plus riches possèdent autant que la moitié la plus pauvre ! A la faveur de la crise du capitalisme, les inégalités ne cessent donc de s’accroitre dans des proportions démesurées.

SANS COMMENTAIRE.

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Selon une étude de l’association, les cinq familles les plus riches du Royaume-Uni détiennent plus que les 20% les plus pauvres du pays, soit 12,6 millions de personnes. La totalité du capital détenu par ces 5 familles est de 28,2 milliards de livres (33,7 milliards d’euros).

En tête de plus riches le duc de Westminster, G.C.Grosvenor dont la fortune s’élève à 9 milliards d’euros.

Oxfam est la plus grande association caritative de Grande-Bretagne, tout ce qu’il y a de convenable, et son directeur qui n’est pas un bolchévik déchaîné vient de déclarer : « Les pauvres mais aussi les classes moyennes sont laissés pour compte. Les inégalités se renforcent aux extrêmes« .

Les associations caritatives s’inquiètent « du retour de la faim » en Grande-Bretagne, ainsi l’une d’entre elle, Trussel Trust a secouru 2.500 personnes en 2005 et ….815.000 au cours des douze derniers mois !

No comment..comme disent nos amis Britanniques.

C’est pas la crise pour tous le monde :

Forbes publie chaque année le classement des grandes fortunes… Qui établit qu’il y a au moins 1600 milliardaires en dollars. Leur fortune n’a cessé de croitre durant la crise. A eux seuls ils possèdent plus que le PIB de la France et de l’Allemagne réunies. Ces 1600 milliardaires en dollars capitalisent une fortune de plus de 6 513 milliards de dollars représentant plus de la moitié du PIB de la Chine et de l’Inde réunies. Selon Oxfam, les 67 personnes les plus riches du monde possèdent autant que la moitié la plus pauvre de l’humanité !

Selon le Crédit Suisse, les 1 % les plus riches de la planète possèderaient 43,6 % de la richesse et les 10 % les plus riches en détiendraient 83 %. Une petite frange de 0,5 % de la population – 24 millions d’adultes –, dont la fortune est au moins égale à un million de dollars, détiennent plus de 35 % de la richesse mondiale. Pour appartenir au cercle des 1 % les plus riches au monde, il faut détenir au moins 588 000 dollars (420 000 euros environ). A l’opposé, la moitié des individus les plus pauvres ne détient que 1 % du patrimoine. Cela veut dire qu’un grand nombre d’habitants de la planète ne possèdent quasiment rien, ou des biens de très faible valeur monétaire : 20 % n’ont pas plus de 672 dollars.

Inégalités meurtrières


JPEGRappelons qu’en 2008, la FAO et l’ONU indiquaient qu’avec 30 milliards de dollars par an, on était en mesure de mettre fin durablement au problème de la faim dans le monde. Seul un milliard a été versé (d’après un article du Monde)

5 millions d’enfant meurent de faim chaque année. 1 toutes les 6 secondes. C’est cela le système capitaliste.
Et ces inégalités ne sont pas seulement profondément injustes, elles sont fondamentalement meurtrières !

Plus que jamais, il est temps de sortir du capitalisme !

 

Source site web du PRCF

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11 avril 2014 5 11 /04 /avril /2014 01:33

DOMINIQUE ALBERTINI (INTERVIEW) ET FANNY LESBROS (VIDÉO) 11 SEPTEMBRE 2013 À 11:41 (MIS À JOUR : 11 SEPTEMBRE 2013 À 11:49)





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Dans «la Violence des riches», Michel et Monique Pinçon-Charlot décortiquent «la mécanique de domination» s'exerçant depuis le haut de l'échelle sociale. «Libération» les a suivis pour une balade sociologique dans Paris.

Charlot seront présents au Forum «A bas la crise !» organisé par Libération le 19 octobre à Paris. Entrée libre, plus d’informations ici.

 

Avec les Pinçon-Charlot, la sociologie est plus que jamais un sport de combat. Dans son dernier ouvrage, La violence des riches (éd. Zones), le couple de sociologues déambulateursdécortique «la mécanique de domination»s'exerçant depuis le haut de l'échelle sociale. Une violence économique et symbolique que les auteurs jugent redoublée par la crise, et dont les terrains sont l'usine comme la ville, la rue comme le petit écran. Sans oublier les mots, dont, en réplique à leurs adversaires, les auteurs usent sans pudeur :  «guerre des classes»«bourgeois» et «ouvriers» cessent ici d'être des concepts tabous. Et face à l'anathème«populiste», plus que jamais à la mode, ces sociologues hétérodoxes lancent la chasse aux«oligarchistes». Interview.

Après vos précédents travaux sur le «président des riches» et les territoires des riches, pourquoi écrire sur leur «violence» ?

Monique Pinçon-Charlot : Parce que la violence dans les rapports sociaux s’est beaucoup aggravée avec cette nouvelle phase du capitalisme, le néolibéralisme, dans laquelle la finance prend le pas sur la politique. Les sphères publiques et privées s’intègrent de plus en plus. Nous analysons cette violence sous toutes ses formes : violence économique, qui met au chômage des millions de Français ; violence idéologique, avec les experts médiatiques en tous genres qui nous assomment de chiffres et de prévisions auxquelles on ne comprend rien.

 

L’effet sur les gens est désarmant. Le sentiment dominant est que les marchés commandent, que les agences de notation sont souveraines, que tout cela est naturel et que l’on n’y peut rien. L’idée même de changement n’est plus pensable.

Vous évoquez le concept de «violence symbolique». De quoi s’agit-il ? 

Monique Pinçon-Charlot : Il s’agit d’une timidité sociale, d’une forme de honte, qui empêche d’aller voir le haut de la société. Elle n’est pas matérielle, mais elle est très importante.

Michel Pinçon : C’est remarquable avenue Montaigne, près des Champs-Elysées. Vous y trouvez des magasins de haute couture. Un jour, dans le quartier, nous avons vu un couple regarder une vitrine. Il s’agissait d’enseignants de Nantes en voyage de noces. La femme dit adorer les beaux vêtements. On lui propose d’entrer, elle rougit :«Non, non, j’aimerais bien, mais je ne peux pas.» Elle avait une trouille bleue de se retrouver dans cet endroit qui n’est «pas pour elle».

Les «riches» dont vous parlez forment-ils un ensemble social cohérent ?

Michel Pinçon : Il s’agit bien d’une classe sociale dont les membres sont conscients de leur appartenance. Ils se regroupent notamment dans les grandes cercles comme l’Union interalliée ou le Jockey Club. L’une de leurs techniques est la cooptation : ils savent très bien qui appartient au groupe ou non. Le facteur décisif n’est pas d’avoir de l’argent, mais d’y avoir sa place «naturellement», parce que l’on vient d’une famille dont c’est l’univers.

Comment expliquer le consentement social à la situation que vous décrivez ? 

Michel Pinçon : L’expérience récente est très négative pour les classes défavorisées. Après deux années d’avancées sensibles, Mitterrand avait déjà fait le choix de la rigueur en 1983. Les socialistes ont alors joué un grand rôle dans le basculement vers le néolibéralisme, avec des ministres tels que Pierre Bérégovoy. Hollande, quant à lui, n’a même pas attendu avant d’entamer sa reculade.

Monique Pinçon-Charlot : La charge des dominants est tellement lourde qu’elle entraîne un mélange paradoxal de consentement et de non-acceptation. Ce sentiment est appuyé par la stigmatisation des catégories populaires, décrites en ennemi intérieur : les pauvres seraient assistés, fraudeurs, trop chers... Bref, ils auraient tout faux. Et leurs porte-parole sont systématiquement taxés de «populisme». Assez des flagorneries vis-à-vis des riches, sans jamais dire l’origine de leur fortune ! Nous renvoyons donc la balle en parlant du «bourgeoisisme» duFigaro, du «richisme» des chroniqueurs de Bourse, de l'«oligarchisme» du Who’s Who. 

Quel est le rôle du langage dans cette situation ?

Monique Pinçon-Charlot : Il est essentiel, et consiste à faire passer les riches pour des bienfaiteurs, les ouvriers comme des «charges». Il y a une entreprise de corruption du langage, une escroquerie linguistique, qui passe souvent par des oxymores comme «flexisécurité» ou «croissance négative». Ce procédé néolibéral corrompt profondément le cerveau. La pensée critique est largement absente des plateaux de télévision. Et les gens s’habituent à ne plus comprendre, à ne faire que consommer.

Dans quelle mesure la violence des riches excuse ou légitime-t-elle la violence des pauvres ? 

Monique Pinçon-Charlot : Dans notre livre, nous décrivons des comparutions immédiates au tribunal. Il s’agit souvent de jeunes ayant commis des larcins, parfois avec violence. Cela relève d’une certaine forme de délinquance et c’est répréhensible. Mais pour eux, c’est la peine plancher, la prison ferme, alors qu’il vaudrait mieux leur confier des travaux d’intérêt général. De même, la contestation sociale est de plus en plus criminalisée. On casse l’emploi des salariés en les tenant dans une ignorance anxiogène et paralysante. Puis on condamne sévèrement leurs actions. En revanche, la délinquance des riches va rarement au pénal et bénéficie d’une incroyable immunité.

 

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      ENNEMI DE L'INTERIEUR ET FIER DE L'ETRE ! A BAS LA BOURGEOISIE.

 

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10 avril 2014 4 10 /04 /avril /2014 21:39

Mikhaïl Gorbatchev

MOSCOU, 10 avril - RIA Novosti

Provient de RIA NOVOSTI:link

Des députés de trois des quatre partis présents à la Douma ont demandé au procureur général Iouri Tchaïka d'engager des poursuites contre l'ex-président soviétique Mikhaïl Gorbatchev pour avoir provoqué la chute de l'URSS, rapporte jeudi le quotidien Izvestia.

Les parlementaires Evgueni Fiodorov (Russie unie), Mikhaïl Degtiariov (Parti libéral-démocrate), Ivan Nikitchouk et Oleg Denisenko (Parti communiste) estiment que les dirigeants de l'Union soviétique, dont son premier et dernier président, ont commis des actes illégaux qui ont entraîné la désagrégation du pays.

Selon M.Degtiariov, la chute de l'URSS se répercute sur l'espace post-soviétique "jusqu'à nos jours". A titre d'exemple, le député cite les événements en cours en Ukraine dont la responsabilité pèse d'après lui sur ceux qui "ont pris en 1991 la décision de détruire le pays".

M.Fiodorov (Russie unie) est quant à lui allé jusqu'à qualifier l'ex-numéro un soviétique d'"espion américain". Cependant, les auteurs de l'initiative n'ont cité aucun article du Code pénal dans leur appel.

Il convient de rappeler que les dénommés accords de Belaveja mettant fin à l'existence de l'Union soviétique ont été signés le 8 décembre 1991 par le président de la RSFSRBoris Eltsine et ses homologues ukrainien et biélorusse Leonid Kravtchouk et Stanislav Chouchkievitch.

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10 avril 2014 4 10 /04 /avril /2014 12:14
Les ennemis : la bourgeoisie et sa protection étasunienne.
Comité de Base

L’impérialisme étasunien est devenu le plus puissant et a pris en main la direction du camp impérialiste et antidémocratique. La bourgeoisie française, en tant que classe et pour ses intérêts de classe, s’est placée dans ce camp après l’échec de la tentative de création d’un premier impérialisme européen élargie à l’eurasie entre 1938 et 1945.

La création de l’impérialisme européen tel que nous le connaissons aujourd’hui, n’a été possible qu’avec l’aval des Etats-Unis car la grande bourgeoisie des pays à l’origine de cette création n’était plus assez forte pour enrayer la poussée démocratique et socialiste inspirée par l’URSS.

C’est donc pour cette raison politique que la bourgeoisie qui avait soutenu le national-socialisme allemand a du solliciter l’appui de la réaction extérieure contre les formes sociales montantes. Aussi, la France comme de nombreux pays qui furent livrés en pâture aux nazis, a dû accepter la présence sur son sol, des armées étasuniennes jusqu’au moment où l’impérialisme européen a pu voler de ses propres ailes mais toujours sous la tutelle de la maison mère à Washington.

Mais les objectifs actuels que s’emploie à faire aboutir la grande bourgeoisie sont les mêmes qu’il y a 60 ans et ils sont clairement énoncés, n’en plaise à ceux qui restent des fervents partisans de l’Europe comme espace social de paix après des siècles de conflits.

Pour la bourgeoisie, il s’agit bien de maintenir un espace capitaliste d’exploitation maximum pour des profits maximum et de poursuivre sa politique de guerres impérialistes et de recolonisation agressive des espaces perdus dans les années 60, même si la domination post coloniale sur l’Afrique a toujours été omniprésente.

Ceci veut bien dire que cette trahison de la bourgeoisie française n’est pas une nouveauté ni une découverte, c’est le renouvellement sous des constitues à peine différentes des trahisons passées quand elle voyait en Hitler, le nouveau gendarme capitaliste de l’Europe capable de mettre au pas l’Union Soviétique qui était une menace pour le capital tant national que mondial.

Aussi, force est de rappeler que les défections nationales pour trahir les intérêts de la Nation par la bourgeoisie n’est pas un hasard ni un épiphénomène. C’est bien la vérification dans les faits de cette loi de l’histoire qui dit que toute classe sociale dominante qui s’est émancipée pour ses propres intérêts opportunistes et organisées pour ses propres intérêts financiers, se détache de la Nation, elle devient un corps étranger qui fait obstacle à la souveraineté ainsi qu’au développement progressiste d’un pays.

Parler de nation aujourd’hui est classé comme tabou, pourtant c’est bien la classe ouvrière qui dans sa fonction ascendante de progrès social a fait de ses propres mains la Nation afin de devenir un jour « elle-même la Nation » comme l’écrivaient Marx et Engels dans le Manifeste du parti Communiste.

La lutte de classe pour l’intérêt collectif, la défense de la souveraineté nationale ne sont donc pas des préceptes nationalistes-chauvins et ultra droitiers quand ils s’inscrivent dans la solidarité internationaliste et la fraternité dans la classe même, surtout quand la bourgeoisie, pour défendre ses propres intérêts de classe, livre la Patrie à des puissances étrangères tant politiques que financières et pourfend les travailleurs issus de l’immigration après les avoir exploités aux pires conditions et les actes d’entraides internationales.

C’est là toute la lumière qui doit nous éclairer tant théoriquement que pratiquement avec ce qui s’est passé en Grèce puis à Chypre dernièrement. La défense corps et âmes de nos droits, de nos conquis sociaux, des acquis des luttes ouvrières depuis la création du capitalisme moderne est une tâche pour garantir notre indépendance, elle est inséparable de la bataille permanente à mener pour la sauvegarde de la Paix.

Aussi, on comprend mieux le refus de ce gouvernement social-libéral, pieds et poings liés au dogme de l’impérialisme européen ultralibéral, quand on lui demande la nationalisation des entreprises qui licencient ou qui délocalisent, pour sauver des emplois, des familles, des compétences et un outil de travail nécessaire à la Nation, ou même pour des raisons spéculatives et boursières.

On comprend mieux la haine viscérale de la bourgeoisie occidentale et de ses valets politiques, à l’encontre des expériences progressistes dans les pays d’Amérique Latine, caribéenne et centrale, qu’ils qualifient de populistes et démagogiques dans un monde re-mondialisé et sous domination du billet vert étasunien et des armées impérialistes dirigées depuis le Pentagone.

Quand les capitalistes français furent battus par le Front Populaire en 1936, c’est sans tabou qu’ils affichaient leur préférence : « Plutôt Hitler que le Front Populaire » comme les capitalistes d’aujourd’hui pensent sans tabou : « Plutôt le FN que le FdG ».

La bourgeoisie avec l’aide de ses valets politiques s’est toujours vautrée dans le sang et la répression, dans la boue de la collaboration, dans les affres du fascisme, pour défendre ses intérêts de classe.

C’est bien pour défendre leurs intérêts de classe dominante que les capitalistes français ont livré bataille en 1871 contre la Commune de Paris avec le soutien des aristo-capitalistes allemands, et que les capitalistes allemands ont été soutenus de 1918 à 1923, par les capitalistes français et anglais contre la Révolution prolétarienne possible en Allemagne après la chute de l’empire. Les capitalistes sont concurrents mais alliés quand il y a des menaces et la nécessité de défendre leurs intérêts de classe.

Aujourd’hui, ceux qui s’évertuent à nous donner des leçons de patriotisme et se droguent du « produire français » et du « patriotisme économique », se piquent aussi au chauvinisme et au nationalisme étendu à l’Europe contre des envahisseurs venus d’Asie et d’Amérique du Sud.

Ce ne sont pas les travailleurs qui ouvrent des usines dans les pays à bas coût de productions et sans droits sociaux, mais bien ces « entrepreneurs » qui ont la confiance de notre Président.

En effet comment peut-on parler de l’unité nationale pour se soustraire aux réalités de la lutte des classes et comment peut-on défendre des « entrepreneurs » qui ne sont que des capitalistes en quête de dividendes cosmopolites pour remplir leurs coffres forts ou des actionnaires que plus rien n’attache à la conception de la Patrie si chèrement défendue par les travailleurs contre toutes ingérences de puissances étrangères, politiques et financières, qui s’accaparent, pillent et fuient en laissant des champs de ruines.

Quand François Hollande ose proposer subjectivement l’ «  Union des trahis et des traîtres  » il faut savoir opposer objectivement l’ «  Union de toutes celles et ceux qui refusent la trahison pour lutter contre les organisateurs de la trahison et du pillage  »

On ne peut laisser les pilleurs de la bourgeoisie s’emparer des outils de production pour ensuite les délocaliser ou les rendre improductifs afin de monopoliser.

Notre tâche est donc de porter des coups de plus en plus rudes à cette bourgeoisie apatride pour ses profits, en expliquant aux travailleurs que leurs ennemis de classes ne sont pas les travailleurs des autres pays, mais la classe bourgeoise propriétaire des monopoles, des moyens d’échanges mondialisés et de la finance internationale, et leurs outils politiques et financiers que sont le FMI, l’OMC et la BCE sous domination extrême des USA et de la FED.

Mais l’ennemi c’est d’abord notre propre bourgeoisie nationale qui voudrait avec ses idéologues, les hypocrites du Parti Socialiste et les sournois du FN et de l’UMP, détourner la classe ouvrière, la désunir et la morceler, car à l’instar d’un Cahuzac, elle sait que la lutte des classes est une réalité et que la classe ouvrière est le véritable danger et son véritable et seul ennemi.

D’où la nécessité d’un Parti Communiste et d’un syndicalisme de classe et de masse, forts.

Les Cahiers communistes : 
comibase@gmail.com

n°41/29/03/2013

Cellule ouvrière du bassin minier ouest du Pas-de-Calais.

URL de cet article 19960 
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9 avril 2014 3 09 /04 /avril /2014 16:52
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Voila le visage des hommes du pouvoir mis en œuvre par l’occident. Le président du parti communiste ukrainien (KPU) Petro Simonenko a été agressé en plein parlement par des députés du parti fasciste Svoboda pour l’empêcher de parler. De fait Simonenko était en train de dénoncer que les nationalistes et les putschistes travaillent pour les Etats-Unis et l’Union européenne et mettent fin à l’indépendance du pays, sont responsable d’avoir provoqué un affrontement avec la Russie et avec leurs politiques d’avoir favorisé la division du pays.

Ce n’est pas seulement en pleine rue que l’extrême droite fait le coup de poing mais au sein même du parlement !

 

Les agressions anti-communistes se multiplient à travers le pays alors que les milices d’extrêmes droite font « la loi » en pleine rue. Rappelons que le KPU avait rassemblé plus de 4 millions de signatures pour un référendum au sujet de l’accord d’association avec l’UE, et utiliser le seul chemin possible celui de la souveraineté populaire.

Démocratique, ce régime marionnette de l’UE, et des USA, inféodé aux oligarques pro occidentaux ne l’est absolument pas. Pour mater la très forte contestation du pouvoir putchiste de Kiev, ce dernier a fait adopter des lois très dures. Serhiy Sobolev, l’auteur du projet de loi, est issu de Batkivchtchina (Patrie), le parti du président par interim et du Premier ministre. “Nous avons aussi renforcé, les peines punissant la trahison, les attaques contre les institutions de l‘État, et les tentatives de renverser le gouvernement. Les peines de base vont de 5 à 8 ans d’emprisonnement et de 15 ans à la prison à la perpétuité pour la trahison.” Personnes ne s’étonnera qu’il n’y a aujourd’hui aucun médiacrates occidentales pour s’inquiéter de ces mesures liberticides, des arrestations en masse, de l’emploi de la force (y compris les forces spéciales) dans certaines villes de l’Est… Etre démocrate c’est défendre l’intéret des impérialismes occidentaux. De Pinochet à Suharto en passant par les Monarchies du Golfes, ont sait fort bien ce qu’est la « démocratie » défendue par l’oligarchie capitaliste.

Dans l’est du pays, la contestation ne faiblit pas malgré les arrestations qui se multiplient (comme à Karkiv où la force a été employée, les autorités de Kiev parlant « d’opération anti terroristes), notamment à Donetsk et Lougansk.

A Odessa le monument de commémoration de l’Holocauste a été vandalisé par des néonazis et à Kiev des manifestations fascistes réclament l’arrestation de ceux qui portent le ruban de St Georges, symbole de la résistance antifasciste durant la seconde guerre mondiale

Dans le même temps, le président tchèque appelle à envisager une intervention de l’OTAN en Ukraine, des discussions sur l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN ont eu lieu mardi, et un second destroyer lance missiles américain fait route vers la mer noire faisant peser de graves menaces sur la paix.

Article à retrouver sur www.initiative-communiste.fr

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6 avril 2014 7 06 /04 /avril /2014 13:49

Aprés avoir longtemps donné des leçons dans le monde entier sur le progrés ,la "démocratie", et s'être félicité de la fin de l'URSS voilà aujourd'hui le vrai visage des USA...

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Mondialisation.ca, 05 avril 2014

Au cours des années 2010-2013, les autorités des États-Unis ont passé des accords avec les banques pour leur éviter une condamnation en justice dans le scandale des crédits hypothécaires et des expulsions illégales de logement |1|. Il a suffi aux banques de payer une simple amende. Depuis l’éclatement de la crise en 2006-2007, plus de 14 millions de familles ont été expulsées de leur logement. Au moins 500 000 l’ont été de manière illégale. De nombreuses victimes aidées par des mouvements sociaux, notamment Strike Debt |2|, ont réagi en s’organisant pour affronter les huissiers et refuser l’expulsion. Des milliers de plaintes ont été déposées contre les banques.

Une des accusations portées contre les banques reposait sur leur incapacité à fournir les documents justifiant l’expulsion de propriétaires en retard de paiement d’un crédit hypothécaire. La régulation inexistante et le volume élevé de crédits de ce type, accordés dans la période précédant la crise, ont amené les banques à embaucher du personnel chargé de signer quotidiennement des dizaines, voire des centaines, de documents approuvant les expulsions sans suivre la procédure légale (on parlait de « robot signing » ou « signature robot ») |3|. Les banques ont saisi des logements sans justification économique ou légale dans près de 500 000 cas (le chiffre final pourrait nettement augmenter car il ne prend pas en compte tous les résultats des enquêtes menées et des plaintes déposées). En dépit des dommages massifs causés par les pratiques frauduleuses des banques, l’amende ne s’élève qu’au paiement de moins de 300 dollars par foyer affecté dans certains cas |4|, dans d’autres cas, il atteint entre 1 500 et 2 000 dollars. Les autres accusations portées contre les banques concernent les ventes des produits structurés composés de crédits hypothécaires toxiques (Mortgage Backed Securities) vendus par les banques notamment aux sociétés publiques du logement (Freddie Mac et Fannie Mae).

Retour sur les politiques qui ont conduit à la crise des subprimes

L’administration de George W. Bush avait fait de la « société de propriétaires » un thème central de son discours politique : « Nous sommes en train de créer une société de propriétaires dans ce pays, dans laquelle toujours plus d’Américains auront la possibilité d’ouvrir la porte de l’endroit où ils vivent, et diront : ’Bienvenue dans ma maison’, ’Bienvenue dans ce que je possède’. » |5|

Alan Greenspan confirme, dans ses mémoires écrits juste après l’éclatement de la crise en 2007, qu’il y avait une stratégie politique à la base de l’attitude adoptée par la Réserve fédérale en soutien à la politique de Bush : « Je me rendais bien compte que l’assouplissement du crédit hypothécaire accroissait le risque financier et que l’aide au logement exerçait un effet distorsif sur le marché. Mais j’ai compris aussi que l’augmentation du nombre de propriétaires renforçait le soutien au capitalisme de marché – vaste question. J’estimais donc, et continue de le faire, que les avantages de cet élargissement de la propriété immobilière individuelle valaient bien l’accroissement inévitable des risques. La protection des droits de propriété, si essentielle dans une économie de marché, a besoin d’une masse critique de propriétaires pour bénéficier d’un soutien politique. » |6|

Il est également nécessaire de mentionner, comme on le fera dans les chapitres suivants, que les administrations de Bill Clinton et de George W. Bush ont appuyé systématiquement les grandes banques dans leur volonté de se débarrasser définitivement des contraintes qui pesaient encore sur elles comme héritage des mesures de la discipline bancaire imposée par Roosevelt dans les années 1930 |7|.

Le détonateur de la crise est venu de la bulle spéculative qui avant d’éclater avait gonflé le prix de l’immobilier |8| et engendré une augmentation démesurée du secteur de la construction par rapport à la demande solvable. La quantité de nouveaux logements proposés chaque année est passée de 1,5 million en 2000 à 2,3 millions en janvier 2006. Une proportion croissante de nouveaux logements n’a plus trouvé d’acquéreurs malgré les facilités de crédit accordées aux ménages par les banques et malgré les encouragements des autorités américaines.

Cette surproduction a fini par provoquer une chute brutale du prix de l’immobilier. Les prévisions des ménages qui avaient souscrit des crédits hypothécaires subprimes |9| ont été bouleversées par ce changement radical de circonstances. En effet, aux États-Unis, les ménages ont la possibilité et la coutume, quand les prix de l’immobilier sont à la hausse, de renégocier au bout de 2 ou 3 ans sur base d’une hypothèque qui a gagné de la valeur leur contrat de prêt initial afin d’obtenir des termes plus favorables, des taux plus avantageux. Notons que dans le secteur des prêts subprimes, le taux des deux ou trois premières années était faible et fixe, autour de 3 %, alors que la troisième ou quatrième année, non seulement le taux augmentait de manière conséquente (passant à 8 ou 10 %), mais il devenait également variable et pouvait, dans de nombreux cas, atteindre facilement 14 ou 15 %.

À partir de 2006, lorsque les prix de l’immobilier ont commencé à baisser, les ménages qui avaient eu recours aux prêts subprimes n’ont plus été en mesure de renégocier favorablement leur crédit hypothécaire afin d’en améliorer les termes.

Comme le déclare Paul Jorion dans La crise du capitalisme américain, les crédits au secteursubprime visaient « en réalité à délester de leurs économies les malheureux qui cherchent à souscrire au ‘rêve’ sans disposer en réalité des moyens financiers d’y accéder, au premier rang desquels la population noire et celle originaire d’Amérique latine. Les combines sont ici nombreuses, allant des contrats aux conditions écrites différentes de celles de l’accord verbal, jusqu’aux offres qui visent simplement à acculer le candidat à la faillite pour bénéficier ensuite de la saisie du logement, en passant par les refinancements présentés comme « avantageux » mais aux conditions en réalité calamiteuses. » |10|.

Dès le début de l’année 2007, les défauts de paiement des ménages ont commencé à se multiplier. Entre janvier et août 2007, 84 sociétés de crédit hypothécaire aux États-Unis se sont retrouvées en faillite. Les sociétés et les ménages riches qui spéculaient à la hausse sur l’immobilier jusque-là et avaient engrangé de copieux bénéfices se sont retirés brutalement, accélérant du même coup la chute des prix. Les banques qui avaient placé les créanceshypothécaires dans des produits structurés et les vendaient en masse (notamment aux grandes banques européennes avides de rendement) ont été au centre de la crise.

Ainsi, le gigantesque édifice de dettes privées a commencé à s’effondrer avec l’éclatement de la bulle spéculative du secteur immobilier nord-américain et a été suivi par d’autres crises de l’immobilier en Irlande, au Royaume-Uni, en Espagne, à Chypre, dans plusieurs pays d’Europe centrale et de l’Est et, depuis 2011-2012, aux Pays-Bas…

Il vaut la peine de mentionner que Nicolas Sarkozy |11|, emboîtant le pas de George W. Bush, invitait les Français à s’endetter beaucoup plus. Dans le numéro d’avril 2007 de la Revue Banque, il écrivait : « Les ménages français sont aujourd’hui les moins endettés d’Europe. Or une économie qui ne s’endette pas suffisamment, c’est une économie qui ne croit pas en l’avenir, qui doute de ses atouts, qui a peur du lendemain. C’est pour cette raison que je souhaite développer le crédit hypothécaire pour les ménages et que l’État intervienne pour garantir l’accès au crédit des personnes malades. (…) Si le recours à l’hypothèque était plus facile, les banques se focaliseraient moins sur la capacité personnelle de remboursement de l’emprunteur et plus sur la valeur du bien hypothéqué. »

On peut imaginer ce qui se serait passé si la crise des subprimes n’était pas survenue en 2007-2008 et si, du coup, Nicolas Sarkozy avait continué à promouvoir le modèle appliqué aux États-Unis…

Entre 2010 et 2013, les grandes banques des États-Unis ont payé 86 milliards $ pour éviter des condamnations

Entre 2010 et fin 2013, rien que dans l’affaire des crédits hypothécaires, sont intervenues 26 transactions impliquant différentes autorités des Etats-Unis et les principales banques du pays |12|.

Toutes les grandes banques des États-Unis sont concernées : JPMorgan, Bank of America, Citigroup, Wells Fargo, Goldman Sachs et Morgan Stanley. En tout, depuis 2008, elles ont accepté de payer environ 86 milliards $ pour échapper à des condamnations en matière de crédits hypothécaires |13|. Bank of America a accepté des amendes s’élevant à environ 44 milliards $, JPMorgan, 26,4 milliards $, Well Fargo, 9,5 Milliards $, Citigroup, 4,7 milliards $, Goldman Sachs, un peu moins d’un milliard $ et Morgan Stanley, 330 millions $. Il faut y ajouter les frais d’avocats et quelques autres dépenses. Pour donner un élément de comparaison, rien que pour l’année 2012, les bénéfices nets des 6 banques concernées se sont élevés à 59,5 milliards $ (après paiement des amendes de cette année-là bien sûr). Elles ont fait mieux en 2013. Après avoir défalqué de leurs profits 18 milliards $ pour faire face aux amendes de la même année, leurs bénéfices nets ont progressé de 21 % en 2013 pour atteindre 74 milliards $ |14|. Si ces six banques n’avaient pas dû payer d’amendes, leurs profits auraient dépassé le record historique atteint en 2006 en pleine bulle immobilière ! Cela montre que ces amendes présentées au public comme exceptionnellement lourdes n’empêchent pas les banquiers de sabrer le champagne pendant que des millions de familles sont victimes de leurs abus.

Malgré les preuves des escroqueries et des abus auxquelles les banques se sont livrées, malgré les millions de victimes dans les classes populaires, aucune charge criminelle n’a été retenue à leur encontre, aucune arrestation n’a été réalisée. Les accords qui sont intervenus entre les autorités et les banques exemptent ces dernières de leur responsabilité à répondre financièrement ou légalement d’accusations similaires survenues au cours de la période antérieure |15|. Comble d’ignominie, ou comme dirait les Britanniques, pour « ajouter l’injure à la blessure », Jamie Dimon, le patron de JPMorgan, a vu en 2013 sa rémunération augmenter de 74 % pour atteindre 20 millions $ |16|.

Éric Toussaint

Notes

|1| Voir la première partie de cette série : ’Les banques et la nouvelle doctrine Too Big to Jail ’, 9 mars 2014, http://cadtm.org/Les-banques-et-la-nouvelle

|2| Strike Debt, ’United States : The Debt Resisters’ Operations Manual’, 25 mars 2014,http://cadtm.org/The-Debt-Resisters-Operations

|3| Democracy Now, ’As Wells Fargo is Accused of Fabricating Foreclosure Papers, Will Banks Keep Escaping Prosecution ?’, 22 mars 2014, http://cadtm.org/As-Wells-Fargo-is-Accused-of

|4| Tyler Durden, “The Banks penalty to put robosigning behind them : 300 dollars per person”, 9 avril 2013, http://www.zerohedge.com/news/2013-04-09/banks-penalty-put-robosigning-behind-them-300-person

|5| George W. Bush, 2 octobre 2004, « Remarks at the National Association of Home Builders », Columbus, Ohio. Cité par Gaël Giraud (2013), p. 21.

|6| Alan Greenspan, L’Age des Turbulences, Paris, JC Lattès, 2007 p. 304.

|7| Voir Eric Toussaint, « Comment les banques et les gouvernants détruisent les garde-fous », 13 janvier 2014, http://cadtm.org/Comment-les-banques-et-les

|8| Entre 2001 et 2007, le prix de l’immobilier a augmenté de 100 % aux États-Unis.

|9Subprime désigne des emprunts hypothécaires plus risqués pour le prêteur (mais à meilleur rendement) que la catégorie prime, particulièrement pour désigner une certaine forme de crédit hypothécaire.

|10| Paul Jorion, Inédit : les 3 premières pages de « la crise du capitalisme américain » (2007), publié le 23 février 2012, http://www.pauljorion.com/blog/?p=34264

|11| Nicolas Sarkozy, politicien de droite, a présidé la République française de 2007 à 2012.

|12| SNL, “Timeline Credit crisis and mortgage-related settlements”http://www.ababj.com/images/Dev_SNL/120913_MortgageTimeline.pdf consulté le 22 février 2014

|13| SNL, “Credit crisis and mortgage-related settlements for select bank holding companies”http://www.ababj.com/images/Dev_SNL/CreditCrisis.pdf consulté le 22 février 2014

|14| Bloomberg, ’Big Six U.S. Banks’ 2013 Profit Thwarted by Legal Costs’, 9 Janvier 2014,http://www.bloomberg.com/news/2014-01-09/big-six-u-s-banks-2013-profit-thwarted-by-legal-costs.html Voir aussi Thinkprogress, ’Profits At The Biggest Banks Bounce Back To Post-Crisis Record High’, 21 janvier 2014, http://thinkprogress.org/economy/2014/01/21/3184401/banks-profits-2013-record/#

|15| Parmi les voix critiques, lire Huffingtonpost, “The Top 12 Reasons Why You Should Hate the Mortgage Settlement”, 2 septembre 2012, http://www.huffingtonpost.com/yves-smith/mortgage-settlement_b_1264806.html

|16Financial Times, “Dimon’s pay soars 74 % to $20m”, 25-26 janvier 2014.

Éric Toussaint, maître de conférence à l’université de Liège, préside le CADTM Belgique et est membre du conseil scientifique d’ATTAC France. Il est auteur des livres Procès d’un homme exemplaire, Éditions Al Dante, Marseille, 2013 ; Un coup d’œil dans le rétroviseur. L’idéologie néolibérale des origines jusqu’à aujourd’hui, Le Cerisier, Mons, 2010.

 

__________________________________________________________________________________

 

Il est bien évident qu'à l'époque de la "chute" du rideau de fer si ces ravages du capitalisme avaient été annoncés le cour de l'histoire n'aurait pas été tout à fait le même ,les habitants des pays de l'Est ne seraient pas tomber dans ce piége capitaliste.On le voit d'ailleurs aujourd'hui avec l'augmentation de l'ostalgie en ex RDA, et aussi dans d'autres pays de l'Est!

 

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5 avril 2014 6 05 /04 /avril /2014 17:25

 

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Compte-rendu du livre "Qui mène la danse ? Culture, guerre froide et CIA"

Qui dit « guerre froide » pense course aux armements, rideau de fer, voire chasse aux sorcières, mais rarement à la culture, qui en a pourtant été un des principaux champs de bataille. La récente traduction française de « Who paid the Piper ? », de Frances Stonor Saunders nous montre comment la CIA a utilisé la culture comme arme contre la gauche au sortir de la deuxième guerre mondiale.

Dans son ouvrage, Saunders fournit des preuves évidentes d’un plan soigneusement mûri par la CIA et dont le but était d’inféoder la vie culturelle et intellectuelle de l’après-guerre à l’impérialisme américain et aux conceptions de mise durant la guerre froide. En fait, la CIA s’était transformée en mécène des arts d’une envergure qui aurait fait pâlir d’envie les Médicis eux-mêmes.

Si j’écris cette critique, c’est parce je suis désemparée de me rendre compte que mon développement intellectuel, en apparence autonome, est en réalité le résultat d’un plan secret soigneusement mijoté par un service de renseignement étranger.

Une opération d’une ampleur considérable

“La CIA s’était transformée en mécène d’une envergure qui aurait fait pâlir d’envie les Médicis eux-mêmes”

« A l’apogée de la guerre froide, le gouvernement américain a investi des moyens gigantesques dans un programme secret de propagande culturelle en Europe occidentale. Nier l’existence d’un tel programme est devenu une composante importante du projet lui-même, exécuté dans le plus grand secret par la CIA. Au coeur de ce programme se trouvait le CCF (Congress for Cultural Freedom), dirigé de 1950 à 1967 par Michael Josselson, un agent de la CIA.

Ses résultats, et surtout sa durée, furent tout sauf négligeables. A son apogée, le CCF employait des dizaines de personnes dans 35 pays, il publiait plus de vingt revues prestigieuses, montait des expositions, possédait son propre service de presse, son propre service cinématographique, organisait d’importantes conférences internationales et récompensait musiciens et artistes par des prix et des performances publiques. Sa tâche consistait à séduire les intelligentsias occidentales, demeurées longtemps sous le charme du marxisme et du communisme, pour leur faire adopter progressivement une attitude plus accommodante vis-à-vis des façons d’agir américaines. »

Pour les chevilles ouvrières du CCF, la guerre froide a été essentiellement une guerre culturelle. Afin d’assurer l’autocratie des Etats-Unis, il convenait de soutenir idéologiquement l’aide économique à une Europe exsangue, affamée et en ruines.

En décembre 1947, Georges Kennan, l’architecte du plan Marshall, introduisait le concept du « mensonge nécessaire » en tant que pierre angulaire de la diplomatie américaine : on défendrait la vérité en recourant au mensonge, la liberté en recourant à la manipulation, la démocratie par le biais d’une oppression impitoyable, l’ouverture du régime par des opérations secrètes et sournoises.

La CIA embauche des socialistes et des ex-communistes

Les soutiens principaux de ce renversement angoissant des valeurs n’étaient nullement des idéologues de droite ni des nazis réhabilités au lendemain de la guerre, mais bien des prétendus gens de gauche s’affirmant comme « non communistes ». Le stratège le plus important fut Arthur Koestler.

L’écrivain, admiré en Occident pour sa condamnation du stalinisme, avait été recruté afin de décider des intellectuels progressistes à surmonter leur confusion de pensée et à vaincre leur attitude distante vis-à-vis de la politique. Koestler allait convaincre la CIA que la meilleure manière de lutter contre le communisme était de recourir aux services d’anciens communistes, décrits comme « des personnes qui avaient été déçues par le communisme mais qui étaient restées fidèles aux idéaux du socialisme »..

“Afin d’assurer l’autocratie des Etats-Unis, il convenait de soutenir idéologiquement l’aide économique à une Europe exsangue, affamée et en ruines”

C’est ce qui allait décider la CIA à tenter l’aventure avec les socialistes. Trois textes-clés témoignent de cette stratégie : The Vital Centre, d’Arthur Schlesinger, The God That Failed, d’Arthur Koestler et Nineteen Eighty-Four (1984) de George Orwell. Hormis ce trio, le philosophe Isaiah Berlin, l’homme politique Averell Harriman, le compositeur Nicholas Nabokov et l’écrivain et critique Melvin Lasky étaient les forces vives de tout ce projet. La plupart d’entre eux avaient des lettres de créance de gauche, censées conférer à leurs points de vue la crédibilité nécessaire.

Une tentative de mise sur pied d’une section américaine du CCF allait tourner en eau de boudin en raison du tollé des intellectuels américains et de l’attitude intègre d’un certain nombre de personnes, parmi lesquelles le dramaturge Arthur Miller et la femme de lettres Mary Carthy (la philosophe sociale Hannah Arendt, par contre, en fut l’une des plus chaudes partisanes).

On n’allait pas connaître de tels remous en Grande-Bretagne, où des intellectuels, des artistes et des hommes politiques se bousculèrent dans une course effrénée aux cadeaux et firent la promotion de leur petite personne dans l’espoir de pouvoir séjourner quelques jours dans un palace ou de décrocher l’un ou l’autre petit voyage d’agrément outre-mer.

La revue Encounter, éditée par le poète Stephen Spender, fut l’organe principal de la guerre froide. Sa carrière fut torpillée pour de bon par certaines révélations à propos du soutien apporté par la CIA. Par contre, George Orwell, lui, fut un agent très habile des services secrets britanniques. Moyennant rétribution, il dressa des listes de noms de ses anciens camarades du Parti Communiste tout en menant une lutte rabique contre la gauche dans ses banales oeuvres de fiction à la réputation des plus surfaites.

La guerre du Vietnam : un tournant

“George Orwell, agent très habile des services secrets britanniques, a mené une lutte rabique contre la gauche dans ses oeuvres à la réputation des plus surfaites”

La quasi-totalité des revues « radicales » ou de « gauche » publiées au cours de la guerre froide étaient financées par la CIA. Cela allait de Partisan Review aux Etats-Unis à Transition en Ouganda. La totalité des périodiques universitaires et culturels en provenance des universités américaines fut soutenue par la CIA par le biais de fondations qui servaient de façades.

Le succès de la stratégie de la CIA était tributaire de la définition de l’art, telle que la formulait la classe dirigeante. L’art non politique était mis sur un même pied que l’art anticommuniste. La liberté intellectuelle n’était autre que la liberté d’adopter une position procapitaliste.

La guerre du Vietnam et la faillite de la « gauche traditionnelle » allaient dégager la voie pour un mouvement révolutionnaire de gauche en Europe et aux Etats-Unis. Le tournant fut la période qui vit le retour du Vietnam des dépouilles mortelles des soldats américains et où les anciens « intellectuels de gauche », non contents d’avoir retourné leur veste, préférèrent se taire par crainte d’offenser les patrons qui les engraissaient. La montée de la « nouvelle gauche » compliqua grandement la politique de la guerre froide et signifia la fin des activités du CCF.

* L’auteur enseigne la littérature américaine et collabore à la revue britannique Fight Racism, Fight Imperialism. Cet article est la version abrégée d’une critique parue dans cette revue en juin 2000, lors de la sortie du livre en anglais.

Qui mène la danse ? La CIA et la guerre froide culturelle. Frances Stonor Saunders, Ed. Denoel, collection Impacts, 510 pages, +/- 25 euros

http://www.ptb.be/international/article.phtml?section=A1AAABBP&object_id=20424

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5 avril 2014 6 05 /04 /avril /2014 14:40

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LE WASHINGTON POST RÉVÈLE UN RAPPORT DU SÉNAT AMÉRICAIN DÉNONÇANT LES MÉTHODES DE LA CIA LORS DE SES INTERROGATOIRES MENÉS APRÈS LE 11 SEPTEMBRE. IL ACCUSE L'AGENCE D'AVOIR MENTI AU GOUVERNEMENT SUR SES PRATIQUES. 

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Etats-Unis: la CIA a menti sur ses méthodes d'interrogatoires post-11 septembre

 

La prison de Guantanamo (Cuba), ouverte en 2001 par l'administration américaine.

 

 

REUTERS/Bob Strong

 

Dans son édition de mardi, le Washington Post révèle un rapport du Sénat, fort de 6300 pages, accusant la CIA d'avoir menti au gouvernement sur ses méthodes d'interrogatoires post-11 septembre

Obtenue après trois années d'enquête, et des entretiens avec des dizaines d'anciens détenus, la commission à l'origine de ce rapport dénonce les techniques de tortures utilisées par la Central Intelligence Agency, inefficaces selon elle. 

Des plongées continues dans l'eau glacée 

"La CIA a décrit son programme comme permettant d'avoir des informations uniques, afin de stopper les complots terroristes et de sauver des milliers de vies. Etait-ce vrai? La réponse est non" a déclaré au Washington Post un responsable ayant travaillé sur le rapport. 

Ce dernier fait également état de divisions internes au sein de la CIA sur la marche à suivre. Certains employés ont par exemple quitté l'agence après avoir été choqués par ce qu'ils avaient vu dans une prison secrète située en Thaïlande. La poursuite des interrogatoires alors que les prisonniers n'avaient plus d'information à donner était également monnaie courante. Cette politique aurait été soutenue par les hauts responsables de l'agence, bien que les experts étaient convaincus de son inefficacité. 

Le rapport révèle l'utilisation d'une méthode jusqu'ici restée secrète: la plongée, à répétition, de prisonniers dans des bains d'eau glacée. Une technique qui se rapproche du waterboarding(simulation de noyade), déjà très critiquée et banni en 2009 parl'administration Obama

Une guerre CIA/Sénat 

Le Washington Post ajoute que les renseignements ayant permis de retrouver Ben Laden en 2011 n'ont pas été obtenus sous la torture, contrairement à ce qu'avaient affirmé certains hauts responsables américains. 

La publication de ce rapport intervient dans un contexte très tendu: le patron de la CIA, John Brennan, a nié en bloc les accusations, en accusant la commission ayant sorti ce rapport d'avoir forcé des sites confidentiels sans autorisation. Le mois dernier, la CIA avait été accusée d'avoir violé la Constitution en ayant espionné les parlementaires chargés d'enquêter sur elle. 

Le Sénat votera jeudi une possible déclassification de 400 pages de ce rapport. 


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2 avril 2014 3 02 /04 /avril /2014 20:06
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La Fondation Ford a joué, de 1947 à 1966, un rôle clé dans les réseaux d’ingérence états-uniens en Europe en subventionnant des revues, des programmes scientifiques et des organisations de la gauche non-communiste. La plus grande fondation philanthropique du monde offrait en réalité une façade respectable aux opérations de financement et de contact de la CIA. Ce rôle était d’autant facilité que les mêmes personnalités ont façonné et dirigé les deux organisations. Premier volet de notre enquête sur la branche culturelle de l’interventionisme atlantique.


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La Fondation Ford a été créée, en 1936, par Henry Ford. Antisémite militant, il publia La Juiverie internationale [1]. Figure légendaire de l’industrie automobile, il soutint tous les projets totalitaires du XXe siècle : il finança le national-socialisme allemand avant 1933, fut décoré par le chancelier Hitler de la Grand Croix de l’aigle allemand, en 1938, et détint une large partie du capital du chimiste IG Farben, fabriquant du gaz Zyklon B. 

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Grande croix de l’ordre de
l’aigle allemand
Décoration reçue par Henry Ford,
le 30 juillet 1938.

Mais ce n’est qu’à la mort d’Henry Ford, en avril 1947, que sa fondation prit toute son ampleur. Elle hérite alors de millions de parts des entreprises Ford pour une valeur de 70 millions de dollars. Elle devient ainsi la plus grande association philanthropique du monde. Comme l’affirme Henry Ford II, nouveau président du conseil d’administration,les années 1949-1950 « marquent un tournant dans l’histoire de la Fondation Ford ».

Ce tournant survient au moment où les États-Unis accèdent au statut de puissance mondiale de premier plan. À Washington, l’ancien ambassadeur en Union soviétique, le général George F. Kennan, mène campagne pour persuader ses concitoyens que le péril rouge est bien plus important que ne l’était la menace nazie. Il enjoint le président Truman de ne pas désarmer, mais de cacher la machine de guerre états-unienne et de se préparer à tout instant à un nouvel affrontement. 
Il réussit à convaincre le secrétaire adjoint à la Guerre, John J. McCloy, de ne pas dissoudre les services secrets mis en place durant la Seconde Guerre mondiale, mais de les adapter à ces temps nouveaux. Il théorise le « stay-behind », un réseau initialement composé d’agents nazis et fascistes restés en arrière de la ligne de front lorsque le Reich capitula, puis retournés par les Anglo-États-uniens pour poursuivre leur lutte contre l’influence communiste en Europe. 
De même, un groupe d’industriels, réunis autour du juriste H. Rowan Gaither Jr, parvient à empêcher le démantèlement du service de recherche et développement du secrétariat à la Guerre et le privatisent sous le nom de Rand Corporation (Rand est l’acronyme de Research And Developpment). 
Poursuivant la logique à son terme, Kennan met en place une structure permanente secrète de l’appareil d’État via le National Security Act, validé par le Congrès en 1947. Il institue la CIA, le Conseil de sécurité nationale et l’État-major interarmes. 
Ce dispositif se double d’un plan d’intervention publique, promu par le général George C. Marshall, sous forme de prêt à la reconstruction consentis aux États européens qui se placent dans le giron de Washington. Sa mise en œuvre est confiée à Paul G. Hoffman.

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John McCloy

Les États-Unis et l’URSS se livrent désormais une guerre implacable, non pas directement sur le terrain militaire qu’ils évitent, mais dans les domaines politiques, intellectuels et sociaux. Leurs réalisations dans ces différents champs, comme, par exemple, la conquête spatiale, sont autant de victoires symboliques. Les fondations états-uniennes, au premier rang desquelles la Fondation Ford, seront les « soldats » de Washington dans cette « Guerre froide ».

La nouvelle dimension financière acquise par la fondation Ford en 1947 développe ses ambitions. Pour redéfinir ses objectifs, le conseil d’administration décide, à l’automne 1948, de commander « une étude détaillée (...) auprès de gens compétents et indépendants, afin de servir de guide sur la manière (...) dont les fonds élargis de la Fondation pourront être employés au mieux, dans l’intérêt général »
La commission créée à cet effet est présidée par H. Rowan Gaither Jr, qui vient de créer la Rand Corporation, grâce aux garanties bancaires fournies par la fondation Ford. Gaither a été administrateur du MIT pendant la guerre, et a côtoyé les physiciens du Manhattan Project [2]. Sur les conseils de cette commission, le conseil d’administration débauche le patron du Plan Marshall, Paul G. Hoffman, et le nomme président de la Fondation. Il prend officiellement ses fonctions le 1er janvier 1951. Il incarne, selon le journaliste Volker R. Berghahm, « le rôle plus large et plus international que le rapport Gaither envisageait pour la Fondation » [3]. Le ton est donc donné : parallèlement au Réseau stay-behind dans le domaine politique et au Plan Marshall dans le domaine économique, la Fondation Ford sera le bras culturel des réseaux d’ingérence états-uniens en Europe.

Cependant, malgré les apparences, la Fondation n’est pas un seulement un outil supplémentaire dans le dispositif imaginé par Kennan en 1946-48, elle devient aussi une position de repli. En effet, dans l’élite dirigeante aux États-Unis, à la faveur de la guerre de Corée, le père de la Guerre froide a été doublé sur son extrême droite par un théoricien redoutable, Paul H. Nitze. De même, la vie politique intérieure est submergée par la « chasse aux sorcières » dont le sénateur Joseph McCarthy devient le leader.

La plupart des fondations qui prospèrent au sortir de la guerre dépensent la majeure partie de leur budget dans des programmes nationaux : la Fondation Ford dépense ainsi, de 1951 à 1960, 32,6 millions de dollars dans des programmes éducatifs, 75 millions pour l’enseignement de l’économie et de la gestion, et près de 300 millions pour les hôpitaux et les écoles de formation en médecine. Mais une partie de ses cadres souhaite diriger l’activité vers l’international. Une première tentative concerne le Free Russia Fund, dont la présidence est naturellement confiée au père de la Guerre froide, le général George F. Kennan, qui trouve là un point de chute pour poursuivre sa carrière. Son budget est de 200 000 dollars. En juillet 1951, la Fondation offre également 1,4 millions de dollars à la Free University, à Berlin-Ouest. Celle-ci a été fondée en 1948, alors la plus vieille université berlinoise, située dans le secteur soviétique, avait été « stalinisée ».

Dans le rapport annuel de 1951, Henry Ford mentionne la « création de conditions pour la paix ». Ce programme aurait pour objectif « d’essayer de réduire les tensions exacerbées par l’ignorance, l’envie et l’incompréhension » et « d’augmenter la maturité du jugement et la stabilité de la détermination aux États-Unis et à l’étranger ». Hoffman met sur pied une équipe destinée à promouvoir cette idée de « conditions pour la paix ». On retrouve autour de lui Rowan Gaither, mais aussi Milton Katz, son ancien assistant à l’administration du plan Marshall (ECA), et Robert M. Hutchins de l’université de Chicago. À partir du 1er janvier 1952, l’équipe est renforcée par un autre consultant de l’ECA, Richard M. Bissell Jr. Le 15 juillet 1952, les programmes internationaux de la Fondation Ford avoisinaient 13,8 millions de dollars, soit la moitié de la somme allouée aux programmes nationaux.

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Richard Bissel Jr.

En mars 1952, Richard M. Bissell rédige un texte de seize pages qui s’intitule « Créer les conditions de la paix », fixant les grandes lignes du programme à venir. Selon le document, « l’objet de la Fondation doit être d’aider à créer un contexte dans lequel il sera possible pour l’Ouest, grâce à la nouvelle position de force militaire qu’il est en train de réaliser, de négocier une paix juste et honorable avec l’Est ». Cela passerait par « une discussion sur le désarmement » afin d’amener à la négociation, le tout en suscitant « une opinion publique favorable » au processus. Bissell rejette l’idée d’une confrontation directe, mais ne croit pas à l’éventualité d’un désarmement et d’une véritable paix. Il pense plutôt « que nous pouvons vivre dans le même monde que les Russes sans aller à la guerre contre eux, malgré des différences profondes et constantes dans notre état d’esprit et dans nos intérêts ». En cela, il théorise une doctrine proche de la « coexistence pacifique » prônée par Khroutchev, après la mort de Staline, en 1956.

La démarche modérée de Bissell s’applique identiquement au niveau national : selon lui, « l’état de l’opinion qui prévaut actuellement aux États-Unis est trop tendu et émotionnel, trop proche de ce qu’est une guerre de religion ». Il s’oppose donc au maccarthysme, mais conseille la prudence. Il considère que toute démarche ostensible vers l’idée de désarmement pourrait être mal interprétée sur la scène intérieure, l’opinion publique n’étant pas prête à envisager un système où il n’y aurait « ni guerre, ni paix ». Bissell propose que la Fondation Ford ne s’engage pas publiquement dans un tel combat, mais qu’elle cherche à mettre en œuvre son idée, en rassemblant des données et en contactant des spécialistes en relations internationales. C’est dans ce contexte qu’Hoffman va rechercher l’ancien secrétaire adjoint à la Guerre, John J. McCloy (devenu, entre temps, président de la Banque internationale pour la reconstruction et le développement prédécesseur de la Banque mondiale), qui rejoint la Fondation avec un de ses collaborateurs Shepard Stone.

Selon Volker R. Berhahn, l’initiative de la Fondation Ford allait plus loin, dès les origines, que le simple développement « d’un contre poids à l’anticommunisme maccarthyste replié sur soi ou d’un combat de Guerre froide par des moyens plus subtils. Parce que les États-Unis étaient devenus une puissance mondiale mais que l’opinion publique n’était toujours pas prête pour les défis à venir, l’objectif était de créer les bases populaires d’une politique étrangère démocratique qui serait menée par les élites de la côte Est, et de s’assurer que ces élites ne perdraient pas de terrain face à la nouvelle résurgence des politiques populistes et de l’isolationnisme ».

Hoffman s’engage, dès l’été 1952, aux côtés de Dwight D. Eisenhower, candidat à l’élection présidentielle, espérant obtenir le poste de secrétaire d’État dans la nouvelle administration. Une équipe de la Fondation, sous la direction de Shepard Stone, rédige avec empressement le programme du candidat républicain tout en ménageant habilement les susceptibilités des démocrates. La tentative d’alliance échoue et, dès son entrée à la Maison-Blanche, Eisenhower nomme John Foster Dulles au poste de secrétaire d’État. Son frère, Allen Dulles, est lui nommé à la tête de la CIA, où il adopte une position très dure vis à vis de l’URSS, en développant la stratégie du « rollback » en Europe centrale [4]. Ces nominations sont un nouveau camouflet pour les projets de Hoffman, Kennan, Stone, McCloy, et Milton Katz. Ceux-ci continuent néanmoins de multiplier les contacts avec des intellectuels libéraux et des spécialistes en questions internationales pour conduire une stratégie plus diplomatique vis-à-vis de l’URSS. Au cours de ces rencontres, l’idée leur apparaît que les pays non-alignés pourraient constituer un bon terrain pour des projets pilotes élaborés par la fondation. Selon les archives des correspondances entre les différents responsables de la Fondation, John J. McCloy se demande à l’époque si « le travail que nous faisons n’est pas plus difficile (...) que de gouverner l’Allemagne ou d’essayer d’établir une communauté européenne ».

Au final, l’ensemble des entretiens menés par le groupe permet aux dirigeants de la fondation d’envisager qu’elle soit un « stimulant directeur » pour repenser la relation soviéto-états-unienne, d’après le rapport final de McCloy et Stone. Selon ce document, l’Europe occidentale serait une région clé dont la base institutionnelle doit être renforcée et où la Fondation Ford « pourrait sponsoriser de façon utile la création d’un institut ou d’une série d’instituts consacrés à l’étude des problèmes de la communauté européenne ». Ce projet s’intitule Programme Conditions pour la Paix. Un comité consultatif est créé, présidé par McCloy. Shepard Stone y occupe le poste de directeur. L’un de ses objectifs est d’élaborer une méthode qui permette « d’obtenir le soutien des socialistes d’Europe pour la paix internationale ». La fondation doit donc « envisager l’idée de rassembler les penseurs socialistes avancés de ces pays, des hommes qui ont du prestige au sein de leurs propres partis, d’étudier le problème de la coexistence et de proposer des solutions ».

Le programme suscite bien des ambitions personnelles. Au terme de luttes d’influence, il est placé sous la dépendance du Council on Foreign Relations (CFR) [5], et Shepard Stone en devient un élément clé, en qualité de responsable de la Division aux affaires européennes et internationales de la Fondation Ford.

Quoi qu’il en soit, la Fondation est un outil que chaque département ministériel veut utiliser. Dès le 5 mai 1951, Hans Speier, de la Rand Corporation, envoie un mémorandum à Rowan Gaither dans lequel il révèle que le département d’État et le Haut commissariat civil en Allemagne (HICOG) souhaitent dissimuler leur soutien à des organisations en Allemagne de l’Ouest, afin qu’elles cessent d’apparaître comme inféodées à Washington. Ils cherchent donc, avec la CIA, à trouver des moyens pour acheminer des fonds de manière détournée. Le 20 mars 1952, Milton Katz fait circuler un mémorandum au sein de la direction de la fondation, dans lequel il rappelle l’importance particulière de l’Europe, au regard de la diplomatie états-unienne. Selon lui, l’Europe ne peut pas être envisagée « de façon constructive si ce n’est en tant que membre de la communauté atlantique ». Dans ce contexte, il convient d’aider à la libération « des grands syndicats français et italiens de la poigne du communisme ». Katz énumère ensuite une série de projets de la fondation Ford, dont « la mise en place de l’équivalent du CDE (Comité pour le développement économique) pour l’Europe continentale ». Il termine par une liste de personnalités susceptibles de relayer l’action de la fondation : Jean Monnet, Oliver Franks, Hugh Gaitskell, Geoffrey Crowther, Robert Marjolin, Dirk Stikker et Dag Hammarskjöld. En mai 1953, Rowan Gaither rédige un mémorandum dans lequel il avance un nouveau principe : la fondation doit éviter « de faire des choses qui sont un doublon ou un substitut d’actions réelles du gouvernement ou d’autres agences ». Après tout, poursuit-il, « certaines des plus importantes opportunités de la Fondation (...) peuvent résider dans le fait de compléter les activités d’autres et notamment de les encourager et de les amener, notamment le gouvernement, à améliorer leurs activités ». L’articulation Gouvernement états-unien/Fondation Ford trouve ici sonmodus operandi.

Avec la fin du maccarthysme et le début de la coexistence pacifique, les querelles s’atténuent à Washington. La Ford ne se présente plus comme une alternative de la CIA, mais comme son partenaire. Richard Bissell Jr, quitte d’ailleurs la fondation pour prendre la direction opérationnelle du stay-behind. Tandis que la Ford assiste la CIA dans plusieurs grandes opérations. 
Elle prend le relai de la CIA dans le financement du Congrès pour la liberté de la culture. 
Elle confie une étude sur l’échec du traité de la Communauté européenne de défense en France à David Lerner et Raymond Aron, figure essentielle du Congrès. 
Elle finance l’orchestre Hungarica Philarmonica, composé de musiciens contraints à l’exil à cause du stalinisme, et que la CIA veut ériger en symbole du monde libre. 
Elle finance aussi l’American Committee on United Europe (l’ACUE), un faux-nez de la CIA chargé de favoriser la construction d’une Europe fédérale conforme aux intérêts de Washington. L’ACUE est présidé par l’ancien patron des services secrets de la période de Guerre mondiale et vice-présidée par le fondateur de la CIA.

L’action de la Ford auprès du Congrès pour la liberté de la culture est rendue possible, explique Grémion, par la proximité entre les acteurs qui constituent les deux entités. Tout comme le Congrès, la Ford est composée de « libéraux » (au sens états-unien du terme), donc de la gauche non-communiste. « Outil d’une diplomatie non gouvernementale, l’objectif de ses dirigeants [dans le domaine de l’art] est de donner une image de la culture américaine différente de l’assimilation fréquente à la culture populaire de masse ». En cela, « la Ford place ainsi dès le départ son action dans le cadre d’une pratique mécénale éclairée ». Dans le domaine économique, l’action de la fondation « s’inscrit dans le sillage réformiste du New Deal », ce qui lui vaut les faveurs des intellectuels du Congrès, qui sont en majorité des partisans de la planification et du Welfare State. Enfin, elle est orientée vers le développement des sciences sociales : Rowan Gaither estime qu’elles permettront un jour d’obtenir des résultats aussi brillants dans le domaine social que les sciences de l’ingénieur dans le domaine technique. La Ford finance en priorité les sciences sociales, avant les humanités et la médecine. Elle multiplie également les échanges universitaires et académiques, et les créations institutionnelles : elle finance le Centre de sociologie européenne de Raymon Aron, et le réseau de planificateurs Futuribles, de Bertrand de Jouvenel. Sa présence est tellement discrète que, d’après un mémorandum rédigé par Shepard Stone après un voyage en Europe, en 1954, la fondation est tenue en haute estime en Europe, « même dans les cercles d’extrême gauche du Parti travailliste britannique, le SPD allemand et auprès de nombreux intellectuels gauchistes en France ». L’admiration est réciproque : Shepard Stone est en effet très attirée par la haute culture européenne, qu’il oppose à la culture populaire états-unienne, et se sent proche des intellectuels du Congrès qui, après avoir critiqué le communisme, « mettent aujourd’hui en valeur les vertus de la liberté individuelle et d’une société libre ». Il finance donc des revues proches du Congrès, telles queEncounterPreuves, et Forum.

Après plusieurs mois de conflits internes, Shepard Stone obtient la direction de l’ensemble du programme européen de la Ford mi-1956. L’activité de la fondation s’amplifie. Stone réclame 5 millions de dollars de budget supplémentaires, simplement pour le programme européen. Les révolutions hongroises et polonaises, réprimées en 1956 par les Soviétiques, convainquent l’ensemble des actionnaires d’accéder à ses demandes. Cet argent permet d’aider les réfugiés venus d’Hongrie ou de Pologne, et d’installer des structures pour les accueillir. La Fondation organise également des programmes de formation et d’étude pour des scientifiques venus du Pacte de Varsovie, invités pour cela aux États-Unis et en Europe occidentale. C’est là un petit jeu pervers tel que les aiment les services spéciaux : la CIA espère recruter des agents parmi les économistes, les chercheurs en sciences sociales et les experts invités par la Ford, tandis que le KGB pense envoyer des éléments fiables acquérir le savoir états-uniens. 
Dans le même temps, des programmes de promotion de la langue anglaise, d’études états-uniennes et de contacts entre le Japon et l’Europe sont lancés au Japon. La diplomatie philanthropique de la Ford devient mondiale. Partout dans le monde, elle se charge de mettre en avant la culture états-unienne et de gagner à sa cause les non-alignés. En Afrique, la menace d’un alignement des pays nouvellement indépendants sur Moscou motive de nombreux programmes d’aide en leur direction, notamment en Algérie. Un programme agricole est également monté en Inde, avec l’aide d’investisseurs européens, que Shepard Stone a incité à créer des fondations sur le modèle de la Ford.

Au niveau universitaire, la fondation Ford finance le St Antony’s College d’Oxford, spécialisé dans les sciences humaines, en 1959. Le Centre européen de recherche nucléaire (CERN) reçoit également des subventions à partir de 1956, tout comme l’institut du physicien nucléaire danois, Niels Bohr. Ce dernier peut ainsi, avec l’approbation de la CIA, faire venir au Danemark des délégations de scientifiques polonais, soviétiques, et même chinois, officiellement pour les vertus du « dialogue scientifique ». Dans la foulée, l’université d’Oxford reçoit elle-même une subvention d’1 million de dollars en 1958, tout comme le Churchill College de Cambridge. En France, la Maison des sciences de l’homme, dirigée par Gaston Berger, reçoit 1 million de dollars en 1959, pour la création d’un centre de recherche en sciences sociales défendue par des universitaires tels que Fernand Braudel.

La révélation, en 1966 et 1967, du financement du Congrès pour la Liberté de la culture par la CIA jete le discrédit sur la Ford, par ricochet. L’idée d’un lien entre la Ford et les services secrets états-uniens se répand. Au-delà, c’est l’ensemble des activités prétendument philanthropiques, menées par la Fondation en Europe, qui sont regardées d’un œil nouveau : ne s’agit-il pas d’une formidable opération d’ingérence culturelle états-unienne ?

       

L’histoire de la Fondation Ford ne s’est pas arrêtée avec le scandale de 1967. Les activités qu’elle a conduites depuis, et qu’elle poursuit encore aujourd’hui, font l’objet du second volet de cette enquête : Pourquoi la Fondation Ford subventionne la contestation.

[1The International Jew - The World’s Foremost Problem

[2] Pierre Grémion, Intelligence de l’anticommunisme, Fayard, 1995.

[3] Volker R. Berhahn, America and the intellectual cold wars in Europe, Princeton University Press, 2001.

[4] La stratégie du « rollback » consiste à forcer un reflux des positions russes en Europe centrale. Elle s’oppose à la doctrine de « containment », qui vise à figer l’état des forces en présence, et à empêcher toute expansion soviétique. Le « rollback » a remplacé le « containment » après la chute de l’URSS.

[5] Le 6 mai 1953, le Council on Foreign Relations organise, grâce à des financements de la fondation Ford, un séminaire consacré aux relations entre les États-Unis et l’URSS. Y sont présents : John J. McCloy (président), Henry L. Roberts (secrétaire à la recherche), John Blumgart (rapporteur), Henry L. Roberts (banquier d’investissement), Robert Amory (CIA), Robert Bowie (Département d’État), McGeorge Bundy (Harvard), Merle Fainsod (harvard), George S. Franklin Jr. (CFR), Howard Johnson (Fondation Ford), Devereux C. Josephs, J. Robert Oppenheimer (Insitute for Advanced Study, Princeton), Dean Rusk (président de la fondation Rockefeller), Shepard Stone et Henry M. Wriston (président de l’université de Brown.

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2 avril 2014 3 02 /04 /avril /2014 19:08

par Jean-Pierre Durand

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Le concept d’aliénation créé par Marx à propos du rapport que l’ouvrier entretient avec son travail a tellement été malaxé depuis le XIXe siècle qu’il mérite un retour aux sources, y compris en le rapprochant d’autres formulations connotées différemment comme celle de « servitude volontaire ». Pourtant le débat doit porter sur l’actualité du concept lui-même, sur sa validité dans le capitalisme présent, financiarisé et globalisé. En effet, si l’usage du terme apparaît beaucoup moins fréquent que dans les années 1960-70 dans les textes critiques, c’est essentiellement parce que, d’une part, l’inflation de son utilisation l’avait discrédité sinon disqualifié et, d’autre part, parce que la conceptualisation marxiste ou néo-marxiste – pour ne pas dire l’approche marxiste tout simplement – doit faire face à l’autisme d’une grande partie de l’intelligentsia actuelle.

2

Pour nous, la question se pose ainsi : n’est-il pas temps de réhabiliter le concept d’aliénation dans le modèle productif aprèsfordien, tel que nous le vivons aujourd’hui ?N’est-il pas le concept le plus précis qui rende compte de l’enfermement dans lequel se trouvent la plupart des salariés dans leur activité de travail ? N’est-il pas au fondement des contradictions dans lesquelles se meuvent nombre de cadres ? Pour être clair, dans ce texte nous traiterons essentiellement de l’aliénation dans le procès de travail, caractérisé par les rapports de production capitalistes de ce début du XXIe siècle. Ainsi, nous n’analyserons ni le processus de financiarisation de l’économie globalisée, ni les restructurations des entreprises, ni la question de l’emploi (sauf dans ses effets d’« armée de réserve » sur les salariés occupés), ni les thèmes de la vie hors travail, pourtant bénéfiques à tout développement théorique sur l’aliénation… L’objectif est de concentrer l’analyse sur le procès de travail et sur ce que nous dénommons lacombinatoire productive, c’est-à-dire la combinaison du procès de travail lui-même avec son contexte immédiat, à savoir la restructuration de l’entreprise à partir des principes de son intégration fonctionnelle et de la constitution de la firme étendue (ou réticulaire) – autant de processus liés à la fois à la financiarisation de l’économie, c’est-à-dire à de nouvelles exigences des actionnaires, à une concurrence exacerbée dans les pays de l’OCDE où la croissance économique reste faible et à l’expansion des technologies de l’information et de la communication (TIC).

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Après un court retour aux sources du concept d’aliénation chez Marx, nous proposerons quelques illustrations du fonctionnement du concept dans des situations actuelles. Ce sera alors le moment de comprendre en quoi il est un outil essentiel pour expliquer les régimes de mobilisation du travail dans le modèle après-fordien et surtout pourquoi ces régimes rencontrent quelques succès malgré des résistances.

Retour à Marx
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Pour synthétiser les apports de Marx sur le rapport salarial capitaliste, on peut opposer l’égalité juridique des positions des échangeurs (l’un offre sa marchandise force de travail que l’autre lui achète) à l’inégalité de l’échange économique : au-delà du seul procès de production de la plus-value, l’inégalité réside dans le fait que l’offreur doit retourner chaque jour vendre sa force de travail puisqu’il ne dispose ni des moyens de production ni des moyens de subsistance. C’est le fondement même de la reproduction du rapport de production capitaliste qui, comme l’écrit Marx, est un résultat plus important que la production matérielle des marchandises. Et dans ce rapport de production capitaliste, l’ouvrier abandonne le résultat de son travail : « Pour autant que le procès de production n’est que procès de travail, l’ouvrier y consomme les moyens de production comme de simples aliments du travail ; en revanche, pour autant qu’il est aussi procès de valorisation, le capitaliste y consomme la force de travail de l’ouvrier en s’appropriant le travail vivant comme sang vital du capital. La matière première et l’objet du travail, en général, ne servent qu’à absorber le travail d’autrui, l’instrument de travail faisant office de conducteur, de véhicule dans ce procès d’absorption. En incorporant à ses éléments matériels la force de travail vivante, le capital devient un monstre animé et se met à agir “comme s’il était possédé par l’amour” » [1]  Marx, Un Chapitre inédit du Capital, Paris, UGE 10/18,1971,...[1].

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Ainsi, alors que la valeur d’usage de la force de travail est de produire de la valeur – plus de valeur qu’elle n’en contient elle-même –, cette valeur produite est aliénée pour le vendeur, au grand bénéfice de l’acheteur. Ainsi, l’ouvrier crée une valeur, mais une valeur étrangère à lui-même puisqu’elle lui échappe en tant que travail cristallisé sur un objet qui ne lui appartient pas, durant un temps de travail qu’il a cédé au capitaliste. « En réalité, l’acheteur de la capacité de travail n’est que la personnification du travail objectivité dont une fraction est cédée à l’ouvrier sous forme de moyens de subsistance pour que la force vivante du travail s’incorpore à l’autre fraction et qu’au moyen de cette incorporation le capital se conserve tout entier et croisse même au-delà de sa masse initiale. Ce n’est pas l’ouvrier qui acquiert les moyens de subsistance et de production, ce sont les moyens de subsistance qui achètent l’ouvrier, afin d’incorporer sa force de travail aux moyens de production » [2]  Ibid., p. 165 (souligné par nous).[2]. Cette dernière formulation qui peut apparaître paradoxale constitue l’un des renversements paradoxaux auxquels Marx nous a habitués.

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De même, si le produit du travail est aliéné, la production elle-même devient l’aliénation en acte. Autrement dit, tout comme l’idéologie n’est pas le résultat de la domination mais lui est inhérente, l’aliénation n’est pas seulement le produit du travail, elle est intrinsèque au processus productif, c’est-à-dire à l’acte de travail salarié lui-même dans le capitalisme. Alors, on peut soutenir que l’acte de travail est « extérieur à l’ouvrier, que le travail dans lequel l’homme s’aliène est un travail de sacrifice de soi, de mortification. Enfin, le caractère extérieur à l’ouvrier du travail apparaît dans le fait qu’il n’est pas son bien propre, mais celui d’un autre, qu’il ne lui appartient pas, que dans le travail l’ouvrier ne s’appartient pas lui-même, mais appartient à un autre » [3]  K. Marx, Les Manuscrits de 1844, Paris, Editions sociales,...[3]. Dire que « l’ouvrier appartient à un autre », c’est décrire le servage ou l’esclavagisme et non le capitalisme. Marx n’avait pas encore distingué la force de travail de l’ouvrier : le capitaliste n’achète pas le travailleur mais l’usage de la force de travail de l’ouvrier durant un temps défini. Lequel ouvrier ne peut construire librement son œuvre puisqu’il ne dispose pas des moyens de travail : « L’ouvrier met sa vie dans l’objet. Donc plus cette activité est grande, plus l’ouvrier est sans objet. Il n’est pas ce qu’est le produit de son travail. Donc plus ce produit est grand, moins il est lui-même. L’aliénation de l’ouvrier dans son produit signifie non seulement que son travail devient un objet, une existence extérieure, mais que son travail existe en dehors de lui, et devient une puissance autonome vis-à-vis de lui, que la vie qu’il a prêtée à l’objet s’oppose à lui, hostile et étrangère » [4]  Ibid., p. 58.[4]. Plus encore, nous pouvons passer de l’aliénation de la chose à l’aliénation de soi[5]  Ibid., p. 61.[5]. En effet, si le processus de production ou l’acte de travail dans le capitalisme aliène la chose (le résultat du travail), il aliène aussi le support de la force de travail (l’ouvrier).

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Si Marx a travaillé sur l’échange marchand entre ouvrier et capitaliste, c’est bien entendu le rapport salarial capitaliste qu’il a analysé dans son essence, entre celui qui ne dispose que de sa force de travail, physique et intellectuelle, et le capitaliste détenteur des moyens de production et des moyens de subsistance. Du point de vue qui nous intéresse, à savoir l’élucidation de la nature et du processus d’émergence et de fonctionnement de l’aliénation, les analyses de Marx relatives à l’aliénation du travail ouvrier puis de l’ouvrier lui-même concernent l’ensemble des salariés dans les rapports de production capitalistes. Car c’est bien de l’essence du rapport salarial capitaliste dont parlait Marx en posant l’ouvrier comme privé de ses moyens de production et de ses moyens de subsistance tout comme l’est tout salarié dans le capitalisme contemporain [6]  On peut exclure ici les salariés bénéficiaires de stock...[6]. Ce qui nous conduit à interpréter l’aliénation dans le travail salarié aujourd’hui.

De l’aliénation à sa dénégation
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L’une des caractéristiques essentielles de l’aliénation est sa dénégation, c’est-à-dire le refus par la victime de percevoir sa condition telle qu’elle est. En glissant des rapports d’exploitation aux rapports de domination dans les années 1970, A. Touraine n’en montre pas moins, pour les dominés, la nécessité pour exister et pour accepter leurs conditions de nier cette domination et cette aliénation : « L'aliénation suppose l'adoption par la classe dominée d'orientations et de pratiques sociales et culturelles déterminées par les intérêts de la classe supérieure et qui masquent les rapports de classes en posant l'existence d'une situation sociale et culturelle reconnue comme le champ commun à tous les acteurs et définissable sans recours aux rapports de domination. L'aliénation est d'abord la négation de la domination » [7]  A. Touraine, Production de la société, Paris, Le Seuil,...[7].

9

La négation de l’aliénation et de la domination peut avoir lieu à travers deux processus entrelacés. D’une part, à travers une impossibilité de percevoir cette aliénation ou, d’autre part, à travers un rejet quelque peu conscient de celle-ci pour satisfaire des exigences immédiates.

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Nombre de salariés ne perçoivent ni la domination ni l’aliénation parce que les représentations dominantes – celles de la classe dominante – les masquent sous les discours de l’égalité des chances, de l’équité ou des lendemains toujours meilleurs à partir d’un projet social que chacun partage « naturellement » : c’est la thèse tourainiene du modèle culturel – celui du « développement » dans nos sociétés – que les dominés reprennent à leur compte puisqu’il porte l’espoir de jours meilleurs pour eux-mêmes et pour leur descendance. Selon A. Touraine, pour que le modèle culturel vive dans les consciences, celles-ci se projettent dans l’avenir et doivent nier l’immédiateté de leurs conditions de salariés, à savoir l’appropriation par le capital du fruit de leur travail, en particulier au-delà de la valeur même de la force de travail. Une autre approche, celle de C. Castoriadis, veut que « le sujet, [soit] dominé par un imaginaire vécu comme plus réel que le réel, quoique non su comme tel, précisément parce que non su comme tel. Alors, l’essentiel de l’hétéronomie – ou de l’aliénation, au sens général du terme – au niveau individuel, c’est la domination par un imaginaire autonomisé qui s’est arrogé la fonction de définir, pour le sujet et la réalité et son désir » [8]  C. Castoriadis, L’Institution imaginaire de la société,...[8]. Ainsi, si le sujet est dominé par le discours de l’Autre, qui ne se dit pas comme tel, la fin de l’aliénation passe par la négation du discours de l’Autre, laquelle est impossible puisque le sujet, pour exister, requiert justement le discours de l’Autre. On l’a compris, dans la plupart des analyses, la négation de l’aliénation appartient au processus de sa construction : d’où sa dénégation largement partagée par la plupart des acteurs, tant que la lente déconstruction heuristique n’est pas entamée et surtout achevée.

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Par ailleurs, des salariés qui auraient conscience du processus aliénant le résultat de leur travail, intrinsèque aux rapports de production capitalistes, peuvent le nier parce que sa destruction ou son dépassement leur paraissent des tâches démesurées. En l’acceptant et en « s’en arrangeant » plus ou moins consciemment, ils le nient explicitement pour accorder leurs pratiques à leurs positions ou déclaration verbales. Il apparaît que cette situation tend à se développer dans le salariat contemporain, en particulier dans l’encadrement [9]  Cf. les travaux de Bouffartigue (par exemple Les Cadres,...[9], mais pas seulement puisqu’on la rencontre aussi parmi les employés et les ouvriers à travers la perception du décalage croissant qu’ils perçoivent (en s’en accommodant) entre les annonces managériales et les faits concrets du procès de travail. Nous sommes donc assez loin de la conscience de l’aliénation du travail et du travailleur telle qu’elle a été mise en évidence par Marx, en particulier parce que le terme d’aliénation n’est pas – encore ? – utilisé pour dénommer ce décalage. Il n’en reste pas moins la forme moderne de l’aliénation.

Nouveau modèle productif et implication contrainte
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L’appellation nouveau modèle productif (ou après-fordien), très insatisfaisante conceptuellement, signifie seulement que de profonds changements sont intervenus dans l’organisation de la production des biens et des services et dans l’organisation du travail depuis la fin des années 1980, même si la production de masse reste dominante, seulement amendée d’une différenciation relative des produits et des services (notion de production de masse flexible). Cette désignation de nouveau modèle productif tiendra le temps qu’on lui trouve une formulation adéquate et synthétique, comme le fut d’une certaine manière celle de fordisme, qui associait une régulation macro-sociale (rôle des syndicats et de l’État) à une organisation spécifique du travail (division du travail et parcellisation des tâches) et à un mode particulier de mobilisation des travailleurs par les augmentations salariales. Lorsque le modèle fordien a perdu sa cohérence et ses régulations leur efficacité, les nations occidentales sont entrées dans une période de crise (1975-1985) caractérisée par une stagnation économique et surtout par une baisse de rentabilité du capital. Depuis, le capitalisme s’est transformé au niveau macro-économique mais a surtout réussi à augmenter considérablement la productivité du travail, quelque peu grâce aux technologies de l’information mais surtout par des réorganisations de la production et du travail. C’est de celles-ci que nous parlerons maintenant.

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En effet, les directions d’entreprise ont su inventer de nouvelles cohérences, semblables à celles du modèle fordien, dans des conditions de très faible croissance économique (en particulier en Europe ou au Japon), avec une stagnation voire une réduction des salaires pour renouer avec de fortes rentabilités pour les capitaux investis. Pour situer le modèle productif émergent, il faudrait aussi prendre en compte la réduction du nombre d’emplois dans les pays de l’OCDE et les délocalisations des activités vers les pays à faible coût de main-d’œuvre mais, dans le cadre de cet article, nous nous focaliserons sur le procès de travail pour saisir les nouvelles voies de l’aliénation des salariés.

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La nouvelle cohérence productive repose sur la mise en adéquation des trois composantes du procès de travail : l’organisation de la production en général, l’organisation du travail proprement dite et le régime de mobilisation des salariés [10]  Voir pour un développement argumenté de ces thèses...[10]. Pour ce qui est de la réorganisation de la production, la généralisation du flux tendu signifie que chaque segment de production des biens et des services est mis en dépendance directe du segment amont et du segment aval en faisant disparaître les stock-tampons entre ces segments. Hier, dans une situation où les coûts importaient moins qu’aujourd’hui, ceux-ci laissaient une certaine maîtrise des temps et de leur organisation aux salariés. Aujourd’hui, il faut comprendre la fin des stocks-tampons comme une volonté managériale de mettre en mouvement permanent la matière ou l’information pour bien sûr accroître la rotation du capital, mais aussi d’activer les hommes pour accroître la productivité du travail : le flux tendu, principe selon lequel si un segment s’arrête tout s’arrête, a pour but de fragiliser la production des biens et des services afin que les hommes se sentent mobilisés en permanence, s’activent en permanence – dans un contexte de réduction des coûts de main-d’œuvre donc du nombre de salariés – pour ne pas rompre le flux. Le lecteur peut observer, pour s’en convaincre, la restauration rapide, les banques, les hypermarchés, les hôpitaux, le transport aérien, les plateformes logistiques de la grande distribution, les centres d’appels téléphoniques et bien sûr toute l’industrie à partir de ce qu’il a entendu sur le juste-à-temps dans l’industrie automobile. Toutes les formulations telles que les relations clients-fournisseurs, le management par projet, le groupware, le workflow [11]  Il s’agit d’autant de techniques organisationnelles...[11], etc. recouvrent ce paradigme du flux tendu à travers lequel tout salarié est mobilisé à chaque seconde pour satisfaire les demandes de l’étape aval afin de maintenir le flux continu d’écoulement de la matière (industrie) ou de l’information (industrie, services [12]  On se reportera au même ouvrage cité ci-dessus pour...[12] ). Ce paradigme du flux tendu contient en lui-même les principes de mobilisation des salariés puisqu’ils doivent conformer leur activité de travail aux exigences du système global de production : exécuter les tâches ou tenir des engagements afin de ne pas stopper le flux productif. D’où la première dimension de ce que nous avons dénommé l’implication contrainte des salariés qui, à partir du moment où ils ont accepté le principe du flux tendu – mais peuvent-ils y échapper ? –, sont contraints de s’impliquer pour maintenir tendu le flux. Ici, c’est dans le principe productif qu’est inscrit l’implication contrainte : il n’y a pas lieu de multiplier les hiérarchies [13]  On peut même les réduire ! D’où tous les discours managériaux...[13] puisque, « naturellement », les salariés répondent aux exigences techniques, intellectuelles, etc., de l’appareil productif.

Travail en groupe et évaluation des comportements
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Au regard de la complexité des systèmes de production et surtout de leur intégration, la surveillance des segments productifs ou le travail à l’intérieur de ceux-ci est devenu collectif : ce n’est plus un homme par machine comme durant la période fordienne, mais un collectif de salariés pour un segment productif. D’où le principe du travail en groupe autour d’un animateur ou d’un moniteur qui se substitue à l’équipe fordienne avec son chef. L’animateur – quelque nom qu’il possède – n’a pas de pouvoir hiérarchique sur son groupe et organise le groupe (gestion des absences, rotation des postes, plan de formation, etc.). La polyvalence est l’un des piliers du travail en groupe, puisqu’elle permet l’interchangeabilité des salariés en cas d’absence ou en cas de besoin immédiat. D’une certaine façon, le groupe peut apparaître autonome, mais il l’est dans les latitudes laissées par les outils socio-techniques de gestion de la qualité, du kaïzen (amélioration continue), de la TPM (maintenance préventive), etc. Or tous ces outils construisent de nouvelles procédures qui enserrent les salariés dans un espace créatif à l’amplitude toujours plus étroite, limitant considérablement leur autonomie réelle [14]  Ce qui n’empêche pas l’existence de jeux sociaux et...[14]. Dans le groupe de travail, la main-d’œuvre étant réduite au minimum par rapport aux tâches à accomplir, les salariés vivent sous une certaine pression de l’appareil productif auquel il faut répondre immédiatement pour ne pas arrêter le flux : la pression des pairs est considérable sur chaque individu. Il s’établit des sortes de normes moyennes de travail (en quantité et en qualité) dans et par le groupe lui-même et celui qui se situe trop en deçà – ou trop au-delà dans une stratégie individualiste de carrière – est sanctionné par le groupe lui-même : nous pouvons rapporter des dizaines de situations où c’est le groupe lui-même et non la hiérarchie qui demande l’exclusion d’un des membres... Ce n’est donc pas de harcèlement moral dont il faut parler ici car il n’y a pas – ou très peu – d’individus pervers dans le groupe, mais d’entretien calculé du stress pour faire vivre le groupe au coût le plus bas, c’est-à-dire avec le minimum de personnes. L’implication contrainte dont nous parlions précédemment est évidemment le concept qui caractérise le mieux la vie au quotidien des groupes de travail.

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Enfin, la fragilité du système – autant technique qu’humaine comme on vient de le voir – exige un contrôle permanent des travailleurs. Mais ici, si le contrôle direct du travail peut être énormément allégé (puisqu’il a lieu par l’appareil productif lui-même ou par le groupe des pairs), il est nécessaire de s’assurer de la loyauté des salariés afin qu’ils ne remettent pas en cause le principe du flux tendu. D’où la mise en œuvre généralisée de l’évaluation individuelle, au moment du recrutement bien sûr mais aussi tout au long de la carrière professionnelle. Le management n’a plus besoin d’évaluer le résultat du travail (en particulier quantitatif) puisque les appareils productifs dictent les cadences du travail des hommes (depuis le dépannage d’une installation jusqu’à la fourniture à l’instant fixé d’un segment de logiciel dans un atelier de logiciels ou d’une partie de projet dans le management par projet) : il s’agit d’évaluer les comportements, la capacité individuelle à travailler en groupe et bien sûr la loyauté vis-à-vis du principe du flux tendu et plus généralement de l’entreprise ou de l’organisation (cas de l’administration publique, des hôpitaux, etc.). L’analyse fine des grilles d’évaluation ou des guides d’entretien individuel montre clairement comment les concepteurs des grilles privilégient la notation des comportements individuels au détriment des seuls résultats du travail. En ce sens, la définition par le Medef des compétences – qui se substituent aux qualifications dans le vocabulaire managérial – illustre bien la rupture avec la période fordienne : « La compétence professionnelle est une combinaison de connaissances, savoir-faire, expériences et comportements, s'exerçant dans un contexte précis ; elle se constate lors de sa mise en œuvre, en situation professionnelle, à partir de laquelle elle est validable. C’est donc à l'entreprise qu'il appartient de la repérer, de l'évaluer, de la valider et de la faire évoluer » [15]  CNPF, Journées internationales de la Formation. Objectif...[15]. Le passage du vocable de qualifications à celui de compétences qui introduit, au-delà des connaissances et des savoir-faire, la validation des comportements marque la rupture avec la période fordienne.

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L’institutionnalisation de l’évaluation des comportements des salariés diffère de la promotion « à la tête du client » qui caractérisait la période précédente. Ce n’est pas tant l’utilisation des résultats des évaluations (pour la promotion ou pour l’attribution de primes individualisées) qui compte ici que la construction d’une norme comportementale construite par le management et à laquelle les salariés vont se conformer pour conserver leur emploi, dans une situation de fort sous-emploi. Plus encore, dans certaines entreprises et organisations s’instaure une émulation, voire une compétition entre salariés pour répondre mieux encore aux attentes managériales en matière de comportement [16]  Cf. J.-P. Durand et P. Stewart « La transparence sociale...[16]. A nouveau, le concept d’implication contrainte caractérise bien la situation du salarié obligé de se montrer engagé sur les objectifs de l’entreprise qui l’emploie – ou qui va le recruter.

Implication contrainte et aliénation subjective
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L’avènement de ce modèle productif après-fordien doit être salué par la cohérence retrouvée qu’il organise dans les trois sous-champs que nous venons de présenter : parce qu’il organise la dimension collective du travail, d’une part, et parce que les pairs imposent volontairement (ou « naturellement », au sens où c’est la norme et que l’on ne pense pas à faire autrement) à chaque individu le respect d’un volume de travail, d’autre part, le travail en groupe est parfaitement cohérent avec les exigences techniques et économiques du principe du flux tendu. Enfin, le modèle de la compétence qui privilégie l’évaluation individuelle des comportements sur tout autre critère d’évaluation du travail vérifie – ou anticipe le fait – que les acteurs du flux tendu correspondent bien à ses exigences (instantanéité des réactions des salariés ou effectivité de leurs engagements). En utilisant le concept d’implication contrainte, qui se substitue à celui d’implication salariale caractérisant la période fordienne, nous soulignons aussi qu’à la différence des décennies précédentes, l’implication se fait sans contrepartie, sauf celle de conserver son emploi – pas toujours durablement d’ailleurs. C’est en ce sens qu’elle est contrainte. Cet oxymore, pour expliciter le concept dans le vocable actuel, nous paraît très heuristique parce qu’il interroge de façon renouvelée le rapport salarial capitaliste en montrant comment est résolue l’incomplétude du contrat de travail : si l’employeur achetait hier la force de travail durant un temps donné, il n’avait aucune garantie sur la qualité de son usage ; avec la construction de l’implication contrainte, qui mobilise la subjectivité du salarié, l’employeur dispose de garanties qu’il n’avait pas.

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D’un autre point de vue, celui du salarié, ce dernier est contraint d’accepter sa condition, de nier sa dépendance ou sa domination dans le rapport inégal qu’il entretient avec son employeur et plus encore de prouver un engagement sans faille sur les objectifs de ce dernier. Alors l’aliénation fonctionne à deux niveaux complémentaires, pourrait-on dire : d’une part, à travers l’aliénation objective du salarié par rapport au capital qui l’emploie puisqu’il cristallise durant son temps de travail une valeur – et une survaleur – sur un objet de travail qui ne lui appartient pas ; d’autre part, à travers une aliénation subjective il doit faire preuve d’un engagement, d’une mobilisation de son être (le savoir-être par exemple) sur les objectifs de son employeur, c’est-à-dire qu’il doit s’engager à cristalliser durant le temps de travail salarié, toujours sur le même objet de travail qui ne lui appartient pas, une valeur sans cesse supérieure dont l’accroissement tient à la mobilisation volontaire – mais obligée ou contrainte – de toutes ses capacités physiques et aujourd’hui surtout intellectuelles. D’où aussi la possibilité de recourir à la notion de servitude volontaire pour rendre compte de cette soumission et de cet asservissement sinon volontaire, du moins accepté et quelquefois montré avec ostentation par le salarié qui souhaite conserver son emploi, condition pour maintenir sa dignité dans la société capitaliste.

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Démontrer qu’il y a une dimension subjective à l’aliénation du salarié dans le rapport salarial capitaliste contemporain, dimension qui pouvait exister mais qui n’était pas nécessaire pour la majorité des salariés dans la phase précédente du développement capitaliste, c’est assurément montrer que nous vivons un changement (ni une rupture ni un changement de nature !) dans l’exploitation capitaliste. Certains pourront tisser un lien entre cette mobilisation de la subjectivité et le développement de la dimension intellectuelle du travail depuis trois décennies à travers ce qu’ils appellent la « révolution informationnelle »[17]  Cf. J. Lojkine, La Révolution informationnelle, Paris,...[17]. Pour nous, cette subjectivation de l’aliénation tient d’abord à la permanence de la crise de l’accumulation du capital, provisoirement résolue par un accroissement sans précédent de la productivité du travail qui a lieu, entre autres, à travers une extraordinaire mobilisation de la subjectivité des salariés.

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Il est donc temps d’interroger le sens de cette mobilisation croissante de la subjectivité des salariés, de leur implication contrainte, soit aussi des nouvelles formes d’aliénation du travail qu’ils vivent. N’assiste-t-on pas à un divorce croissant entre le sens immédiat que l’on peut donner à son activité dans l’emploi salarié – y compris à partir de l’envie de faire [18]  Cf. P. Ughetto, « La rationalisation vue de l’activité...[18] cosubstantive à l’activité de travail, même salarié – et le travail réel que l’on doit effectuer ? Ce divorce ne serait-il pas la manifestation des formes actuelles de l’aliénation du travail dans le capitalisme contemporain ? On peut ramasser les comportements aliénés actuels autour de deux grands ensembles : l’auto-construction d’une carapace de justifications pour mieux vivre son aliénation, d’une part, et la résistance plus ou moins consciente aux injonctions managériales, d’autre part.

L’auto-construction d’un bouclier de justifications de ses pratiques
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Pour la plupart des salariés d’exécution, l’implication contrainte apparaît comme une situation d’impasse, incontournable, qu’ils vivent plus ou moins bien mais dont ils s’accommodent parce qu’elle ne les engage pas dans des rapports sociaux complexes, comme c’est le cas pour le personnel d’encadrement ou pour les commerciaux. Dans une banque, par exemple, les chargés de clientèles sont-ils des conseillers qui cherchent à rendre service au client, donc qui recherchent l’intérêt de ce dernier dans la multiplicité des produits ou bien des commerciaux qui, pour être mieux évalués, vont placer un maximum de produits ou taxer tant et plus les comptes des clients (découverts, pénalités, commissions diverses) ? Chaque agent s’interroge à sa manière, selon sa trajectoire personnelle, sur ces choix professionnels [19]  S. Geoffroy, Travail et éthique : le conseiller clientèle...[19]. Nombre d’entre eux s’inventent des points d’équilibre pour dénier la contradiction qu’ils vivent au jour le jour.

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Le personnel d’encadrement doit fixer des objectifs à ses subalternes dont il connaît le caractère quelquefois arbitraire et dont il sait qu’ils ne s’accompagnent que très rarement d’une politique de moyens pour les atteindre, puisqu’il est lui-même victime du même phénomène. La règle de trois pour fixer les objectifs de résultat comme ceux de réduction des effectifs est le moyen le plus primaire de leur répartition entre services mais reste le plus usité. Le personnel des DRH vit en général assez mal les périodes de crise, en particulier les suppressions d’emplois, mais quelle est sa marge de manœuvre en dehors de la démission ?

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Pour vivre ces injonctions contraires aux principes existentiels qui peuvent être les leurs, ces catégories de salariés – et bien d’autres placées dans des situation semblables – empruntent aux idées reçues (c’est-à-dire à l’idéologie dominante) ou s’inventent des causes suprasociales, systémiques dont ils sont victimes comme les autres. Ce peut être la production d’une haute valeur actionnariale pour empêcher toute OPA, comme nous l’avons entendu dans une grande entreprise électrique ; ce peut être la défense, par des cadres d’une grande entreprise publique, d’une politique des résultats en remplacement de l’ancienne politique des moyens pour justifier la suppression de milliers d’emplois, etc. Dans bien d’autres situations, chaque élu (dans une collectivité territoriale, dans une université) peut se retrouver – malgré lui, pourrait-on dire – en train de défendre une politique d’austérité pour faire vivre son institution alors que des masses de capitaux se promènent d’une Bourse à l’autre en quête d’une valorisation qui peut s’évanouir en quelques jours, comme en 1997.

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Ici l’emprunt, l’invention puis l’appropriation d’un principe suprasocial permet aux salariés concernés de construire, sans même se l’avouer, un bouclier ou une carapace contre les rappels de leur conscience, susceptible de les inviter à s’auto-imposer d’autres pratiques. Par ce mécanisme, les intéressés transforment le mal être de leur condition de salarié doublement aliéné (à travers le salariat, d’une part, et à travers leurs pratiques contraires à leur éthique, d’autre part) en un bien-être, au moins relatif [20]  Cf. G. Flocco, La Mobilisation productive des cadres...[20]. Il ne s’agit pas ici de cautionner les thèses durational choice, mais il s’avère que sans calcul de leur intérêt personnel, nombre de salariés sont conduits à épouser les valeurs économiques et gestionnaires dominantes – dominantes au sens où ce sont aussi celles de leurs dirigeants en plus d’être celles de la classe dominante ! – parce qu’elles sont les plus immédiatement accessibles pour atteindre les objectifs simples assignés par la société capitaliste : un statut respectable fondé sur une puissance de consommation ostentatoire. Dit autrement, la construction du bouclier par l’intériorisation des normes gestionnaires dominantes bat en brèche, chez la plupart des salariés placés sur des trajectoires professionnelles ascendantes, toute velléité de faire valoir des principes altruistes de justice sociale. L’acceptation de leur condition aliénée leur apparaît d’autant moins onéreuse par rapport à toute action politique ou syndicale, que la carapace des valeurs gestionnaires dominantes a aussi pour objet de dénier leur aliénation.

Les poches de résistance à l’aliénation
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Les résistances individuelles sont presque toujours vouées à l’échec parce qu’elles sont contrariées par la puissance systémique des comportements des autres acteurs qui se plient aux règles dominantes. Plus encore, elles sont très souvent le fait d’individus qui, après avoir accepté sinon mis en œuvre les règles nouvelles de la domination, en sont les premières victimes (maladie, âge). Non seulement leur freinage reste incompris des autres salariés, mais celui-ci contribue à accroître leur isolement jusqu’à la perte de leur emploi. Ainsi, la prise de conscience de ce type d’aliénation (la non-maîtrise de sa trajectoire professionnelle), parce qu’elle est tardive, peut être doublement pénalisante.

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L’action syndicale tend à s’arc-bouter sur la défense des acquis sociaux de la période fordienne sans prendre en compte la nature des changements dans la combinatoire productive tels que nous les avons décrits, ce qui l’empêche de trouver de nouveaux points d’appui pour faire valoir les intérêts des salariés et ici limiter les effets de leur aliénation. La montée en puissance d’une contestation syndicale des logiques financière et gestionnaire des entreprises ou de l’administration publique conduirait à ce que le bouclier des valeurs dominantes ne possède plus la légitimité facile qu’elles possèdent aujourd’hui, contribuant par là à une désaliénation des salariés. Mais cette contestation syndicale des stratégies économico-financières des entreprises ne trouve pas de soutien chez la plupart des salariés habitués à des luttes défensives sur des objets tangibles, autre manifestation de leur aliénation : les quelques succès remportés chez les cadres restent marginaux, justement en raison de la robustesse de la carapace des idées reçues parmi cette catégorie de salariés.

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Une autre forme de résistance aux conditions présentes de l’aliénation – caractérisée en particulier par la mobilisation de la subjectivité – est lasimulation. D’une part, de plus en plus de salariés font semblant d’adopter les comportements attendus : après avoir tâtonné pour comprendre ce qui était souhaitable, ils se conforment aux normes comportementales, tant par le déclaratif que par des actes propositionnels ; mais ce n’est que façade, ces comportements adéquats permettant par ailleurs de « s’économiser » en disposant de l’aval de leurs maîtres... Selon nous, c’est ici la plus grande faiblesse du modèle productif émergent : largement basé sur l’évaluation des comportements, les salariés d’exécution tendent à simuler ce que l’on attend d’eux, autant dans les comportements que dans l’exécution des procédures lorsque celles-ci sont trop routinisées. De la même façon, leurs supérieurs immédiats perçoivent assez rapidement les simulations en question, sans toutefois disposer de moyens pour les mettre en évidence ou pour les combattre ; en les laissant se perpétuer, ils en deviennent complices, simulant à leur tour les comportements attendus vis-à-vis de leur propre hiérarchie. L’entreprise devient ainsi un grand théâtre d’ombres où les objectifs sont plus ou moins atteints mais surtout où les espaces d’autonomie sont conservés grâce à cette ingéniosité des uns et des autres pour maintenir les apparences du respect des normes comportementales, des règles productives (ceci est particulièrement vrai en matière de qualité, où les règles sont contournées dès l’obtention de la certification), des évaluations réciproques, etc. Bien sûr, tous ceux qui ne disposent pas durablement des ressources pour participer à ce grand jeu de la simulation sont exclus des groupes de pairs et bientôt de l’emploi. Par ailleurs, si cette simulation participe à l’accroissement de ce que les sociologues dénomment l’autonomie au travail, elle n’entame en rien l’aliénation du salarié, y compris dans le nouveau régime productif marqué par l’implication contrainte. La simulation relève des pratiques des « jeux sociaux » qui rendent le travail plus acceptable sans toutefois remettre en cause l’aliénation propre aux rapports de production capitalistes [21]  M. Burawoy, Manufacturing Consent. Changes in the Labor...[21].

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L’aliénation apparaît ainsi comme la cristallisation dans l’individu d’un cadre d’action collective, ou de pratiques sociales si l’on préfère, auquel il ne peut guère échapper : cette nécessité de s’y plier et plus encore celle de nier ce cadre appartiennent au processus de l’aliénation. Tout en refusant de glisser vers une sorte de déterminisme fonctionnaliste, il nous faut bien percevoir, avec Marx, qu’en possédant intrinsèquement les fondements de sa dénégation, l’aliénation du travailleur salarié constitue l’un des fondements de l’ordre social : les modalités présentes de mobilisation de la subjectivité dans l’activité de travail, contrairement à certaines attentes, ne font que renforcer les éléments constitutifs de sa négation.

Notes

  [1]Marx, Un Chapitre inédit du Capital, Paris, UGE 10/18,1971, pp. 171-172.

 [2]Ibid., p. 165 (souligné par nous).

 [3]K. Marx, Les Manuscrits de 1844, Paris, Editions sociales, p. 60.

 [4]Ibid., p. 58.

 [5]Ibid., p. 61.

 [6]On peut exclure ici les salariés bénéficiaires de stock options, tout en considérant que les autres salariés propriétaires de quelques actions sont essentiellement salariés avant d’être actionnaires.

 [7]A. Touraine, Production de la société, Paris, Le Seuil, 1973, p. 199.

 [8]C. Castoriadis, L’Institution imaginaire de la société, Paris, Le Seuil, 1975, pp. 140-141.

 [9]Cf. les travaux de Bouffartigue (par exemple Les Cadres, Paris, La Dispute, 2001) et ceux d’A. Pichon (Les Cadres à l'épreuve des mutations du Capital, Thèse de Sociologie, Université d'Evry, 2006) sur la crise de confiance et sur la crise de délégation dans l’encadrement.

 [10]Voir pour un développement argumenté de ces thèses notre dernier ouvrage : J.-P. Durand, La Chaîne invisible. Travailler aujourd’hui : flux tendu et servitude volontaire, Paris, Le Seuil, 2004.

 [11]Il s’agit d’autant de techniques organisationnelles fondées sur l’informatique et les télécoms pour faire travailler ensemble et au même rythme des dizaines de salariés.

 [12]On se reportera au même ouvrage cité ci-dessus pour saisir combien les services sont d’abord des activités fondées sur la production, l’entretien, la transmission et l’interprétation de l’information.

 [13]On peut même les réduire ! D’où tous les discours managériaux qui vantent un management plus « humain » puisque les salariés ont moins de chefs au-dessus de leurs têtes : on omet ici seulement de dire que le management est maintenant dans le flux, de plus en plus objectivé et donc de plus en plus efficace !

 [14]Ce qui n’empêche pas l’existence de jeux sociaux et d’ajustements toujours possibles qui rendent le travail acceptable, mais cette réaction-résistance mérite d’autres outils d’analyse que nous ne pouvons développer ici (cf. l’ouvrage déjà cité ou J.-P. Durand et N. Hatzfeld, La Chaîne et le réseau. Peugeot-Sochaux, ambiances d’intérieur, Lausanne, Editions Page deux, 2002).

 [15]CNPF, Journées internationales de la Formation. Objectif compétences, 1998, tome 1, p. 5.

 [16]Cf. J.-P. Durand et P. Stewart « La transparence sociale dans une usine française à capitaux japonais », Sociologie du Travail, n°4,1998.

 [17]Cf. J. Lojkine, La Révolution informationnelle, Paris, PUF, 1992.

 [18]Cf. P. Ughetto, « La rationalisation vue de l’activité de travail. Une diversification du traitement sociologique de l’autonomie et de la contrainte »,Revue de l’IRES, n° 44,2004/1.

 [19]S. Geoffroy, Travail et éthique : le conseiller clientèle d’une banque, Evry, Centre Pierre Naville, 2005, ronéoté.

 [20]Cf. G. Flocco, La Mobilisation productive des cadres et ingénieurs, Thèse de sociologie, Université d’Evry, 2006.

 [21]M. Burawoy, Manufacturing Consent. Changes in the Labor Process under Monopoly Capitalism, Chicago and London, The University of Chicago Press, 1979.

Plan de l'article
  1. Retour à Marx
  2. De l’aliénation à sa dénégation
  3. Nouveau modèle productif et implication contrainte
  4. Travail en groupe et évaluation des comportements
  5. Implication contrainte et aliénation subjective
  6. L’auto-construction d’un bouclier de justifications de ses pratiques
  7. Les poches de résistance à l’aliénation

Pour citer cet article

Durand Jean-Pierre, « Les outils contemporains de l'aliénation du travail  », Actuel Marx 1/ 2006 (n° 39), p. 107-122
URL : www.cairn.info/revue-actuel-marx-2006-1-page-107.htm
DOI : 10.3917/amx.039.0107

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