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11 mars 2014 2 11 /03 /mars /2014 19:27

La crise ukrainienne est révélatrice de l’aventurisme extrême des milieux dirigeants de l’euro-atlantisme.

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C’est au mépris des réalités géopolitiques et territoriales les plus évidentes et en bafouant grossièrement le droit des Ukrainiens à disposer d’eux-mêmes, sans ingérence extérieure, que l’Axe Washington-Bruxelles, abondamment relayé et stimulé par le gouvernement social-impérialiste de Hollande, a commencé par tendre un piège au peuple ukrainien, traditionnellement très lié à la Russie, en proposant à Kiev d’entrer dans un « partenariat » euro-ukrainien dont chacun sait qu’il avait pour unique perspective l’annexion pure et simple de l’Ukraine à l’UE et, à travers elle, l’inscription de l’Ukraine dans la très agressive et très antirusse Alliance atlantique. Comment la Russie, déjà encerclée de troupes américaines et otaniennes des Pays baltes à la Bulgarie, sans parler des bases américaines qui campent dans les ex-Républiques soviétiques d’Asie centrale, pourrait-elle accueillir autrement que par une réaction justifiée de colère cette manière pour les USA et l’UE (elle-même en passe de se transformer en pilier Est de l’ « Union transatlantique » en gestation) d’avancer sans cesse vers l’Est en se positionnant directement, de Riga à la Crimée, sur les frontières de la Russie ? Rappelons que, lors du référendum sur le maintien de la Fédération soviétique organisé en 1990 sous Gorbatchev, les peuples de l’URSS avaient voté à 76 % pour le maintien de l’Union et que c’est en violant ce vote massif et souverain que les agents occidentaux, Eltsine et Koutchma (ex-président de l’Ukraine), ont dissout l’espace soviétique pour y éradiquer le socialisme…

« L’ingérence grossière de l’UE et des USA »

Par ailleurs, pour faire main basse sur l’Ukraine, lUE atlantique et les USA ont grossièrement pratiqué lingérence politique dans les affaires d’un pays qu’ils déclarent pourtant souverain : on n’est pas près d’oublier la présence sur la place Maïdan, à côté des nazis ukrainiens destructeurs des statues de Lénine, du secrétaire d’État états-unien, de Catherine Ashton (responsable de la politique extérieure de l’UE), de Fabius et bien entendu, de l’inénarrable trublion international, le pseudo-philosophe B.-H. Lévy ; honte à ce dernier qui, après avoir suscité la guerre en Libye et provoqué des conséquences ravageuses pour toute l’Afrique occidentale – n’a pas craint de cautionner un mouvement putschiste infiltré par des nazis et par des antisémites caractérisés !

Ces mêmes dirigeants euro-atlantiques ont reconnu le putsch par lequel le président ukrainien élu – dont c’est peu dire que nous ne cautionnions pas la politique – a été destitué sous la pression armée des milices néo-nazies et pseudo-nationalistes soutenues par l’UE atlantique. Soutenus par Catherine Ashton, ces « démocrates » fidèles au Reich n’ont rien eu de plus pressé que d’exalter le traître Bandera et que de détruire les monuments en l’honneur de l’Armée rouge, victorieuse de la Wehrmacht et libératrice de l’Ukraine. Rien de plus pressé que d’interdire de fait le courageux PC d’Ukraine et que de persécuter, voire de lyncher ses militants. Rien de plus pressé que d’introduire de nouvelles discriminations contre la langue russe alors que 60% de la population ukrainienne, surtout à l’Est, utilise quotidiennement la langue de Pouchkine.

Bien entendu, si l’Ukraine tombait dans l’escarcelle de l’UE/OTAN, on peut imaginer l’énorme programme d’austérité « à la grecque » qui attend ce pays, les coups terribles qui seront portés contre la classe ouvrière minière et métallurgique de l’Est russophone, l’émigration en masse vers l’Ouest de millions de nouveaux prolétaires « bon marché », venant peser encore et encore sur le prix de la force de travail des travailleurs d’Europe occidentale…

« La poussée expansionniste de ce IV Reich qu’est l’Empire transatlantique en gestation »

En réalité, ce qu’on nous présente comme une « euro-révolution » est en fait une aggravation brutale du processus contre-révolutionnaire en Ukraine et de lencerclement impérialiste de la Russie. Si ce processus parvenait à son terme, ce serait la Biélorussie et l’ensemble du Caucase qui seraient ensuite déstabilisés et annexés. Ainsi se poursuivrait l’incessante « poussée vers l’Est » (« Drang nach Osten », disait Hitler…) de ce Quatrième Reich de plus en plus expansionniste et fascisant quest lEmpire transatlantique en gestation. Comment ne pas penser, en la circonstance, au manifeste du MEDEF « français », intitulé « BESOIN D’AIRE » (on disait « espace vital » dans les années 30/40…) ? Ce texte antisocial, antinational et grossièrement impérialiste prévoit à la fois de dissoudre la nation française dans lEurope des régions, de soumettre le peuple de France à l’impérialisme allemand et de subordonner l’Europe au maître américain… tout en continuant les prédations de l’impérialisme français en Afrique et au Proche-Orient.

« Un déséquilibre stratégique au profit de l’OTAN, extrêmement dangereux pour la paix nucléaire mondiale »

Aujourd’hui, la Russie a pris des mesures compréhensibles, massivement soutenues par la population locale, pour ne pas laisser la Crimée, majoritairement russophone et d’importance stratégique pour la défense maritime russe, tomber aux mains de l’OTAN. Si, en effet, l’Occident faisait main basse sur le seul accès de l’armée russe à la Mer noire et à la Méditerranée, les conditions militaires évidentes d’une agression nucléaire et contre la paix mondiale seraient crées : la Syrie et tout le Proche-Orient deviendraient la propriété privée de la CIA et des Emirats, l’Iran serait écrasé, l’agression nucléaire antirusse serait facilitée puisque la dissuasion russe par les sous-marins serait désactivée dans cette région stratégique. S’en suivrait, nécessairement, un déséquilibre stratégique au profit de lOTAN,extrêmement dangereux pour la paix nucléaire mondiale. En réalité, les impérialistes euro-atlantiques ne peuvent pardonner à la Russie d’avoir stoppé le processus d’invasion occidentale de la Syrie, en affichant sa force militaire en Mer noire et en Méditerranée. C’est pourquoi, les forces atlantistes essaient désormais de « syriser » la situation en Ukraine, de l’annexer ou d’y susciter la guerre civile.

Il n’est évidemment pas question de nier le caractère capitaliste, anti-ouvrier, anti-paysan et anticommuniste du régime contre-révolutionnaire russe, même s’il est clair que Poutine, contrairement à l’agent américain Eltsine, a pris certaines mesures pour rétablir la souveraineté de son pays et rétablir les liens traditionnels avec les ex-républiques soviétiques. Pas question, non plus, d’ignorer les traits impérialistes de la grande bourgeoisie russe dont les exportations de capitaux, y compris mafieux (c’est flagrant sur le littoral méditerranéen français) sont de notoriété publique.

Pour autant, il serait dangereux pour les communistes de renvoyer dos à dos lagresseur euro-atlantique et la Russie, fût-elle bourgeoise. Nous ne devons pas répéter mécaniquement le schéma de 1914/18 où deux alliances impérialistes, également hégémoniques, agressives et prédatrices, l’Entente anglo-franco-américano-russe et l’Alliance des « Empires centraux », portaient à égalité la responsabilité du premier conflit mondial. Bien que de tels affrontements restent encore possibles à notre époque entre les impérialismes dominants (américain, germano-européen, japonais…), une autre ligne de fracture existe et se manifeste aux marches de la Russie, mais aussi en Amérique latine et en Extrême Orient (réarmement du Japon, pression accrue contre Pyongyang…). Celle qui oppose le projet hégémonique mondial des USA, d’un côté avec « l’Union transatlantique » (USA/Europe), de l’autre avec l’ « Union transpacifique » (USA/Japon/Corée du sud), de dominer la planète en imposant partout l’esclavage néolibéral et en mettant fin à l’idée même de nations indépendantes. Ce projet hégémonique est structurellement incompatible avec l’accès des « BRIC » (Brésil, Russie, Inde, Russie, Chine – soit la majorité de l’Humanité !) au premier cercle de l’exploitation capitaliste. Et cela d’autant plus qu’en Chine, le PC chinois continue formellement de diriger le pays (si thermidorienne et capitaliste qu’en soit l’orientation dominante), qu’en Russie, les traditions communistes restent à fleur de peau (la majorité des Russes regrettent ouvertement l’URSS), qu’en Inde et au Brésil agissent des P.C. de masse et que les traditions de lutte de classes y restent fortes, que les communistes et les progressistes sont actifs dans toute l’Amérique latine ou au Népal. Dans ces conditions, les pôles impérialistes dominants font et feront tout pour soutenir, en Chine, les dissidents pro-occidentaux et toute la gamme des séparatistes médiévaux (Tibet, pays ouïgour…), en Russie, pour y susciter des « révolutions oranges » qui remettraient le pays aux mains de l’Occident tout en désarticulant la Fédération russe*[1]en Amérique latine pour déstabiliser lALBA et reprendre le contrôle total du sous-continent, coups d’Etat fascistes à l’appui du Honduras au Venezuela.

« l’agressivité des euro-atlantistes français à l’extérieur n’a d’égale que leur acharnement antisocial contre la classe ouvrière et contre le peuple de France »

Quant à la France, c’est peu de dire qu’elle n’a rien à gagner dans l’aventurisme des euro-atlantistes et deleurs honteux alliés nazis en Ukraine. Car, ce qui détruit la République française en ce moment, ce n’est pas le mineur russophone du Donbass, c’est l’intégration euro-atlantique qui ne laissera rien subsister, si elle triomphe, des acquis sociaux du CNR, des principes démocratiques issus de la Révolution française, de l’unité du territoire national en voie d’euro-régionalisation, voire de la langue et de la culture françaises passées au rouleau compresseur de l’américanisation. Non seulement « l’ennemi principal est dans notre propre pays » (Liebknecht) -, mais lagressivité des euro-atlantistes français à lextérieur na dégale que leur acharnement antisocial contre la classe ouvrière et contre le peuple de France. C’est d’ailleurs dans l’intérêt du peuple français et des peuples est-européens concernés que le PRCF et son président d’honneur Georges Hage avaient combattu l’annexion des ex-pays socialistes (Pologne, Bulgarie, Roumanie…) à l’Empire européen au début des années 2000 : qui ne voit aujourd’hui combien cette opération de recolonisation a été désastreuse pour la classe ouvrière de toute l’Europe ?

Cest pourquoi le PRCF

Condamne catégoriquement limpérialisme euro-occidental en rappelant le principe de Karl Liebknecht, « l’ennemi principal est dans ton propre pays » (en l’occurrence, dans ton propre « camp » euro-atlantique) sans pratiquer le renvoi dos à dos de l’agresseur et de l’agressé et cela d’autant plus que l’impérialisme euro-atlantique – dont l’oligarchie « française » est un élément particulièrement agressif – est également l’ennemi acharné de la souveraineté nationale et des acquis sociaux du peuple français ;

Dénie à limpérialisme euro-atlantique et à ses médias le droit de parler d’ « ingérence » de la Russie dans les affaires ukrainiennes alors que la crise ukrainienne a fait l’objet d’une immixtion permanente des principaux dirigeants occidentaux ;

Est solidaire des communistes russes et ukrainiens. Nos camarades font clairement la différence entre le pouvoir bourgeois en Russie et en Ukraine (y compris Yanoukovitch), auquel s’oppose naturellement la classe ouvrière de ces pays, et la juste résistance des peuples à l’impérialisme occidental et à sa tentative d’encercler et de briser la Russie.

Soppose davance à toute tentative de déstabiliser la Biélorussie et de l’annexer à l’ensemble OTAN/UE ;

Appelle plus que jamais les peuples à briser la prison des peuples quest lU.E. Déjà, les peuples ont constaté que l’UE du grand capital est synonyme de chômage et de précarité de masse, de recul des droits sociaux et des souverainetés nationales, de crise économique permanente, de recul de la démocratie. L’exemple ukrainien doit leur faire comprendre qu’en outre, la « construction « européenne est porteuse de fascisation, d’expansionnisme territorial et de guerres ;

Invite tous les communistes de France et dEurope à développer une large campagne de solidarité avec le Parti communiste d’Ukraine menacé de lynchage et d’interdiction et plus globalement, à condamner la criminalisation contre-révolutionnaire du communisme et de l’URSS qui constitue aujourd’hui la base de la fascisation de tout le sous-continent européen ;

o Le PRCF n’omettra pas, dans sa campagne propre pour le boycott des élections européennes et pour la dé-légitimation de la monstrueuse U.E. de stigmatiser lEmpire euro-atlantique en construction comme lennemi principal de la paix, de la souveraineté des peuples –à commencer par celle du peuple français–, du progrès social et du socialisme en Europe. Plus que jamais le PRCF appelle tous les vrais communistes, tous les vrais patriotes, tous les vrais antifascistes, tous les citoyens épris de paix et de démocratie, tous les partisans conséquents du socialisme et du communisme, à rompre avec la « construction européenne » impérialiste et fascisante.

o Soutiendra l’appel de plusieurs personnalités à déposer une motion de censure parlementaire contre l’irresponsable gouvernement belliciste de Hollande-Ayrault-Fabius !

Continuera à appeler lensemble des forces franchement communistes à s’exprimer ensemble dans l’esprit du texte commun signé récemment à propos de l’Ukraine, par le PRCF, le réseau « Faire vivre et développer le PCF », les Rouges vifs provençaux, la Gauche communiste et le Rassemblement des Cercles Communistes.

Il est temps encore dagir contre un processus porteur des pires menaces pour la paix, pour les travailleurs et pour la nation française elle-même !

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9 mars 2014 7 09 /03 /mars /2014 21:06

par Daniele Ganser*

mercredi 10 octobre 2012, par Comité Valmy

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S’il est un secret bien gardé en France, c’est celui de la sanglante guerre que les services secrets anglo-saxons ont conduit durant soixante ans à Paris pour maîtriser la vie politique nationale. En révélant les péripéties de cet affrontement historique, l’historien suisse Danièle Ganser souligne le rôle du gaullisme dans le projet national français : d’abord soutenu par la CIA pour revenir au pouvoir, Charles De Gaulle parvient à un consensus politique avec ses anciens camarades résistants communistes à propos de la décolonisation, puis chasse l’OTAN. Il s’ensuit un conflit interne dans les structures secrètes de l’État ; conflit qui se poursuit encore.

 


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Cet article fait suite à :

1. « Quand le juge Felice Casson a dévoilé le Gladio… »

2. « Quand le Gladio fut découvert dans les États européens… »

3. « Gladio : Pourquoi l’OTAN, la CIA et le MI6 continuent de nier »

4.« Les égouts de Sa Majesté »

5.« La guerre secrète, activité centrale de la politique étrangère de Washington »

6.« La guerre secrète en Italie »

L’invasion et l’occupation de son territoire par l’armée allemande pendant la seconde guerre mondiale demeure le plus grand traumatisme de l’histoire moderne de la France. Le 14 juin 1940, Paris tombait entre les mains des nazis. Tandis que les sympathisants de l’extrême droite au sein de l’armée et des élites politiques, partisans du maréchal Philippe Pétain, pactisaient avec l’occupant et installaient un gouvernement de collaboration à Vichy, le général Charles de Gaulle se réfugia à Londres et déclara aux Français qu’il représentait l’unique gouvernement légitime de la France. De Gaulle insista pour que continue la guerre contre l’occupant. Afin de collecter des renseignements, d’assurer la liaison avec les mouvements de résistance locaux et d’organiser des opérations de sabotage en territoire ennemi, il fonda à Londres le Bureau Central de Renseignement et d’Action. Les agents du BCRA étaient parachutés au-dessus de la France pour effectuer leurs missions clandestines au prix de nombreuses vies. Dans ses missions, son entraînement et son équipement, le BCRA, qui fut dissous avant la fin de la guerre, préfigurait l’armée secrète française à laquelle il donna de nombreux combattants. Après le débarquement allié de Normandie le 6 juin 1944 et la libération de la France par les Américains, le général de Gaulle fit une entrée triomphale dans Paris et prit la tête de l’État. Le maréchal Pétain qui avait collaboré avec Hitler fut condamné à mort avant d’être gracié et emprisonné à vie.

 

Avec la fin de la seconde guerre mondiale naquit la IVe République Française (1946-1958), caractérisée par une instabilité politique et militaire et par les luttes d’influence entre les différents partis. [1] À gauche, le parti communiste français (PCF) jouissait d’une grande popularité, due notamment à son rôle dans la Résistance sous le régime de Vichy : « Le PCF avait acquis un prestige immense et une sorte d’autorité morale pour avoir été le fer de lance de la Résistance (...) son patriotisme était incontesté ». [2] À droite, les collaborateurs de Vichy au sein de l’armée et des milieux industriels et d’affaires ne supportaient pas l’idée de voir la France tomber sous la coupe du communisme, que ce soit par un coup d’État ou par une victoire du PCF lors d’élections démocratiques. Mais surtout, les États-Unis et la Grande-Bretagne étaient fermement opposés au PCF qu’ils considéraient comme inféodé à Moscou. C’est pourquoi, à l’instar de ce qui arriva en Italie, une guerre secrète fut aussi menée en France après 1945, opposant les membres du PCF et des syndicats de gauche d’une part et la CIA et des éléments des appareils politique, militaire et policier français d’autre part.

 

« Tout d’abord, ils [la CIA] cherchent à empêcher la gauche d’accéder au pouvoir et surtout à éviter que les communistes entrent au gouvernement. Pour la CIA c’est évidemment la priorité des priorités, et cela vaut pour tous les pays de l’Alliance Atlantique », expliqua un jour l’ancien agent de la CIA Philip Agee. [3] En effet, dans aucun pays d’Europe, à l’exception de l’Italie, les communistes n’étaient aussi influents que dans la France d’après-guerre. Washington redoutait que Moscou n’ordonne au PCF de s’emparer du pouvoir par un coup d’État. Toutefois, Staline n’encourageait pas les communistes français dans cette voie et, bien que parmi les plus jeunes, d’entre eux certains rêvaient d’un destin plus épique, l’ancienne et institutionnelle direction du PCF n’envisageait pas de prendre le pouvoir par la force. Ses membres devinaient à raison qu’ils perdraient ainsi leur légitimité, s’ils n’étaient pas tout simplement balayés par l’armée états-unienne, qui était encore stationnée en France au lendemain de la libération. Le PCF avait plus à gagner à se conformer aux procédures démocratiques.

 

De Gaulle avait nommé deux ministres communistes dans son nouveau gouvernement et était parvenu dans le même temps, en novembre 1944, à convaincre les mouvements de résistance communistes de rendre les armes en échange de la promesse d’élections démocratiques et équitables. Les municipales du printemps 1945 se soldèrent par une victoire du PCF qui s’assura 30 % des voix. Les deux autres partis en course, le nouvellement fondé Mouvement Républicain Populaire et les socialistes français arrivèrent deuxième et troisième, recueillant respectivement 15 et 11 % des suffrages. Cette tendance se confirma lors des premières élections nationales du 21 octobre 1945 où, avec 26 %, le PCF obtint 160 sièges à l’Assemblée Constituante, contre 142 pour les socialistes (24 %), le MRP arrivait dernier avec 23,6 %. Ensemble, les deux partis de gauche détenaient une courte majorité.

 

Malgré la victoire sans appel du PCF et les promesses qu’il avait faites, de Gaulle refusa de confier les ministères-clés de son gouvernement aux communistes. Ceux-ci protestèrent vigoureusement en ne se voyant attribuer que 4 portefeuilles : l’Économie, l’Armement, l’Industrie et le Travail, le secrétaire général du PCF Maurice Thorez étant nommé ministre d’État. Les communistes usèrent de leur tribune au Parlement pour dénoncer la guerre que menait alors la France pour reconquérir l’ancienne colonie d’Indochine. Lors d’un débat à l’Assemblée nationale, la parlementaire Jeannette Vermeersch affirma que, dans les villages embrasés du Vietnam, les soldats français « se rendaient coupables des mêmes atrocités » que les nazis quelques années seulement auparavant. Cette remarque provoqua un tollé dans l’hémicycle et le Président lui répondit en ces mots : « Madame, je vous le dis poliment (...) c’est une injure intolérable que vous faites à cette Assemblée et à la Nation ! » Comme Vermeersch insistait, il lui déclara : « Madame, je n’aurais jamais cru qu’une femme fût capable d’une telle haine ». Ce à quoi Vermeersch répliqua :« Oui, je ressens de la haine quand je pense aux millions de travailleurs que vous exploitez. Oui, je hais la majorité de cette Assemblée ! » [4].

 

Les membres conservateurs de la société française furent très inquiets du radicalisme du PCF et outrés lorsque les communistes, en réaction à leur faible représentation au sein du gouvernement, firent deux propositions de lois, l’une visant à limiter les pouvoirs de l’exécutif, l’autre à réduire le budget de la Défense de 20 %. L’adoption de ces deux lois par le Parlement à majorité communiste conduisit de Gaulle à présenter solennellement sa démission, le 20 janvier 1946. Mais la lutte pour le pouvoir se poursuivit, le PCF proposant un partage des ministères entre communistes et socialistes, ce qui n’aurait été qu’une juste conséquence de l’opinion exprimée démocratiquement par les Français dans les urnes. Cependant les socialistes s’y refusèrent. Ils comprenaient clairement que la France, à l’instar de l’Italie, ne jouissait à l’époque que d’une souveraineté limitée, et que les USA n’auraient pas accordé à un régime gauchiste le Plan Marshall de relance économique dont le pays avait tellement besoin.

 

La position de la Maison-Blanche s’opposait de plus en plus avec la volonté exprimée démocratiquement par le peuple français qui plébiscita une fois de plus le PCF lors des élections nationales de 1946, lui offrant le meilleur score de son histoire, 29 %, tandis que le MRP et les socialistes accusaient, eux, un léger recul. La tentation et l’influence du communisme en France demeuraient une réalité. En termes d’importance, le PCF n’avait qu’un seul équivalent dans toute l’Europe de l’Ouest : le puissant PCI en Italie. En Suisse, le parti communiste avait été déclaré illégal, son homologue britannique n’était qu’une petite cellule placée sous la domination du parti travailliste tandis qu’en Belgique, si les communistes étaient comparativement plus influents ils n’occupaient que des postes mineurs au gouvernement. Le PCF, quant à lui, revendiquait près d’un million de membres. Son organe central, L’Humanité, était, avec son édition Ce Soir, le journal le plus lu en France, et le parti contrôlait les principales organisations de la jeunesse (y compris l’« Union des Jeunesses Républicaines ») ainsi que les plus grands syndicats de travailleurs (notamment la Confédération Générale du Travail, CGT).

 

L’ambassadeur états-unien à Paris, Jefferson Caffery, un anticommuniste fervent, envoyait, semaine après semaine, des rapports toujours plus alarmant au Président Truman. Washington et les services secrets étaient convaincus de la nécessité de livrer une guerre secrète afin de défaire le PCF. Le 26 novembre 1946, le général Hoyt Vandenberg, directeur du CIG (future CIA), adressa à Truman un mémorandum l’avertissant que sa puissance permettrait au PCF de prendre le pouvoir dès qu’il le déciderait : « En excluant la possibilité qu’un gouvernement puisse être formé sans la participation des communistes, l’ambassadeur Caffery soutient (...) que les communistes ont acquis assez de poids pour s’emparer du pouvoir quand ils jugeront opportun de le faire ». Vandenberg soulignait que, d’après les services de renseignement états-uniens, le PCF n’avait toutefois pas l’intention d’accéder au pouvoir par un coup d’État. « Leur renoncement à s’emparer du pouvoir par ce moyen s’explique par le fait (1) qu’ils préfèrent y parvenir par des moyens légaux et (2) que ce serait contraire à la politique actuelle du Kremlin. » [5]

 

Le Plan Bleu

À l’initiative des Forces Spéciales états-uniennes et des SAS britanniques, une armée secrète fut bâtie en France sous le nom de code « Plan Bleu », avec pour mission d’empêcher clandestinement le PCF d’accéder au pouvoir. En d’autres termes, le Plan Bleu devait contrer la Menace Rouge. Victor Vergnes, un vétéran de cette armée secrète, se souvient que l’impulsion était venue des Britanniques au lendemain de la guerre. « Je vivais alors à Sète, dans la maison du commandant Benet, un officier du DGER qui avait effectué des missions en Inde. De nombreuses réunions se tenaient dans cette maison à l’époque. » Les SAS, spécialistes des guerres secrètes, prirent contact avec le jeune service de renseignement français, la Direction Générale des Études et Recherches (DGER), et convint avec lui de l’installation d’une armée secrète dans le nord-ouest de la France, en Bretagne. « Un jour », se souvient Vergnes, « après avoir reçu la visite du lieutenant Earl Jellicoe des SAS, il me dit : “On est en train de bâtir une armée secrète, surtout dans la région de Bretagne” ». [6]

 

Les cellules de cette armée secrète essaimèrent bientôt à l’ensemble du territoire. Elle comptait dans ses rangs de nombreux agents et officiers de la DGER. Il faut signaler que la DGER employa, sous la direction d’André Devawrin, des anciens membres de la Résistance communiste. Aux yeux des agents les plus conservateurs et surtout des États-uniens, leur présence constituait un risque évident pour la sécurité, surtout lorsqu’il s’agissait de missions top secrètes visant les communistes français, comme l’Opération Plan Bleu. La DGER fut donc démantelée en 1946 et remplacée par un nouveau service secret militaire, farouchement anticommuniste celui-là, le SDECE, dirigé par Henri Alexis Ribière. Avec le remplacement de la DGER par le SDECE, c’est une bataille importante de la guerre secrète qui fut perdue par les communistes qui héritèrent d’un adversaire bien plus dangereux. Des anticommunistes formés en Grèce lors de la guerre civile furent recrutés par le SDECE qui marqua ainsi un net virage à droite. « Les Anglo-Américains étaient en contact étroit avec les conspirateurs, surtout avec Earl Jellicoe, qui venait de rentrer d’une campagne anticommuniste en Grèce. » [7].

 

Pendant que la France était paralysée par des grèves massives à l’initiative des communistes, les agents du Plan Bleu récoltaient secrètement des fonds auprès des riches industriels afin de financer leur guerre secrète. « J’ai rencontré les frères Peugeot dans leurs bureaux », raconte Vergnes sur ses contacts avec l’industrie automobile. « Nous discutions de ce qu’il conviendrait de faire en cas de grèves et d’occupations généralisées des usines. Nous avons travaillé pendant deux mois à l’élaboration d’un plan d’action détaillé. Nous étions divisés en sections et disposions de voitures, de garages et d’hôtels. » [8] Quand eut lieu une grève importante soutenue par le PCF et la CGT aux usines Renault, la tension redoubla dans le pays. Le Premier ministre socialiste Paul Ramadier ordonna un gel des salaires en totale contradiction avec les revendications des travailleurs qui réclamaient de meilleures rémunérations. La situation tournait au bras de fer. Les communistes votèrent contre le gel des salaires proposé par Ramadier tandis que les socialistes tentaient de le dissuader de démissionner, sur quoi, le 4 mai 1947, dans une manœuvre surprenante, il renvoya, en sa qualité de Premier ministre, tous les communistes de son gouvernement. Stupéfaits, ceux-ci prirent la nouvelle sans broncher et acceptèrent ce départ, convaincus qu’il ne pouvait être que temporaire. Cependant, les communistes ne devaient pas réintégrer le Conseil des ministres avant plus de 30 ans. Ce n’est que plus tard que l’on découvrit que Washington était impliqué dans cette manœuvre. « Le général Revers, chef d’état-major, révéla que le gouvernement américain avait fait pression sur Ramadier pour que celui-ci renvoie les ministres du PCF. » En outre, « les socialistes discutaient de la question au préalable avec l’ambassadeur Caffery » qui fit clairement comprendre aux socialistes français que l’aide économique des États-Unis ne serait pas fournie tant que les communistes resteraient au gouvernement. [9]

 

Un mois après avoir démis les ministres du PCF de leurs fonctions, les socialistes français s’en prirent à la droite et à la CIA et exposèrent au grand jour l’existence de l’armée secrète Plan Bleu. Le 30 juin 1947, le ministre de l’Intérieur socialiste Édouard Depreux leva le secret et annonça à la stupeur générale qu’une armée clandestine de paramilitaires de droite avait été bâtie en France à l’insu de la classe politique et avec pour mission de déstabiliser le gouvernement français. « Vers la fin de l’année 1946, nous avons appris l’existence d’un réseau de résistance brune, composé de combattants d’extrême droite, de collaborateurs de Vichy et de monarchistes », expliqua Depreux. « Ils avaient un plan d’action secret baptisé “Plan Bleu”, qui devait être appliqué vers la fin du mois de juillet ou le 6 août [1947]. » [10].

 

Selon les déclarations lourdes d’implications du ministre de l’Intérieur, la CIA et le MI6 avaient projeté, en collaboration avec des paramilitaires français, un coup d’État pour l’été 1947. Ces révélations entraînèrent une série d’arrestations et d’investigations. Parmi les conspirateurs interpellés figurait le comte Edmé de Vulpian. Sa propriété de « La Forêt », près de Lamballe, en Bretagne, avait servi de quartier général pour les derniers préparatifs du putsch. Le commissaire chargé de l’enquête, Ange Antonini, y découvrit « des armes lourdes, des ordres de bataille et des plans d’opérations ». Ces documents permirent d’établir que, dans le cadre du Plan Bleu, les conspirateurs, qui cherchaient à détériorer le climat politique déjà tendu en France, avaient planifié des actes de terrorisme dont ils prévoyaient d’accuser la gauche afin de créer les conditions favorables à leur coup d’État, une « stratégie de la tension » déjà pratiquée en Grèce, en Italie et en Turquie. « Ils avaient même prévu d’assassiner de Gaulle afin d’exacerber le mécontentement public », ajoute Roger Faligot, un spécialiste français des services secrets. [11]

 

Si elles admettent qu’une guerre secrète avait bel et bien été financée en France au lendemain de la guerre, d’autres sources nient formellement la thèse du coup d’État de 1947. « En révélant l’existence du Plan Bleu, Depreux cherchait à atteindre la droite, après avoir déjà porté un coup à la gauche », déclara Luc Robet, qui fut lui-même personnellement impliqué dans la conspiration, en faisant référence au renvoi des ministres communistes du gouvernement le mois précédent. « En outre, c’était une tentative pour affaiblir l’armée française, qui avait tendance à agir de son propre chef. » [12] Étonnamment, l’enquête sur l’implication du SDECE fut confiée au directeur du SDECE lui-même, Henri Ribière. Il conclut que la culpabilité incombait à la CIA et au MI6 qui avaient promu le Plan Bleu, bien qu’ils n’aient apparemment jamais projeté de renverser le régime en place. « Les armes découvertes dans tout le pays avaient été payées par Londres et Washington. Cependant elles avaient été fournies dans le but de résister aux communistes, et non de fomenter un coup d’État », conclurent les enquêteurs. [13]

 

Sur une suggestion de l’ambassadeur Jefferson Caffery, qui supervisait étroitement la guerre secrète contre le communisme en France, la CIA, suite aux manœuvres qui avaient conduit au départ des communistes du gouvernement fin 1947, visa ensuite la CGT, la colonne vertébrale du communisme français. Dans son mémorandum adressé au Président Truman, le général états-unien Vandenberg soulignait à juste titre que les « moyens d’action [des communistes] par la force ou la pression économique à travers la CGT, comme l’indique l’ambassadeur Caffery, les garantissent principalement contre une exclusion du gouvernement ». [14] La CIA parvint à créer un schisme au sein de la CGT dominée par les communistes, en écartant les modérés de Force Ouvrière, qu’elle finançait, au début des années cinquante, à hauteur de plus d’un million de dollars par an. [15] Cette opération affaiblit considérablement le PCF.

 

Dernière cible dans cette guerre secrète et non des moindres, la police française subit elle aussi les attaques de la CIA. Après que les ministres communistes eurent quitté le gouvernement, l’ensemble de l’administration fut purgée de ses éléments d’extrême gauche, tandis que des anticommunistes fervents étaient promus au sein des forces de police. Parmi eux, le commissaire Jean Dides, qui avait collaboré avec l’OSS pendant la seconde guerre mondiale, fut nommé à la tête d’une police secrète anticommuniste formée de paramilitaires et dépendant du ministre de l’Intérieur Jules Moch. L’ambassade des États-Unis se réjouit des progrès réalisés et, début 1949, câbla au département d’État qu’afin de « combattre la menace communiste, la France a organisé des cellules de policiers peu nombreux mais efficaces (...) L’Italie est également en train de mettre en place des escadrons de police anticommuniste sous le contrôle du ministre de l’Intérieur Mario Scelba, en faisant appel aux cadres de l’ancienne police fasciste. » [16]

 

Paix et Liberté

Avec d’autres dirigeants des forces de police anticommunistes engagées dans la guerre secrète en Europe de l’Ouest, Dides participa régulièrement aux réunions de « Paix et Liberté », une structure contrôlée en sous-main par la CIA et conduite par l’anticommuniste français Jean-Paul David. [17] L’historien états-unien Christopher Simpson estime que les unités d’action clandestines telles que « Paix et Liberté » furent fondées et financées par la CIA pendant la guerre froide à raison de « facilement plus d’un milliard de dollars chaque année ». [18] Avec des ramifications dans plusieurs pays européens, « Paix et Liberté » se chargeait de mener les opérations de guerre psychologique en Europe de l’Ouest conçues par la CIA et de répandre les idées anticommunistes en imprimant des affiches, en finançant une émission de radio, en diffusant des tracts et en organisant des manifestations ponctuelles. La branche italienne baptisée « Pace e Liberta » était dirigée Edgardo Sogno et avait son quartier général à Milan. En 1995, l’enquête sur le réseau Gladio permit de découvrir que Paix et Liberté avait agi sous les ordres directs de l’OTAN. Le ministre des Affaires étrangères français Georges Bidault aurait suggéré en 1953, lors d’une réunion du Conseil Atlantique de l’OTAN, que Paix et Liberté procède à une réorganisation des services de renseignement de l’OTAN et serve de base et de moteur à la coordination des actions internationales menées contre le Kominform. [19] Dans son histoire de l’influence des USA sur la France d’après-guerre, Irwin Wall considéra que, aux côtés de Force Ouvrière, « Paix et Liberté représentait le principal exemple d’une organisation anticommuniste populaire promue par la CIA dans la France des années cinquante ». [20]

 

Rose des Vents

La révélation de l’existence du Plan Bleu et son interruption en 1947 ne mit pas un terme à la guerre secrète contre le communisme. Bien au contraire, le Premier ministre socialiste Paul Ramadier fit en sorte que ses loyaux dirigeants au sein des services secrets militaires ne soient pas éclaboussés par le scandale. Quand la tempête fut passée, fin 1947, il ordonna à Henri Ribière, le directeur du SDECE, et à Pierre Fourcaud, son adjoint, de mettre en place une nouvelle armée anticommuniste secrète sous le nom de code « Rose des Vents », en référence à l’étoile symbole de l’OTAN. Le nom était plutôt bien trouvé car, quand l’OTAN fut établie à Paris en 1949, le SDECE mena sa guerre secrète en étroite collaboration avec l’Alliance Atlantique. [21] Les combattants de l’ombre comprenaient tous que, dans le contexte maritime, la rose des vents est le repère que l’on place sous l’aiguille du compas qui indique le cap et en fonction duquel on effectue les corrections nécessaires si le navire menace de dévier de sa trajectoire.

 

La coopération secrète s’intensifiant avec les USA, le SDECE ouvrit, en 1951, une antenne à Washington. [22] D’après le plan d’ensemble de lutte contre le communisme en Europe de l’Ouest adopté par la CIA et l’OTAN, l’armée dite Rose des Vents avait pour mission, au sein du SDECE, de localiser et de combattre les éléments communistes subversifs à l’intérieur de la IVe République. De surcroît, elle devait planifier des mesures d’évacuation et fournir une base de repli convenable à l’étranger. Ses hommes étaient formés pour des opérations de sabotage, de guérilla et de collecte de renseignements sous occupation ennemie. Le territoire français était divisé en nombreuses zones géographiques stay-behind où étaient affectées des cellules clandestines, chaque zone étant placée sous le contrôle d’un officier du SDECE. Une base de repli pour un gouvernement français en exil fut installée au Maroc et le SDECE envoya une partie de ses archives microfilmées à Dakar, au Sénégal. [23]

 

Francois_de_Grossouvre_et_Mitterrand.jpgFrançois de Grossouvre (1918-1994) et François Mitterrand (1916-1996)

Le plus célèbre des combattants de la Rose des Vents est peut-être François de Grossouvre, qui devint le conseiller pour les opérations spéciales du Président socialiste François Mitterrand en 1981. Pendant la seconde guerre mondiale, de Grossouvre s’était engagé dans la milice de Vichy qu’il prétendit par la suite avoir infiltrée pour le compte de la Résistance. Après 1945, les services secrets l’enrôlèrent dans les rangs de la Rose des Vents. L’agent du SDECE Louis Mouchon, qui recruta lui-même bon nombre de soldats de l’ombre, raconta un jour comment de Grossouvre avait été contacté : « Notre homme à Lyon, Gilbert Union, qui pendant la guerre avait effectué des missions pour le BCRA et qui était un passionné d’automobiles, venait de se tuer dans un accident de la route. Pour le remplacer le SDECE recruta François de Grossouvre en 1950. » Mouchin précisa que l’homme n’avait pas été recruté uniquement pour son expérience de la guerre mais également pour ses contacts : « Son entreprise, les sucres Berger & Cie, nous offrait une très bonne couverture. Il avait vraiment d’excellents contacts. » [24]

 

En tant que conseiller spécial du Président Mitterrand, de Grossouvre joua un rôle considérable dans la guerre clandestine en France au début des années 1980, mais, en 1985, il fut dessaisi de ses principales fonctions après que son goût du secret ait fini par exaspérer les collaborateurs plus vertueux de Mitterrand. Il semble que les deux hommes aient cependant continué à entretenir de bonnes relations puisque, quand, suite aux révélations sur la dimension européenne de Gladio, Mitterrand se trouva au cœur du scandale et dut démanteler le réseau français, « il consulta d’abord son “éminence grise” François de Grossouvre ». [25] Au moment de sa mort, la participation de de Gossouvre à la guerre secrète ne faisait plus l’ombre d’un doute. « Il a été recruté par les services d’espionnage français et a contribué à bâtir le Gladio, un plan soutenu par les Américains visant à créer un mouvement de résistance armée à une invasion de l’Europe de l’Ouest par les Soviétiques », put-on lire dans la rubrique nécrologique de The Economist après que de Grossouvre, alors âgé de 76 ans se soit suicidé au Palais de l’Élysée, le 7 avril 1994. [26]

 

L’ancien agent de la CIA Edward Barnes servit comme officier de liaison avec le réseau stay-behind Rose des Vents jusqu’en 1956. Après les révélations de 1990 sur les armées secrètes, il rappela comment non seulement Washington mais également les Français redoutaient une prise de pouvoir par les communistes. « De très nombreux Français souhaitaient être prêts à intervenir si quelque chose se produisait. » D’après Barnes, la résistance à une invasion soviétique était la motivation première du Gladio français alors que promouvoir des activités politiques anticommunistes en France « aurait pu être un objectif secondaire ». [27] Toujours selon l’ex-agent de la CIA, le programme stay-behind français consistait en « quelques dizaines » d’hommes recrutés individuellement par la CIA afin que chacun crée à son tour son propre petit réseau. Si, selon ce qu’on a pu observer dans d’autres pays, chaque Gladiateur recrutait et entraînait 10 autres hommes, on peut déduire des assertions de Barnes que le Gladio français comptait environ 500 soldats.

 

Il est très difficile de déterminer le nombre exact des participants à cette guerre secrète contre le communisme. L’Intelligence Newsletter basée à Paris a indiqué suite à la découverte des armées secrètes de la CIA qu’« un directeur de service de renseignement français de l’époque avait offert de mettre à la disposition de la CIA quelques 10 000 “patriotes” entraînés et armés sélectionnés parmi les effectifs des forces armées françaises » et formés pour intervenir « dans l’hypothèse où un gouvernement communiste arriverait au pouvoir ». Barnes prétendit que la CIA « n’avait aucune idée du nombre d’hommes qui surgiraient d’un peu partout. Il n’y avait aucun moyen de le calculer. Parmi ceux que j’ai rencontrés se trouvaient aussi bien des paysans, des citadins ou des commerçants. » La plupart n’avaient pas besoin de beaucoup d’entraînement puisqu’ils s’étaient déjà battus pendant la seconde guerre mondiale et avaient effectué des opérations spéciales derrière les lignes ennemies pour le compte du BCRA. [28]

 

Afin de garantir l’indépendance matérielle des soldats de l’ombre, la CIA et le SDECE avaient disséminé des caches d’armes secrètes à travers tout le pays. « Des tas de trucs en tout genre étaient planqués dans des endroits reculés, pratiquement tout ce dont on peut avoir besoin », y compris des armes, des explosifs, des pièces d’or ou des bicyclettes ; les transmetteurs radio et les codes constituaient la première des priorités. Afin de préserver la clandestinité du réseau, la règle était de ne divulguer les informations qu’aux personnes strictement concernées. Barnes précisa que lui-même n’était autorisé à rencontrer qu’une dizaine de recrues de la CIA « de peur que je les grille ou qu’ils me grillent. Vous ne pouviez pas simplement demander à un type “Déterre-moi ça, Untel”. Il y a sûrement eu pas mal de cafouillages. Certains de ces gars enterraient le matériel quelque part et ils vous indiquaient un autre endroit. » [29]

 

Opération Demagnetize

Le ministre de la Défense italien savait que le SDECE et la CIA étaient en train de lever une armée secrète pour combattre les communistes. En octobre 1951, dans une lettre adressée au ministre de la Défense Marras, le général Umberto Broccoli indiquait que des armées de ce type existaient aux Pays-Bas, en Belgique, en Norvège, au Danemark et que « la France avait déjà monté de telles opérations en Allemagne et en Autriche ainsi que sur son propre territoire, jusqu’aux Pyrénées ». [30] Jusqu’où s’étendait ce réseau français dans l’Autriche et l’Allemagne occupées après la défaite, nous l’ignorons mais il semblerait qu’il ait existé des zones contrôlées par les troupes françaises jusqu’à ce que les Alliés se retirent des deux pays. Dans son rapport intitulé « Un SID parallèle - Le cas Gladio », le Premier ministre italien Giulio Andreotti confirmait que les armées secrètes anticommunistes étaient en liaison permanente avec l’OTAN et que « des réseaux de résistance avaient été mis en place par la Grande-Bretagne en France, aux Pays-Bas, en Belgique et vraisemblablement aussi au Danemark et en Norvège. Les Français se sont chargés des secteurs de l’Allemagne et de l’Autriche placés sous leur contrôle ainsi que de leur propre territoire, jusqu’aux Pyrénées. » [31]

 

Un mémorandum top secret du Joint Chiefs of Staff, le Conseil de l’État-major interarmes états-unien, daté du 14 mai 1952 et intitulé « Opération Demagnetize » expliquait dans le détail comment « des opérations politiques, paramilitaires et psychologiques » devaient être mises en oeuvre afin de « réduire l’influence du parti communiste en Italie et (...) en France ». [32] « L’objectif final de ce plan est de réduire le pouvoir des partis communistes, leurs ressources matérielles, leur influence au sein des gouvernements italien et français et particulièrement sur les syndicats », précisait la note confidentielle du Pentagone, « ce, dans le but de limiter autant que possible les risques que le communisme gagne de l’ampleur et menace les intérêts des États-Unis dans les deux pays ». Les armées secrètes levées par la CIA et commandées par le SDECE étaient formées et entraînées dans ce contexte stratégique car, comme le spécifiait le document, « limiter l’influence des communistes en Italie et en France est un objectif prioritaire. Il doit être atteint par tous les moyens ». La guerre devait être menée dans le plus grand secret et il n’était pas « indispensable que les gouvernements italiens et français soient informés du plan “Demagnetize” car celui-ci [aurait pu] être perçu comme une violation de leur souveraineté nationale ». [33]

 

L’entraînement des soldats secrets de la Rose des Vents se déroulait sur plusieurs sites en France et à l’étranger, en étroite collaboration avec les Forces Spéciales françaises, et notamment la 11e Demi-Brigade Parachutiste de Choc, ou 11e Choc, des commandos spécialistes des opérations spéciales. Les deux corps entretenaient des relations étroites et, à plusieurs reprises, des officiers du 11e Choc intégrèrent la Rose des Vents. De même que les SAS effectuaient les opérations secrètes et les coups tordus pour le compte du MI6, le 11e Choc servit de bras armé au SDECE après la seconde guerre mondiale. Selon le spécialiste du Gladio français Brozzu-Gentile, « les instructeurs du réseau stay-behind français étaient tous membres ou proches du SDECE ». [34] En 1990, la presse française révéla que les Gladiateurs français avaient été formés au maniement des armes, à l’utilisation des explosifs et de transmetteurs radio au Centre d’Entraînement des Réserves Parachutistes (CERP) du 11e Choc à Cercottes, près d’Orléans ainsi que sur deux autres sites d’entraînement du 11e, l’un dans les Pyrénées, près de la frontière espagnole, l’autre à Calvi, en Corse, non loin du quartier général sarde du Gladio italien. [35]

 

En tant qu’unité d’élite spécialisée dans la guerre secrète et les coups tordus, le 11e Choc opérait surtout en Indochine et en Afrique où la France d’après-guerre tentait désespérément de garder ses colonies du Vietnam et d’Algérie. « L’unité chargée des sales besognes, le fer de lance des opérations clandestines pendant la guerre d’Algérie de 1954 à 1962 était clairement le 11e Bataillon de Parachutistes de Choc », indiqua le spécialiste des services secrets Roger Faligot. [36] En 1954, 300 hommes de cette force spéciale furent déployés en Algérie. La plupart d’entre eux avaient une bonne expérience des missions clandestines et de la contre-guérilla puisqu’ils venaient directement du Vietnam où la France avait dû renoncer à ses colonies la même année après la défaite de Dien Bien Phu. L’un des plus fameux membres du 11e fut Yves Guérain-Sérac, un célèbre soldat de l’ombre qui avait servi en Corée et au Vietnam et qui fut plus tard directement impliqué dans les opérations de l’armée anticommuniste secrète portugaise. Depuis sa cellule, le soldat du Gladio italien et terroriste d’extrême droite Vincenzo Vinciguerra avoua son admiration pour la personnalité fascinante et les compétences inégalées de stratège de la terreur de Guérain-Sérac. [37]

 

Opération Résurrection

À mesure que s’intensifiaient la guerre secrète contre les communistes en France et celle contre le Front de Libération Nationale en Algérie, cette stratégie révéla ses limites lorsque les politiciens à Paris perdirent le contrôle des combattants de l’ombre, ce qui provoqua dans le pays une grave crise qui précipita la fin de la IVe République. En mai 1958 débuta véritablement la lutte pour l’indépendance de l’Algérie. Le gouvernement affaibli de la IVe République ne savait trop comment réagir tandis que les services secrets et les militaires français étaient fermement décidés à tout faire pour que l’Algérie demeure une colonie française. Dans les rangs du SDECE et de l’armée, nombreux étaient ceux qui jugeaient les responsables politiques de la IVe comme « faibles, corrompus ou corruptibles, une catégorie d’hommes pusillanimes et prêts à abandonner et à fuir l’Algérie ». [38] Lorsque les premiers prisonniers français furent exécutés par le FLN, les stratèges de la guerre secrète au sein des services secrets français et de l’armée entreprirent de fomenter un coup d’État pour remplacer le gouvernement de Paris par un autre régime.

 

Le 11e Choc joua alors un rôle majeur des deux côtés de la ligne de front. Le 24 mai 1958, des soldats basés à Calvi, sur la côte nord de la Corse, déclenchèrent la première phase de l’opération en déployant des commandos de parachutistes sur toute l’île. Le bruit courut bientôt que les soldats de l’ombre comptaient renverser le gouvernement légitime et remettre au pouvoir le général de Gaulle. D’autres membres du 11e qui désapprouvaient cette guerre antidémocratique contre Paris, quittèrent leur base de Cercottes le même jour et se rassemblèrent afin de défendre les cibles visées par les comploteurs gaullistes et les unités paramilitaires qui les soutenaient. [39] L’une de ces cibles était le chef du SDECE en personne, le général Paul Grossing. Quand ce dernier eut connaissance du plan, il fit immédiatement protéger le siège du SDECE, boulevard Mortier, par des éléments du 11e qui lui étaient restés fidèles.

 

En ce mois de mai 1958, la France bascula dans le chaos. Le patron de la DST (Direction de la Surveillance du Territoire) Roger Wybot était sur le point d’activer un plan secret anticommuniste baptisé « Opération Résurrection ». Ce plan, qui incluait notamment le parachutage de troupes du 11e Choc, visait à contrôler en très peu de temps les centres vitaux de Paris : le ministère de l’Intérieur, le siège de la police, les immeubles de la télévision et de la radio, les centrales électriques et d’autres endroits stratégiques de la capitale. « Le plan prévoyait également l’arrestation d’un certain nombre de personnalités politiques parmi lesquelles : François Mitterrand, Pierre Mendès France, Edgar Faure, Jules Moch ainsi que l’ensemble des cadres du parti communiste. » [40]

 

Mais le 27 mai, « quelques heures à peine avant le déclenchement de l’Opération Résurrection sur la capitale française », de Gaulle annonça qu’il avait « entamé la procédure régulière nécessaire à l’établissement d’un gouvernement républicain ». [41] Se succédèrent ensuite une foule d’actions rapides et capitales qui scellèrent le sort de la IVe République. Le 28 mai, le Premier ministre Pierre Pflimlin donna sa démission. Le lendemain matin, le Président de la République René Coty déclara qu’il avait appelé de Gaulle à former un gouvernement. À peine 24 heures plus tard, le général se présenta devant l’Assemblée nationale et sollicita les pleins pouvoirs pour gouverner par décrets pendant les 6 mois à venir, imposa 4 mois de « vacances » aux députés et demanda la possibilité de soumettre lui-même un projet de nouvelle Constitution. Ses propositions furent votées à 329 voix contre 224. « La IVe République préféra se suicider plutôt que de se faire assassiner par (...) l’armée et ses services de sécurité. » [42]

 

Parmi les militaires et les membres des services secrets qui avaient soutenu le coup de force de de Gaulle, bon nombre espéraient que le général ferait le choix ferme de l’« Algérie française », c’est-à-dire qu’il ferait tout pour qu’elle reste sous la tutelle coloniale de la France. À leur grand étonnement, de Gaulle, avec le soutien de nombreux hommes politiques de la IVe République, proclama le droit des Algériens à l’autodétermination, ce qui conduisit à l’indépendance du pays en 1962. Les soldats de l’ombre étaient furieux. « Suivant l’exemple du général de Gaulle, les Présidents de la Ve République se détournèrent progressivement de leurs services secrets jusqu’à les considérer non plus comme un atout mais comme une charge. » [43] Les combattants des armées secrètes étaient divisés : fallait-il suivre les ordres de de Gaulle et se retirer d’Algérie ou lutter contre le gouvernement français ? L’ultime trahison du 11e Choc eut lieu en 1961, quand la plupart de ses membres choisirent l’Algérie française et, afin de promouvoir leur politique, fondèrent avec des officiers de l’armée Française l’Organisation de l’Armée Secrète. Les deux buts déclarés de l’OAS étaient : garder le contrôle de l’Algérie coloniale, ce qui impliquait de continuer le combat contre le FLN par tous les moyens, quels que soient les ordres de Paris ; ensuite, renverser la Ve République du Président de Gaulle et la remplacer par un État autoritaire et résolument anticommuniste.

 

Le coup d’État des généraux

L’OAS passa à l’action le 22 avril 1961, quand 4 généraux de l’armée française emmenés par le général Challe s’emparèrent du pouvoir en Algérie dans l’espoir de la maintenir sous le contrôle français. Il semble que des soldats de l’armée stay-behind de l’OTAN soutenue par la CIA et qui avaient rejoint les rangs de l’OAS aient été impliqués dans ce coup d’État. Les combattants de l’ombre « rallièrent un groupe de généraux qui résistaient, parfois par la violence, aux tentatives de de Gaulle de négocier l’indépendance de l’Algérie et la fin de la guerre », écrivit l’auteur états-unien Jonathan Kwitny dans son article sur les armées secrètes d’Europe de l’Ouest. [44] Il serait nécessaire d’enquêter plus à fond sur cette implication du réseau stay-behind français dans le coup d’État de 1961 qui constitue l’un des pans les plus délicats de l’histoire de la guerre clandestine en France. Les preuves dont nous disposons aujourd’hui indiquent que les armées stay-behind jouèrent un rôle dans les putschs de 1967 en Grèce, de 1980 en Turquie et dans celui qui échoua à renverser le gouvernement français en 1961. [45]

 

Tout porte à croire que ce coup d’État fomenté contre de Gaulle avait reçu l’approbation de la CIA et de son directeur Allen Dulles ainsi que des partisans de la guerre secrète au sein de l’OTAN et du Pentagone à Washington. Immédiatement après la tentative de putsch, « des porte-parole de l’Élysée » avaient laissé « entendre que le complot ourdi par les généraux avait bénéficié du soutien des responsables les plus farouchement anticommunistes de l’armée et du gouvernement américains », put-on lire dans le Washington Star. « À Paris comme à Washington, les faits sont maintenant avérés, même s’ils ne seront jamais reconnus publiquement », écrivit Claude Krief, dès mai 1961, dans les colonnes de l’hebdomadaire L’Express. « Les plus hauts personnages de l’État français l’admettent volontiers en privé : la CIA a joué un rôle direct dans le coup d’État d’Alger, et elle est certainement pour beaucoup dans la décision du général Challe de déclencher ce putsch. » Peu avant les faits, Challe avait occupé les fonctions de commandant en chef des Forces Alliées en Europe Centrale, ce qui impliquait des liens étroits, non seulement avec le Pentagone et des représentants des États-Unis mais aussi avec le réseau stay-behind de l’OTAN, ainsi que des contacts quotidiens avec des officiers de l’armée états-unienne. Challe avait donc, concluait Krief, agi sous les ordres directs de la CIA : « Tous ceux qui le connaissent bien sont profondément convaincus que la CIA l’a encouragé à poursuivre dans cette voie ». [46]

 

Au moment où Krief publia son article sur le coup d’État fomenté contre le général de Gaulle avec l’appui de la CIA, l’existence des armées secrètes stay-behind n’avait pas encore été révélée. Mais en se penchant sur la guerre clandestine internationale, Krief indiquait que 10 jours avant le coup, le 12 avril 1961, une réunion secrète s’était tenue à Madrid, en présence de « nombreux agents représentant différents pays, parmi lesquels plusieurs des conspirateurs d’Alger qui firent part de leurs plans aux agents de la CIA également présents ». Au cours de cette réunion, les États-uniens auraient déclaré avec colère que la politique menée par de Gaulle « paralysait l’OTAN et rendait impossible la défense de l’Europe », et auraient assuré aux généraux putschistes, dont Challe, que si eux ou leurs successeurs réussissaient, Washington reconnaîtrait le nouveau gouvernement algérien dans les 48 heures. [47] De Gaulle, qui tentait par diverses manœuvres et tactiques de rendre la France et l’Europe moins dépendantes des USA et de l’OTAN, fut furieux de la fourberie de la CIA. On ignore si le Président Kennedy, qui préparait alors le débarquement de la baie des Cochons du 15 avril devant permettre de renverser Fidel Castro, avait été informé du putsch d’Alger. On sait simplement qu’il fut furieux de l’échec de la CIA à Cuba et que Washington ne s’empressa pas de reconnaître le régime instauré à Alger par les généraux. Celui-ci tint 4 jours avant de s’effondrer. Le premier quotidien français, Le Monde, résuma ainsi l’affaire : « Le comportement des États-Unis pendant la récente crise ne fut pas particulièrement adroit. Il semble établi que des agents américains ont plus ou moins encouragé Challe » tandis que « bien entendu, Kennedy ignorait tout de la situation ». [48]

 

L’Organisation de l’armée secrète (OAS)

Après l’échec du coup d’État, les soldats de l’ombre devinrent totalement incontrôlables. L’OAS se livra rapidement à des assassinats de représentants du gouvernement algérien, à des massacres arbitraires de civils musulmans et à des braquages de banques. [49] En novembre 1961, les combattants de l’OAS opéraient sans retenue dans les rues d’Alger, perpétrant d’innombrables crimes dans l’espoir de saboter le début de processus de paix qui devait conduire à l’indépendance de l’Algérie. Les militaires et policiers français eurent beaucoup de mal à lutter contre l’OAS car nombre d’entre eux le faisaient à contrecœur et échouaient même délibérément tant ils approuvaient les buts politiques poursuivis par l’Organisation. Alors que la violence redoublait, l’OAS porta le combat sur le sol français et assassina le maire d’Évian où se tenaient les pourparlers entre les représentants du gouvernement et ceux du FLN. Elle s’en prit même au gouvernement de Paris et de Gaulle échappa de peu, le 8 septembre, à une tentative d’assassinat à Pont-sur-Seine. Les services français rendirent coup pour coup : en novembre 1961, six cafés d’Alger connus pour être fréquentés par des sympathisants de l’OAS furent éventrés par des explosions.

 

En dehors de la France, les soldats de l’armée secrète menaient aussi des opérations dans d’autres pays d’Europe tels que l’Espagne, la Suisse et l’Allemagne où des escadrons spéciaux du 11e Choc organisèrent l’assassinat de leaders du FLN, de leurs soutiens financiers et de leurs fournisseurs d’armes. [50] En Allemagne, les soldats de l’ombre auraient coopéré avec les membres du réseau stay-behind local et les services secrets allemands, le BND. Les Allemands mirent à la disposition du 11e Choc leur centre d’entraînement pour parachutistes d’Altenstadt, en Bavière, qui servit de base arrière pour leurs missions dirigées contre le FLN. « Des membres de Gladio et de nombreux agents du BND y furent également recrutés en vue d’autres opérations spéciales », souligne le spécialiste des services secrets allemands Erich Schmidt Eenboom. Les Français qui se livrèrent à ces assassinats d’activistes du FLN en Allemagne ne furent jamais pris. « La police semblait incapable d’attraper les auteurs de ces attaques éclair », écrit Eenboom. [51]

 

La guerre secrète fit sombrer la France dans un cauchemar de violence, les deux camps faisant preuve d’une brutalité croissante. Au plus fort des tensions, Maurice Papon, alors préfet de police de Paris, imposa le couvre-feu suite à la mort de 11 de ses agents. Le FLN, qui avait perpétré ces attaques, y répondit en organisant, dans la capitale, une marche de protestation à laquelle participèrent près de 40 000 Algériens, le 17 octobre 1961. Papon, reconnu coupable depuis d’avoir été impliqué dans la déportation de plus de 1 500 Juifs sous l’occupation allemande, donna l’ordre à ses services de réprimer brutalement la manifestation ; s’ensuivit un véritable massacre. [52] D’après le témoignage de Constantin Melnik daté de 1988, au moins 200 personnes - et vraisemblablement plus près de 300 - furent abattues par des policiers désirant se venger après la mort de leurs collègues. [53] Melnik fut le conseiller à la sécurité du gouvernement du général de Gaulle et le grand patron des services secrets entre 1959 et 1962. Lorsqu’on l’interrogea sur le réseau stay-behind, il insista sur la menace que représente toute armée secrète : « N’importe quel groupe d’hommes avec le matériel radio et l’entraînement nécessaires constituerait un réel danger pour la sécurité de la France ». [54] « J’ai vu des gens s’écrouler dans des mares de sang. Certains étaient battus à mort. Les corps étaient entassés dans des bennes avant d’être jetés à la Seine depuis le pont de la Concorde », témoigna Saad Ouazene, un ouvrier métallurgiste de 29 ans sympathisant du FLN. « Si je n’avais pas eu ma force pour moi, je n’en serais jamais sorti vivant », ajouta l’homme qui s’en était tiré avec une fracture du crâne. « Dès que les Algériens sortaient des bus à la porte de Versailles, ils recevaient des coups à la tête », se souvint le policier français Joseph Gommenginger, en service cette nuit-là. « Ceux qui menaient ces ratonnades m’ont même menacé. Ils avaient enlevé le matricule de leur uniforme. J’étais révolté. Je n’aurais jamais cru la police capable de ça. » Dans les jours qui suivirent le massacre, on repêcha des dizaines de corps dans la Seine, y compris jusqu’à Rouen. [55] Aucune enquête officielle n’ayant été ouverte, le magazine Les Temps Modernes de Jean-Paul Sartre qualifia cet épisode de véritable pogrom. [56]

 

La guerre secrète conduite par l’OAS avec le renfort de combattants des réseaux stay-behind de l’OTAN ne parvint ni à renverser de Gaulle, ni à empêcher l’Algérie de devenir indépendante. Les accords mettant un terme aux hostilités et proclamant l’indépendance du pays furent finalement signés entre le FLN et le gouvernement français à Évian en mars 1962, entraînant l’effondrement de l’OAS qui déclara la trêve le 17 juin 1962, environ un an après sa création. Seule une fraction d’irréductibles de l’Organisation, avec à leur tête le colonel Jean-Marie Bastien-Thiry, refusèrent de déposer les armes et fomentèrent un autre attentat contre le général de Gaulle, au Petit Clamart, le 22 août 1962. De Gaulle, faisant, comme à son habitude, peu de cas de sa propre sécurité, fut scandalisé qu’on ait pu ainsi l’attaquer alors qu’il se trouvait en compagnie de sa femme et en fit une affaire personnelle. En septembre, les hommes de l’OAS impliqués dans la tentative d’attentat furent arrêtés à Paris. Ils furent tous condamnés à mort, mais seul Bastien-Thiry fut finalement exécuté. [57] La majorité des soldats du 11e Choc, dont beaucoup avaient rejoint les rangs de l’OAS, virent leur carrière interrompue. Les autres furent placé sous étroite surveillance par les autorités gaullistes.

 

La rupture avec l’OTAN

L’armée secrète formée par la CIA et destinée par l’OTAN à combattre le communisme avait donc, dans le contexte de chaos et de violence de la crise algérienne, été impliquée dans des activités internes que ne venait justifier aucune invasion soviétique. Le danger de la guerre secrète résidait, dans ce cas, dans l’absence totale de contrôle exercé par les institutions et, parfois même, par le gouvernement sur les combattants clandestins. En 1990, l’amiral Pierre Lacoste, directeur des services secrets militaires français de 1982 à 1985, confirma que « des actions terroristes » contre le général de Gaulle et le processus de paix algérien avaient été menées par des groupes « d’un petit nombre d’hommes » du réseau stay-behind français. Cependant, l’amiral souligna que ces opérations antigaullistes furent les seuls actes commis par le Gladio français à l’intérieur des frontières nationales et précisa que, durant le temps qu’il avait passé à la tête des services secrets, il avait lui aussi partagé la conviction que les plans de réserve d’invasion conçus par les Soviétiques justifiaient pleinement le programme stay-behind. [58]

 

Charles de Gaulle eut plus que quiconque le temps de connaître les rouages de la guerre secrète qui se livra en France, avant de laisser sa place à Georges Pompidou en avril 1969 et de mourir un an plus tard, à l’âge de 80 ans, en regardant, paraît-il, une série télévisée sentimentale. Le général avait commandé la Résistance contre l’occupant allemand, il avait eu recours à des manœuvres clandestines pour accéder au pouvoir à la fin de la IVe République et, sous la Ve, il avait été la cible de coups d’État et de tentatives d’assassinat. Bien avant que ne soient révélée publiquement l’existence des armées secrètes de l’OTAN, de Gaulle avait envié les États-Unis en considérant sa position isolée en Europe de l’Ouest et avait dans le même temps cultivé une certaine méfiance à l’égard de la CIA qu’il soupçonnait de recourir à la manipulation et à des opérations de guerre clandestines. En accédant au pouvoir, le général avait affirmé son intention de faire appliquer sa politique étrangère uniquement par ses diplomates et non par des « services secrets irresponsables », qui avaient d’ailleurs reçu l’ordre de couper les ponts avec la CIA de laquelle dépendait une bonne partie de leurs activités de renseignement. [59] Pour lui, « l’État français était assailli par des forces occultes. Qui en était responsable ? Sûrement la CIA, pensait-il ». [60]

 

Quand l’OTAN fut créée en 1949, son quartier général, abritant notamment les bureaux du SHAPE, fut construit en France. Celle-ci se trouvait donc particulièrement exposée aux opérations secrètes de l’OTAN et de la CIA, ce que déplorait de Gaulle, car le CPC, le comité directeur du réseau secret Gladio, était lui aussi situé à Paris, comme le révéla un document italien daté de juin 1959 et intitulé : « Les Forces Spéciales du SIFAR et l’Opération Gladio » : « (…) En ce qui concerne l’OTAN, il faut signaler les activités suivantes : 1. L’activité du CPC (Clandestine Planning Committee) de Paris rattaché au SHAPE ». [61] En outre, l’autre organe de commandement de Gladio, l’ACC se réunissait lui aussi régulièrement à Paris. Ce fut donc un véritable choc à Washington lorsqu’en février 1966, et pour des raisons stratégiques et personnelles qui font toujours débat parmi les historiens, de Gaulle décida de défier la suprématie de Washington et ordonna à l’OTAN et aux USA soit de placer leurs bases militaires présentes sur le territoire français sous le contrôle de Paris, soit de les démanteler. Les États-Unis et l’Alliance Atlantique ne répondirent pas à cet ultimatum, sur quoi le général prit la décision historique de faire sortir la France de l’organisation militaire de l’OTAN le 7 mars 1966 et d’expulser l’ensemble de ses structures et de ses agents du territoire français. À la grande colère de Washington et du Pentagone, le quartier général européen de l’OTAN dut donc être transféré en Belgique. À Bruxelles, Mons et Casteau furent con

struits les nouveaux bâtiments qui abritent encore aujourd’hui le siège de l’OTAN en Europe. C’est ce que confirma par la suite l’enquête parlementaire belge sur Gladio et les opérations de guerre clandestine : « En 1968, le siège du CPC déménagea à Bruxelles ». [62] Les recherches effectuées en Belgique révélèrent également que la dernière réunion internationale de l’ACC, le centre de commandement des opérations de guerre clandestine, à Bruxelles eut lieu les 23 et 24 octobre 1990. [63]

 

L’auteur belge spécialiste du Gladio Jan Willems souligna que, quand de Gaulle retira l’armée française du commandement militaire intégré de l’OTAN, cela entraîna l’annulation de certains accords secrets passés entre la France et les États-Unis. « C’est à cette occasion que fut révélée l’existence de protocoles secrets portant sur la lutte contre la subversion communiste, signés bilatéralement par les États-Unis et leurs alliés de l’OTAN. » [64] De Gaulle dénonça ces protocoles comme une violation de la souveraineté nationale. On découvrit des clauses secrètes similaires dans d’autres pays membres de l’Alliance. Giuseppe de Lutiis découvrit qu’au moment d’intégrer l’OTAN en 1949, l’Italie avait signé, outre le Pacte Atlantique, toute une série de protocoles secrets prévoyant la création d’une organisation non officielle « chargée de garantir l’alignement de la politique intérieure italienne sur celle du bloc de l’Ouest par tous les moyens nécessaires, même si la population devait manifester une inclination divergente ». [65] Dans un article consacré à Gladio, le journaliste américain Arthur Rowse écrivit qu’une « clause secrète du traité initial de l’OTAN de 1949 stipulait que tout pays candidat à l’adhésion devait avoir établi au préalable une autorité de Sécurité nationale de lutte contre le communisme basée sur des groupes clandestins de citoyens ». [66]

 

Cela a de quoi surprendre, mais même après les épisodes douloureux de la crise algérienne, les unités secrètes stay-behind ne furent pas définitivement dissoutes en France, elles firent l’objet d’une simple restructuration. En 1998, le spécialiste des services secrets Jacques Baud observa à juste titre que « bien que les preuves manquent, certains experts ont laissé entendre que les activités du réseau stay-behind français ont été menées sous couvert du Service d’Action Civique ». [67] Après la dissolution de l’OAS, de Gaulle aurait fait en sorte d’affaiblir le réseau Rose des Vents tout en renforçant son « Service d’Action Civique », ou SAC. Le SAC était une sorte de garde prétorienne gaulliste, un sanctuaire de gaullisme à l’état pur reflétant la méfiance du général à l’égard de tous les partis politiques, fut-ce le sien. La mission dont s’étaient eux-mêmes investis ces hommes était de soutenir l’action du général de Gaulle. [68] Fondé au lendemain de la guerre, le SAC était le bras armé du RPF, le Rassemblement du Peuple Français, qui tentait en vain de constituer une opposition aux communistes et aux socialistes français. Fondé officiellement comme un service d’ordre, le SAC était en réalité la section anticommuniste du RPF chargée des sales besognes. Ses unités menaient des opérations clandestines contre les ouvriers grévistes ou contre les militants communistes qui s’étaient fait une spécialité de perturber par leurs cris les discours lors des meetings gaullistes. Les hommes du SAC étaient également chargés de la protection des politiciens et des groupes de colleurs d’affiches du RPF. [69]

 

Mais, malgré les agissements de son bras armé le SAC, le RPF ne parvint pas à remporter d’élections sous la IVe République ; il fut donc dissous en 1954. Cependant ses éléments les plus loyaux restèrent apparemment en contact puisqu’ils prirent part au coup de 1958 qui mit fin à la IVe République et remit de Gaulle au pouvoir. Jacques Foccart, le directeur et idéologue du SAC, en bon guerrier de l’ombre et partisan du général, prit en charge la coordination des opérations, grâce à ses relations au sein des services secrets, de l’armée et parmi les anciens résistants, pour organiser, le 24 mai 1958, l’occupation de la Corse par les soldats du 11e Choc basés à Calvi. [70] C’est ce qui amena l’expert en services secrets Porch à conclure que le SAC et Foccart ont véritablement « accouché du retour de de Gaulle au pouvoir en 1958 ». [71]

 

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Jacques Foccart (1913-1997) et Charles De Gaulle (1890-1970)

Le Service d’action civique, garde prétorienne du gaullisme

Le rôle joué par Foccart dans la guerre secrète qui se livra en France reste flou. « L’étendue des pouvoirs dont dispose Foccart est aussi mystérieuse que la manière dont il les a acquis à l’origine. » [72] Natif de Guadeloupe, l’homme fut mobilisé au début de la seconde guerre mondiale en 1939 mais parvint à s’échapper lors de la capitulation de la France. Il collabora ensuite avec l’armée allemande, mais vers la fin de la guerre, changea une nouvelle fois de camp et rejoignit la Résistance en Normandie. Il reçut même la médaille de la Liberté de l’armée états-unienne. [73] Après l’armistice, Foccart entra dans l’entourage proche du général de Gaulle et créa le SAC. Le centre d’entraînement pour les opérations spéciales qu’il fonda à Cercottes, près d’Orléans, « devint un lieu de pèlerinage pour les membres du SAC dans les années cinquante ». [74] Dans les années d’après-guerre, le service comptait près de 8 000 « réservistes », parmi lesquels des membres actifs du Service Action du SDECE et de son unité d’élite, le 11e Choc. Tous s’entraînaient à Cercottes et, après les révélations de 1990, le centre fut considéré comme l’un des principaux sites de formation des Gladiateurs français. [75]

 

En l’absence d’enquête officielle sur l’histoire de l’armée secrète française, il est pour l’heure difficile pour les chercheurs de distinguer les différences entre le réseau stay-behind Rose des Vents et le SAC, cela mériterait de faire l’objet d’études approfondies. Il semble cependant que le SAC se soit lui aussi livré à des opérations anticommunistes secrètes. Il aura fallu attendre l’arrivée au pouvoir des socialistes en 1981 pour que soit ouverte une enquête parlementaire. Quand en juillet 1981, à Marseille, un ancien chef du SAC, l’inspecteur de police Jacques Massié, fut retrouvé mort avec toute sa famille, les députés communistes exigèrent une enquête sur le Service d’Action Civique. En décembre de la même année, après six mois d’auditions, la commission parlementaire rendit un rapport volumineux dans lequel elle concluait que les activités des agents du SDECE, du SAC et de l’OAS en Afrique étaient « intimement liées ». Les députés découvrirent que le financement du SAC avait des origines troubles et provenait notamment des fonds du SDECE et du trafic de stupéfiants. [76]

 

« Les émeutes étudiantes de mai 1968 constituaient le champ d’action typique d’un réseau “Gladio” », commenta l’Intelligence Newsletter après les révélations de 1990. [77] La commission parlementaire réunie pour enquêter sur le SAC avait en effet découvert que le Service avait enregistré des effectifs records durant les troubles de mai 68, avec pas moins de 30 000 membres. Il est donc envisageable qu’il soit intervenu pendant les émeutes. En 1981, le SAC comptait toujours 10 000 adhérents. « On estime que 10 à 15 % d’entre eux étaient des policiers. Mais il comptait également dans ses rangs des opportunistes, des gangsters et des partisans de l’extrême droite. » [78] La commission dénonça le SAC comme une dangereuse armée secrète, qui avait servi de police parallèle, avait infiltré des organisations publiques afin d’influer sur leurs décisions et avait commis des actes de violence. En conclusion de ce qui constituait alors l’enquête parlementaire la plus approfondie jamais menée sur un réseau secret en France, les députés jugèrent l’existence du SAC « incompatible avec les lois de la République », sur quoi le gouvernement de François Mitterrand ordonna son démantèlement en juillet 1982. [79]

 

Un nettoyage toujours annoncé, jamais réalisé

Le gouvernement Mitterrand, de plus en plus préoccupé par le rôle joué par les services secrets dans les démocraties modernes, s’en prit aux services secrets militaires français qui se trouvaient depuis des années au coeur des opérations clandestines menées en France. Une enquête parlementaire diligentée en 1982 sur les agissements des services de renseignement et conduite par le député socialiste Jean-Michel Bellorgey conclut que des agents du renseignement agissant sous l’emprise de la paranoïa typique de la guerre froide et obsédés par « l’ennemi interne » avaient enfreint la loi à plusieurs reprises tandis que les services secrets accumulaient « échecs, scandales et opérations douteuses ». [80] À la lecture de cette conclusion édifiante, Mitterrand appuya la requête des communistes, qui, avec le soutien d’un groupe de socialistes, demandaient depuis longtemps la dissolution pure et simple du SDECE.

 

Mais cette décision lourde de conséquences ne fut finalement pas prise et le SDECE ne fut pas démantelé mais tout juste réformé. Son nom fut changé en Direction Générale de la Sécurité Extérieure (DGSE) à la tête de laquelle fut nommé l’amiral Pierre Lacoste. En collaboration avec l’OTAN, celui-ci continua à diriger l’armée secrète placée sous sa responsabilité et, en 1990, suite aux révélations sur Gladio, il défendit sa conviction selon laquelle les plans de réserve d’invasion conçus par les Soviétiques justifiaient pleinement le programme stay-behind. [81] L’« Opération Satanique » au cours de laquelle le 10 juillet 1985 des agents de la DGSE firent exploser le Rainbow Warrior, le navire de Greenpeace qui protestait pacifiquement contre les essais nucléaires français en Polynésie, mit un terme à la carrière de l’amiral Lacoste. En effet, quand fut découverte son implication dans l’affaire ainsi que celle du ministre de la Défense Charles Hernu et du président Mitterrand lui-même, Lacoste n’eut d’autre choix que de démissionner.

 

En mars 1986, la droite remporta les élections législatives, instaurant un régime de cohabitation entre le président socialiste Mitterrand et son Premier ministre gaulliste Jacques Chirac. En 1990, quand se multiplièrent les révélations sur les armées secrètes en Europe, Chirac ne fut pas véritablement enthousiaste à l’idée de voir révélée au grand jour toute l’histoire de l’armée secrète française. Une telle investigation aurait pu ruiner la si brillante carrière politique de celui qui deviendrait un jour président de la République, d’autant plus qu’en 1975, Chirac avait lui-même présidé le Service d’Action Civique.

 

La France eut ainsi beaucoup de mal à assumer l’histoire de son combat secret contre le communisme. Il n’y eut aucune enquête officielle. Les représentants du gouvernement tentèrent de minimiser les dégâts par des mensonges et demi-vérités. Le 12 novembre 1990, le ministre de la Défense Jean-Pierre Chevènement reconnut à regret devant la presse qu’« il [était] exact qu’une structure [avait] existé, bâtie au début des années cinquante et destinée à assurer la liaison avec un gouvernement forcé de se réfugier à l’étranger dans l’hypothèse d’une occupation », suite à quoi le ministre mentit en affirmant : « Cette structure a été dissoute sur ordre du Président de la République. Pour autant que je sache, elle n’a eu qu’un rôle de réseau dormant et de liaison ». [82] Le lendemain, le président Mitterrand dut affronter les questions de la presse. « Quand je suis arrivé au pouvoir », prétendit-il, « il n’y avait plus grand chose à dissoudre. Il ne restait plus que quelques rares éléments dont j’ai été surpris d’apprendre l’existence puisque tout le monde les avait oubliés. » [83] Le Premier ministre Chirac refusa de s’exprimer sur le sujet. Mais son homologue italien Giulio Andreotti n’apprécia pas de voir le gouvernement français minimiser ainsi sa responsabilité dans l’affaire Gladio et remettre en cause ses propres affirmations selon lesquelles Gladio avait existé dans la plupart des pays d’Europe de l’Ouest. Andreotti déclara donc à la presse que, loin d’être dissoute depuis longtemps, l’armée secrète française avait même envoyé ses représentants à la réunion de l’ACC qui s’était tenue les 23 et 24 octobre 1990 à Bruxelles, provoquant ainsi un embarras considérable en France.

 

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Les temps ont changé : Nicolas Sarkozy et Alain Bauer. M. Sarkozy est le beau-petit-fils de Franck Wisner, fondateur du Gladio.

(À suivre…)

Daniele Ganser

Historien suisse, spécialiste des relations internationales contemporaines. Il est enseignant à l’Université de Bâle.

[1] La Première République Française fut proclamée au lendemain de la Révolution de 1789, elle dura de 1792 à 1799. Naissant suite aux révolutions européennes, la Seconde République dura, elle, de 1848 à 1852. La Troisième, proclamée en 1871, prit fin avec la défaite de 1940.

[2] Edward Rice-Maximin, Accommodation and Resistance : The French Left, Indochina and the Cold War 1944–1954 (Greenwood Press, New York, 1986), p.12.

[3] Philip Agee et Louis Wolf Louis, Dirty Work : The CIA in Western Europe (Lyle Stuart Inc., Secaucus, 1978), p.182.

[4] Extrait de Rice-Maximin, Resistance, p.95. Le discours fut prononcé le 28 janvier 1950.

[5] Hoyt S. Vandenberg, Memorandum for the President Harry S. Truman. Central Intelligence Group, Washington, 26 novembre 1946. D’abord classé top-secret, il peut aujourd’hui être consulté à la Bibliothèque Harry Truman.

[6] Roger Faligot et Pascal Krop, La Piscine. Les Services Secrets Francais 1944–1984 (Editions du Seuil, Paris, 1985), p.84.

[7] Roger Faligot et Rémi Kaufer, Les Maîtres Espions. Histoire Mondiale du Renseignement. Tome 2. De la Guerre Froide à nos jours (Editions Laffont, Paris, 1994), p.56.

[8] Faligot et Krop, Piscine, p.85.

[9] Rice-Maximin, Resistance, p.53.

[10] Faligot et Krop, Piscine, p.85.

[11] Ibid., p.86.

[12] Faligot et Kaufer, Espions, p.56.

[13] Faligot et Krop, Piscine, p.86.

[14] Hoyt S. Vandenberg, Memorandum for the President Harry S. Truman.

[15] Trevor Barnes, « The Secret Cold War : The CIA and American Foreign Policy in Europe, 1946–1956 » dans The Historical Journal, Vol.24, N°2, 1981, p.413.

[16] Extrait de Jan de Willems, Gladio (Editions EPO, Bruxelles, 1991), p.35.

[17] Jean-Francois Brozzu-Gentile, L’Affaire Gladio (Editions Albin Michel, Paris, 1994), p.190.

[18] Christopher Simpson, Blowback : America’s Recruitment of Nazis and its Effects on the Cold War (Weidenfeld and Nicolson, Londres, 1988), p.127.

[19] Senato della Repubblica. Commissione parlamentare d’inchiesta sul terrorismo in Italia e sulle cause della mancata individuazione dei responsabiliy delle stragi : Il terrorismo, le stragi ed il contesto storico politico. Redatta dal presidente della Commissione, sénateur Giovanni Pellegrino. Rome 1995, p.36. Document téléchargeable au bas de la page de Voltairenet.org reproduisant le chapitre 6 du présent livre.

[20] Irwin Wall, The United States and the Making of Postwar France, 1945–1954 (Cambridge University Press, Cambridge, 1991), p.150.

[21] Faligot et Krop, Piscine, p.88. Et Jacques Baud : Encyclopédie du renseignement et des services secrets (Lavauzelle, Paris, 1997), p.546.

[22] Aucun auteur spécifié, « Spotlight : Western Europe : Stay-Behind » dans le périodique français Intelligence Newsletter. Le Monde du Renseignement du 5 décembre 1990.

[23] Faligot et Krop, Piscine, p.90.

[24] Ibid., leur entretien avec Louis Mouchon. Ibid., Piscine, p.89.

[25] Faligot et Kaufer, Espions, p.57.

[26] Hebdomadaire britannique The Economist, 16 avril 1994.

[27] Jonathan Kwitny, « The CIA’s Secret Armies in Europe : An International Story » dans The Nation du 6 avril 1992, p.446 et 447.

[28] Ibid.

[29] Ibid.

[30] Périodique italien Europeo du 18 janvier 1991.

[31] Le quotidien italien L’Unita publia une version italienne du document dans son édition spéciale du 14 novembre 1990. Un fac similé et une version française sont disponibles sur le site du Réseau Voltaire.

[32] Il est fait référence au document dans Roberto Faenza, Il malaffare. Dall’America di Kennedy all’Italia, a Cuba, al Vietnam (Editore Arnoldo Mondadori, Milan, 1978), p.313.

[33] Faenza, Malaffare, p.313.

[34] Gentile, Gladio, p.144.

[35] Quotidien français Le Monde du 16 novembre 1990. Et Pietro Cedomi : « Service secrets, guerre froide et ‘stay-behind. 2è Partie’ : La mise en place des réseaux » dans le périodique belge Fire ! Le Magazine de l’Homme d’Action, septembre/octobre 1991, p.74–80.

[36] Faligot et Krop : Piscine, p.165.

[37] Quotidien français Le Monde du 12 janvier 1998.

[38] Douglas Porch : The French Secret Services : From the Dreyfus Affair to the Gulf War (Farrar, Straus and Giroux, New York, 1995), p.395.

[39] Porch, Secret Services, p.395.

[40] Il s’agit de la description de l’opération Ressurection que donne Ph. Bernert dans son livre : Roger Wybot et la bataille pour la DST. Cité dans Gentile, Gladio, p.286.

[41] Porch, Secret Service, p.396.

[42] Ibid.

[43] Ibid., p.408.

[44] Jonathan Kwitny, « The CIA’s Secret Armies in Europe : An International Story » dans The Nation du 6 avril 1992, p.446 and 447.

[45] Thierry Meyssan, « Quand le stay-behind portait De Gaulle au pouvoir » et « Quand le stay-behind voulait remplacer De Gaulle », Réseau Voltaire, 27 août et 10 septembre 2001.

[46] William Blum, Killing Hope : US Military and CIA interventions since World War II (Common Courage Press, Maine, 1995), p.149. Version française, publiée sous le titre Les Guerres scélérates par Parangon, 2004.

[47] Ibid.

[48] Ibid.

[49] Porch, Secret Services, p.398.

[50] Révélé par exemple par l’ancien officier supérieur de la 11e Demi-Brigade du Choc Erwan Bergot dans ses mémoires : Le Dossier Rouge. Services Secrets Contre FLN (Grasset, Paris, 1976)

[51] Erich Schmidt Eenboom écrivit dans les années 1990 un essai non publié de neuf pages sur Gladio et les opérations terroristes menées par les services secrets français intitulé Die ‘Graue’ und die ‘Rote’ Hand. Geheimdienste in Altenstadt. Les deux citations en sont extraites (p.3 and 7). Les opérations terroriste françaises menées contre le FLN en Allemagne comprenaient : l’assassinat à l’arme automatique du secrétaire général du FLN Ait Acéne à Bonn le 5 novembre 1958, l’assassinat d’une seule balle à bout portant du membre du FLN Abd el Solvalar dans une gare de Sarrebrück le 19 janvier 1959 et l’assassinat de Lorenzen, un ami du fabriquant d’armes de Hambourg Otto Schlüter dans l’explosion d’une bombe dans un entrepôt de Shlüter le 28 septembre 1956. Le 3 juin 1957, Schlüter lui-même échappa à une tentative d’assassinat, mais sa mère fut tuée dans l’opération. (ibid.).

[52] Quotidien britannique Sunday Times du 12 octobre 1997. Et le quotidien français Le Monde du 17 octobre 1996.

[53] Jean-Luc Einaudi, La Bataille de Paris (Seuil, Paris, 1991).

[54] Hebdomadaire suisse Wochenzeitung, du 14 décembre 1990.

[55] Quotidien britannique Sunday Times du 12 octobre 1997. Et le quotidien français Le Monde du 17 octobre 1996.

[56] Ibid.

[57] Jeffrey M. Bale, « Right wing Terrorists and the Extraparliamentary Left in Post World War 2 Europe : Collusion or Manipulation ? » Dans Lobster Magazine (UK), n°2, octobre 1989, p.6.

[58] Jonathan Kwitny, « The CIA’s Secret Armies in Europe : An International Story » dans The Nation du 6 avril 1992, p.446 et 447.

[59] Porch, Secret Services, p.409.

[60] Ibid., p.419.

[61] Document téléchargeable au bas de la page de Voltairenet.org reproduisant le chapitre 6 du présent livre.

[62] Commission d’enquête parlementaire belge sur Gladio, résumé dans le périodique britanique Statewatch, janvier/février 1992.

[63] Jan de Willems, Gladio (Editions EPO, Bruxelles, 1991), p.24.

[64] Willems, Gladio, p.81.

[65] Extrait de Willan, op. cit., p.27.

[66] Arthur Rowse, Gladio. « The Secret US War to subvert Italian Democracy » dans Covert Action Quarterly, N°49, été 1994, p.3.

[67] Baud, Encyclopedie, p.546.

[68] Porch, Secret Services, p.439.

[69] Ibid., p.438.

[70] Ibid., p.395.

[71] Ibid., p.439.

[72] Ibid., p.437.

[73] Ibid., p.438, basé sur la biographie de Foccart par Pierre Péant.

[74] Ibid., p.439.

[75] Baud, Encyclopedie, p.546 et le quotidien français Le Monde du 16 novembre 1990.

[76] Porch, Secret Services, p.446. Le rapport de la commission d’enquête parlementaire française sur le SAC est intitulé : Rapport de la commission d’enquête sur les activités du Service d’Action Civique, Assemblée Nationale. Seconde session ordinaire de 1981–1982, N°955, Alain Moreau, Paris 1982.

[77] Intelligence Newsletter, 21 novembre 1990.

[78] Porch, Secret Service, p.590.

[79] Ibid., p.446.

[80] Ibid., p.404.

[81] Jonathan Kwitny, p.446 et 447.

[82] Quotidien français Le Monde du 14 novembre 1990. Agence de presse internationale Reuters, 12 novembre 1990. Quotidien britannique The Guardian du 14 novembre 1990.

[83] Extrait de Gentile, Gladio, p.141. Également relevé par l’agence Associated Press, le 13 novembre 1990

http://www.voltairenet.org/article169477.html

Mise en ligne CV 19 avril 2011

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9 mars 2014 7 09 /03 /mars /2014 20:34

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Elle va bien finir par arriver cette guerre. Nombreux sont ceux qui la redoutent, mais plus nombreux encore sont ceux qui l’attendent. Pas pour les morts bien sûr, ni pour les misères et les destructions qu’elle engendre non plus… encore que ! Car en définitive tout le monde (ou presque) sera satisfait : l'économie va enfin pouvoir repartir, et la croissance reviendra après. Je souligne le « ou presque » par acquis de conscience mais c’est bien l’ensemble du monde capitaliste qui s’en portera mieux. Car il est dans la nature même du capitalisme de conduire à la guerre ( vous ne le saviez pas peut-être ?) : comme une « saignée nécessaire pour « relancer la machine »… Imaginez des millions de morts, de blessés, et puis toutes les infrastructures détruites. La conscription, l’état d’alerte ou l’état d’urgence, « l’union sacrée » ! et puis aussi la relance de l’emploi à travers « l’effort de guerre », quelle opportunité pour la « croissance » !

Finies les dettes à rembourser aux « ennemis », finie la démocratie qui empêche les dirigeants de faire ce qu’ils souhaitent et qui autorise les citoyens de se plaindre sans cesse… Cette satanée « démocratie » qui nuit aux affaires et cet internet qui autorise la divulgation des « petits arrangements » de nos dirigeants doivent disparaître avec la guerre, car seule la dictature permettra la relance économique à travers la « compétitivité » offerte par l’esclavage. Et les destructions engendrées par la guerre sont autant de marchés qui seront à prendre au plus méritant (le plus fort donc).

Il faut bien comprendre que le « retournement du capitalisme » auquel nous avons assisté les dernières décennies ne laisse pas trop de choix : n’étant plus en mesure de dominer le monde par la puissance financière (en réalité il n’y a plus d’argent), les pays dits « puissants » ne le sont plus que grâce à la force brute ; et la guerre est désormais pour eux le seul moyen de conserver leur statut international. Et pour nous de conserver notre « niveau de vie »…

Car après tout nous pourrions encore éviter le chaos qui vient : en remettant de l’ordre dans la finance, en supprimant tous les avantages concurrentiels dont nous nous sommes emparés dans l’Histoire (par la force et par la ruse), nous pourrions alors redonner à chacun la place qu’il devrait « logiquement » avoir. Au prix bien sûr d’une baisse drastique de notre confort de vie. Mais qui est prêt pour cela ?

Et c’est là qu’on revient à mon titre quelque peu provocateur : nous devinons tous, à la vue des inégalités scandaleuses provoquées par ce système (quand on pense que 85 personnes possèdent la même richesse que 3,5 milliards d’autres personnes -plus de la moitié des êtres humains que compte cette terre !), que nous avons dépassé toutes les limites acceptables. Et nous savons tous également que sans la remise en cause du système qui crée ces injustices la guerre reviendra toujours pour redistribuer régulièrement les cartes du monde. Mais comme nous n’avons toujours rien créé de mieux pour nous gouverner, nous préférons sauver un système injuste, au prix de la guerre, que de nous risquer à inventer une alternative démocratique capable de s’opposer à la dictature qui viendra avec. Surtout si c’est pour payer plus cher, non ?

Tant que nous refuserons de nous confronter à la question d’un système « sans argent », nous sommes condamnés soit à la guerre, soit à la dictature : la guerre conduit à la dictature et la dictature conduit à la guerre.

 

Mais ne vous réjouissez pas trop vite : Car pour que l’une apparaisse, il faut que les conditions de l’autre soient présentes. Et tant que le système ne s’effondrera pas totalement, nos dirigeants fourbiront leurs armes avec tout l’argent qu’ils pourront engranger jusque là. Ce qui signifie que tant que notre épargne, nos derniers droits sociaux ou notre liberté d’expression ne seront pas totalement remise en cause, il leur reste du boulot : nous allons donc assister d’ici peu à un renforcement des mesures sécuritaires, une accélération des législations liberticides, un approfondissement des politiques d’austérité, une montée des peurs et des violences…

Et puis quand tout le monde sera prêt, les festivités pourront alors commencer ; quand un des « gros » ne pourra plus tenir sa bourse, ou sa population, ou son armée… Nous aurons beau dire que nous ne la voulions pas cette satanée guerre, mais nous l’attendions quand même… Car au lieu de se mettre au boulot pour réfléchir au futur que nous offrirons à nos enfants, nous avons été les victimes consentantes d’ignobles individus qui ne travaillent qu’à la perpétuation de leur propre pouvoir. Et coupables de les avoir élus, au mépris de leurs agissements criminels dont nous avons tout de même de manière complice bénéficié, en privant consciemment les autres peuples des avancées dont nous avons hérité de toutes les guerres précédentes. Et surtout en préférant continuer ainsi : puisqu’on ne peut pas supprimer le capitalisme, autant que nous restions les maîtres n’est-ce pas ? Et cela même si, paradoxalement, c’est au prix de notre propre liberté.

Caleb Irri
http://calebirri.unblog.fr

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8 mars 2014 6 08 /03 /mars /2014 23:31

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Radek Sikorski, ministre polonais des Affaires étrangères, avec les trois principaux dirigeants de l’opposition ukrainienne, à Kiev.

En serviteur zélé des intérêts US, la Pologne endosse officiellement, dans sa relation avec l’Ukraine, le rôle du Turc de service. À l’instar de la Turquie, qui s’est révélée être une plate-forme d’un intérêt géopolitique évident pour le transit des armes et le soutien en hommes et en matériel à destination des terroristes syriens, la Pologne fournit désormais le même type d’appui à leurs homologues ukrainiens. Donald Tusk, le Premier ministre polonais, a déclaré le 22 février 2014 que son pays assurait d’ores et déjà les soins nécessaires aux insurgés blessés de Kiev, des ordres ayant été effectivement donnés au ministère de l’Intérieur et aux Forces armées pour renforcer cette aide en mettant des hôpitaux à disposition [1]. Le ministre délégué à la Santé a confirmé les contacts de Varsovie avec les rebelles de Kiev pour « organiser la prise en charge des soins aux blessés ukrainiens. ». Il en découle que la Pologne a, de fait, élargi jusqu’à près de 500 kilomètres à l’intérieur de l’Ukraine la zone sur laquelle elle entend exercer son influence, tant par l’action souterraine que par la diplomatie. En Ukraine, les services de renseignement polonais ne se contentent manifestement pas « d’aider les blessés » [des groupes terroristes]. On peut à plus forte raison présumer que les régions ukrainiennes frontalières de la Pologne —Lvov et Volyn— sont plus fortement encore sous l’emprise de Varsovie. Coïncidence ou pas, la région de Lvov a déjà tenté de déclarer son indépendance. Comme Varsovie l’a fait (et le fait en ce moment) en Ukraine, Ankara a exercé son influence en profondeur à l’intérieur du territoire syrien au plus fort de la crise qui a affecté ce pays. N’oublions pas que la Turquie a, elle aussi, abrité et soigné sur son propre territoire les combattants (terroristes) blessés en Syrie.

Il convient d’examiner de plus près la similitude des rapports qu’entretiennent la Pologne et la Turquie avec leurs voisins respectifs, l’Ukraine et la Syrie, pour mieux comprendre comment a été appliquée, dans l’un et l’autre cas, la méthode d’intervention du « pilotage par l’arrière » .

Notons d’abord que la stratégie du « pilotage par l’arrière » a été définie comme « un appui militaire des USA qui restent dans l’ombre et laissent à d’autres les slogans et la propagande ». C’est la stratégie adoptée pour les guerres menées sur des théâtres d’opération où, pour diverses raisons, les États–Unis répugnent à s’engager ouvertement. Elle s’appuie sur l’utilisation d’alliés, de « caciques » régionaux en charge de l’avancement des objectifs géopolitiques et géostratégiques des États-Unis, à travers un dispositif de guerre asymétrique, tandis que Washington redéploie ses forces en Asie où il souhaite opposer à la Chine une dissuasion de type conventionnel. Sur la scène européenne comme au Proche-Orient, ce sont les USA qui tirent les ficelles : pour Washington, la Pologne et la Turquie sont les marionnettes rêvées, l’une et l’autre dressées contre leurs voisins respectifs, l’Ukraine et la Syrie. Les États-uniens prennent principalement en charge l’entraînement des bandes de « l’opposition » et le renseignement. La Pologne et la Turquie font leur part du travail en apportant un soutien direct au déploiement de ces groupes sur le territoire des pays attaqués.

En Ukraine, les États-Unis ont infiltré les ONG pendant plus de dix ans pour entrer dans la place, leur allouant entre autres cinq milliards de dollars pour « aider le pays à instaurer des institutions démocratiques » [2]. Dans la campagne de propagande menée contre Kiev, la NED (Fondation nationale pour la démocratie) [3]a joué un rôle majeur pour faire avaler au public ukrainien une version relookée de la vidéo fumeuse Kony 2012 utilisée auparavant comme prétexte au renforcement de la présence militaire US en Afrique centrale [4]. Les reportages effrayants de « Danny », sur CNN, ont de la même façon été utilisés en Syrie en 2012 pour discréditer le régime de Damas [5]

Mais les ressemblances ne s’arrêtent pas là.

La Pologne et la Turquie sont toutes deux des États frontaliers de l’Otan, la Pologne étant présentée comme « le plus important de tous les pays frontaliers de l’Alliance en terme de puissance économique, politique et militaire ». Comparés à leurs voisins ukrainiens et syriens, ces deux pays d’un intérêt géostratégique majeur bénéficient d’une supériorité écrasante en matière de démographie. Ils souffrent, l’un comme l’autre, de complexes d’infériorité hérités de la gloire impériale perdue (perte de l’Union avec la Lituanie pour la Pologne et perte de l’Empire ottoman pour la Turquie) . Ils partagent tous deux une frontière terrestre étendue avec les pays qui sont dans le collimateur pour « une transition démocratique ». Ils ont pareillement en commun des liens culturels et politiques importants avec leurs voisins, hérités des empires perdus, qui remontent loin en arrière, avant le déclenchement de leurs crises respectives. Cela leur confère des atouts de premier ordre, intangibles, pour intervenir sur le futur champ de bataille, de manière officielle et non officielle, et pour mener les opérations de renseignement.

La Pologne et la Turquie abritent aussi l’une et l’autre des installations militaires importantes : l’US Air Force dispose d’une base aérienne à Incirlik, au sud de la Turquie, un radar de la défense anti-missile étant positionné à l’Est. Pour sa part, la Pologne a mis à la disposition des USA la base aérienne de Lask et un avant-poste de la défense anti-missile dans le Nord-Est, près de Kaliningrad. Quand on observe les développements de la campagne menée par les insurgés qui s’acquittent, en Ukraine, de la tâche qui leur a été confiée, on fait un constat inquiétant : les méthodes des fascistes ukrainiens ressemblent de plus en plus à celles des djihadistes en Syrie. Comme à Damas en 2011, où des tireurs embusqués (identifiés comme des rebelles) tiraient à l’aveuglette sur la foule, des balles ont commencé à s’abattre sur les civils à Kiev, où même un reporter de la télévision russe RT a essuyé des tirs. On peut comparer la revendication par Lvov de son indépendance à la déclaration d’autonomie des Kurdes du Nord de la Syrie. Ces régions jouxtent, l’une comme l’autre, les frontières de l’État qui s’immisce dans les affaires intérieures de son voisin pour le compte du commanditaire US. On retrouve le même parallélisme dans la prise de contrôle, par les rebelles ukrainiens et syriens, des postes frontières assurant la liaison avec l’État qui les soutient. Ces manœuvres ont, pour Ankara et Varsovie, le mérite évident de faciliter le transit des armes, des hommes et du matériel à destination de la lignée de terroristes qu’ils ont engendrée. Quand les insurgés s’avèrent incapables de garder le contrôle des zones frontalières, ils recourent au pillage des entrepôts des forces gouvernementales qu’ils ont réussi à investir ; ils volent les armes, soit en les confisquant aux agents des forces de l’ordre qu’ils capturent, soit en les dérobant dans les bâtiments dont ils prennent le contrôle  [6]. Les djihadistes qui combattent en Syrie sont coutumiers des prises d’otages et des exécutions sommaires. Leurs épigones ukrainiens marchent dans leurs pas comme en atteste leur capture de soixante policiers à Kiev.

Les exemples relevés plus haut démontrent clairement que les opérations de déstabilisation menées en Ukraine et en Syrie suivent un plan bien établi Les États Unis sont aux commandes et appliquent leur stratégie du « pilotage par l’arrière ». Ils manipulent des États ébranlés par l’écroulement des empires dont ils faisaient partie. Ils ciblent des territoires d’intérêt majeur, situés là où ils préfèrent ne pas intervenir directement, tenir leur rôle secret, et nier à leur guise toute implication. Une autre pratique est de plus en plus largement répandue : l’utilisation de groupes extrémistes régionaux fanatisés pour soutenir une entreprise de déstabilisation au long cours. Au Proche-Orient, ce sont les radicaux islamistes qui ont été choisis pour organiser et exporter le chaos. En Ukraine, les « wahabistes locaux » sont, semble-t-il, recrutés de plus en plus souvent parmi les groupes d’extrême droite, voire nazis, pour la conduite de certaines opérations. L’Ukraine peut fort bien devenir le terrain d’entraînement des autres groupes d’extrême droite européens. On peut aussi redouter que les groupes de factieux qui opèrent actuellement en Ukraine décident de vendre leur savoir-faire au plus offrant dans les autres pays européens. Tout comme la Turquie fait le lit des extrémistes islamistes à travers le soutien qu’elle apporte à ceux qui combattent en Syrie, la Pologne courtise dangereusement l’extrême droite nationaliste ukrainienne, comme l’attestent ses déclarations de soutien aux groupes qui utilisent la violence, et la décision récente d’évacuer et de soigner les insurgés (sans parler des autres formes de soutien tenues secrètes, dont on ignore l’étendue). Tout comme les extrémistes islamistes ont échappé à ceux qui en tiraient les ficelles, et mettent à présent en danger tout le Proche-Orient, les groupes nationalistes d’extrême droite risquent de devenir incontrôlables en Ukraine et peuvent mettre en danger l’Union européenne toute entière. Quand on compare la Pologne à la Turquie, et l’Ukraine à la Syrie, on est obligé de constater que le « Printemps arabe » est désormais inscrit, beaucoup plus profondément qu’il n’y paraît, dans le paysage européen.

Traduction 
Gérard Jeannesson

Source 
Oriental Review

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8 mars 2014 6 08 /03 /mars /2014 22:25

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Savamment sous-informés par les grands médias, les Nord-Américains et les Européens ignorent la réalité du coup d’État de Kiev. S’ils ont vu sur les télévisions internationales des « [contre-]révolutionnaires » en uniformes militaires de combat, ils ignorent tout des organisations auxquels ils appartiennent et qui n’ont aucun équivalent en Europe de l’Ouest. Ils sont désormais membres du gouvernement ukrainien reconnu par les puissances de l’Otan.

 

« Beaucoup sont des fascistes qui s’ignorent 
mais le découvriront le moment venu
 » 

Ernest Hemingway, Pour qui sonne le glas

Le 22 février dernier, les activistes et les nervis de l’Euromaidan sont passés à l’action : recourant à la violence armée, enfreignant toutes les dispositions constitutionnelles, bravant les lois internationales et foulant aux pieds les valeurs européennes, ils ont perpétré un coup d’état néonazi. Pour servir les intérêts géopolitiques de l’Occident, Washington et Bruxelles —qui ont claironné au monde entier qu’Euromaidan était l’expression pacifique des aspirations du peuple ukrainien— ont fomenté un coup d’État nazi, dont la réalisation a été grandement facilitée par la veulerie de Viktor Ianoukovytch et de son gouvernement.

Après la conclusion officielle vendredi à Kiev d’un accord de sortie de crise dépourvu de tout crédit, la situation dans le pays a très vite échappé au contrôle des signataires et de leurs « témoins ». Aucune des clauses de l’accord n’a été appliquée. Les représentants du pouvoir légal se sont enfuis à l’étranger (ou ont tenté de le faire). À Kiev, les bâtiments officiels ont été pris d’assaut par les émeutiers. Ce sont les éléments les plus radicaux qui dictent leurs règles aux « chefs de pacotille » qui tentent désespérément de tenir les rênes de Maidan.

Ce qui s’est passé en Ukraine, le 22 février 2014, n’est rien d’autre qu’un coup d’État, exécuté par des groupes radicaux armés, des anarchistes et des nazis qui ont bénéficié, pendant les deux dernières décennies, d’un soutien multiforme des lobbies occidentaux : largesses financières, soutien militaire et diplomatique, et même le secours de la religion pour le réconfort spirituel et l’exhortation au combat. De nombreuses villes d’Ukraine sont en proie aux pillages, aux agressions, à la vindicte des émeutiers, aux répressions politiques, et s‘enfoncent dans le chaos.

On a vite perçu les signes annonciateurs du chaos à travers les atermoiements des autorités ukrainiennes tout au long des trois mois du siège imposé à Kiev par les brigades d’éléments radicaux galiciens venus là pour mener la guérilla urbaine, avec le concours de bandes de délinquants. Les représentants de l’État sont restés muets quand des fanatiques fous-furieux ont brûlé vivants, sous leurs yeux, des agents des forces de l’ordre (Berkut) désarmés, les rouant de coups et leur arrachant les yeux. Ils n’ont rien fait pour stopper « les combattants de la liberté » enragés qui prenaient d’assaut les centres administratifs des régions, humiliaient les autorités locales, pillaient les arsenaux de la police et de l’armée dans la partie ouest du pays. Ils n’ont pas bougé le petit doigt quand des tireurs embusqués non identifiés, cachés en haut des bâtiments à Kiev, assassinaient de sang froid les miliciens, les manifestants, et ceux qui passaient là par hasard. Ils sont même allés jusqu’à proclamer une loi d’amnistie (puis une autre !) blanchissant ceux qui s’étaient rendus coupables de violences criminelles sur les policiers, et d’atteintes gravissimes à l’ordre public. Ce faisant, le régime de Ianoukovytch a lui-même ouvert les portes de l’Ukraine au spectre menaçant du démantèlement et des ravages apportés dans le sillage de la guerre en Libye.

Les groupes qui mènent la guérilla urbaine sont-ils l’expression d’un mouvement populaire maître de son organisation et de son discours ? On en est loin.

Depuis l’effondrement de l’Union Soviétique, les lobbies internationaux ont utilisé des milliards de dollars estampillés par la Réserve fédérale pour arroser des associations et des politiciens ukrainiens gagnés à « la cause de la démocratie ». Alors même qu’ils encourageaient les Ukrainiens « à se tourner résolument vers l’Europe et ses valeurs démocratiques », ils n’ignoraient rien de l’impossibilité historique d’atteindre à court terme le but ultime évident de la politique globale menée à l’Est par les Occidentaux : dresser l’Ukraine contre la Russie. C’est pourquoi ils ont choisi de miser sur les groupes nationalistes extrémistes et sur l’Église Uniate [1] (une église grecque-catholique de rite oriental créée par le Saint-Siège au seizième siècle) dans une tentative désespérée de distendre les liens étroits des chrétiens orthodoxes avec Moscou, liens hérités de la défunte République des deux Nations (Rzeczpospolita) [2] .

Depuis 1990, les Uniates ont bénéficié du soutien discret des nouvelles autorités de Kiev, redevenues indépendantes depuis peu. Pour affaiblir l’influence de la Russie, la tactique suivie a été l’occupation brutale des églises orthodoxes rattachées officiellement au Patriarcat de Moscou. L’appel à la pénitence et à la paix est bien la dernière chose qui ait été prêchée dans les églises investies et contrôlées par les Uniates durant toutes ces années. Bien au contraire, ce sont des appels à la croisade contre les orthodoxes qui ont été lancés, encourageant et justifiant les agressions racistes, et même les assassinats. Y a-t-il, là, la moindre différence avec les harangues des prêcheurs djihadistes radicaux qui se réclament sans vergogne de l’islam ? Pour le savoir, il suffit d’assister à l’un des sermons de Mikhaïlo Arsenych, le curé d’une église uniate de la région d’Ivano-Frankovsk, et de l’écouter prêcher : « À présent, nous sommes prêts pour la révolution. Les seules méthodes de combat efficaces sont l’assassinat et la terreur ! Nous voulons être sûrs que pas un Chinois, pas un Nègre, pas un Juif, ni un Moscovite ne viendra demain confisquer notre terre ».

Les résultats de pareil endoctrinement ne se sont pas fait attendre longtemps. Plusieurs centres d’entraînement de l’Otan ont été ouverts en 2004, dans les territoires des États Baltes, pour la formation des militants nationalistes extrémistes ukrainiens. On peut consulter ici (textes originaux en russe) le reportage photographique, effectué en 2006, sur un cours de formation aux techniques de l’action subversive, suivi par un groupe ukrainien, dans un centre d’entraînement de l’Otan, en Estonie.

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Olexander Muzychko. Aujourd’hui à Kiev, et en Tchétchénie en 1994.

On n’a pas lésiné sur l’appui financier, ni sur les hommes mobilisés pour renforcer les unités paramilitaires des groupes radicaux ukrainiens UNA-UNSO, Svoboda [3], et d’autres organisations nationalistes extrémistes implantées dans le pays. À partir des années 1990,ces nervis ont participé à la guerre de Tchétchénie et aux guerres des Balkans, aux côtés des combattants wahhabites, perpétrant des crimes de guerre sur les soldats serbes et russes capturés, et sur des civils. L’un des combattants de Tchétchénie les plus abjects, Olexander Muzychko (également connu à la tête d’un gang de délinquants sous le nom de « Sasha Biliy ») dirige aujourd’hui l’une des brigades de « Pravyi Sector » [Pravyi Sector, le Secteur de droite, est une organisation d’environ 3 000 combattants, particulièrement active place Maidan.], le groupe radical le plus en vue dans l’organisation du coup d’État de Kiev. Selon sa biographie officielle (voir icile lien en russe), il s’est vu décerner, en 1994, par Djokhar Doudaïev, le commandant de l’époque des terroristes tchétchènes dans l’enclave d’Ichkérie [4], l’Ordre du Héro de la Nation, en hommage à « ses victoires militaires éclatantes contre les troupes russes ». Ses talents militaires étaient très spéciaux : il montait des opérations de guérilla, en attirant dans des embuscades les unités russes opérant dans les contrées reculées de la Tchétchénie. Il participait ensuite personnellement à la torture et aux décapitations des soldats russes capturés. À son retour en Ukraine en 1995, il a pris la tête d’un gang de criminels à Rovno. Il a fini par être poursuivi et condamné à huit années de prison pour l’enlèvement et le meurtre d’un homme d’affaires ukrainien. Il est entré en politique à sa sortie de prison, à la fin des années 2000.

Une fois les guerres de Tchétchénie et des Balkans terminées, ces prestataires de services, sous-traitant des opérations militaires pour le compte des USA et de la Grande-Bretagne, ont pris l’habitude de recruter des mercenaires ukrainiens pour leurs opérations en Afghanistan, en Irak, en Syrie, et ailleurs. Le scandale survenu en Grande-Bretagne autour des activités en Syrie de l’une de ces sociétés, Britam Defense [5], a permis que soit révélée au grand jour l’utilisation de combattants recrutés en Ukraine —et son ampleur— pour mener des actions de harcèlement clandestines, au service des objectifs politiques des Occidentaux au Proche-Orient. Nombre d’entre eux ont été envoyés à Kiev pour y accomplir la besogne pour laquelle ils sont stipendiés : prendre pour cibles aussi bien les policiers que les manifestants d’Euromaidan, à partir des toits des immeubles environnants.

Les dirigeants réels du mouvement de protestation ukrainien se sont exprimés à plusieurs reprises dans la presse européenne, révélant sans la moindre ambiguïté leurs conceptions radicales. On lira avec profit l’interview donnée par Dmitro Yarosh, le leader de Pravyi Sector ,et plusieurs autres échos du Guardian sur le même sujet iciet ici.

Voilà à quoi ressemblent les individus avec lesquels les politiciens européens s‘apprêtent, sans enthousiasme, à coopérer. Aujourd’hui à Kiev, ce sont ces fanatiques qui détiennent le pouvoir réel dans une ville tombée aux mains d’une horde de pillards. L’encre n’était pas encore sèche qu’ils déchiraient déjà les accords signés le vendredi par quatre « dirigeants » ukrainiens et trois représentants officiels de l’Union européenne. Leur comportement à l’égard de Ioulia Tymochenko, à l’issue de son discours pathétique du samedi soir à Maidan, a montré on ne peut plus clairement qu’il n’appartenait qu’à eux, et à eux seuls, de décider de son éventuelle accession aux fonctions de Chef de l’État Ukrainien failli. Les appels au soutien financier de l’Ukraine par l’Union européenne et le FMI, entendus dernièrement en Occident, donnent à penser qu’une décision a été prise : l’achat de la docilité des nationalistes extrémistes pour tout le temps que durera la période de transition. Manifestement, la mansuétude actuelle des Occidentaux envers les insurgés radicaux de Kiev ne diffère guère de la connivence anglo-américaine lors de l’arrivée au pouvoir de Hitler, en 1933, puis à l’avènement du Troisième Reich. Si les mandarins occidentaux croient qu’ils vont pouvoir contrôler politiquement, et tourner contre la Russie, le projet néonazi ukrainien qu’ils ont bercé, dorloté et soutenu durant des décennies, ils se trompent. Quand le déferlement nazi, grisé par ses succès à Kiev, aura essuyé la résistance acharnée, la contre-offensive et le retour en force des Ukrainiens de l’Est et du Sud, il va inévitablement déborder les frontières et faire irruption dans le paysage politique européen déliquescent, où des foyers d’incendie allumés par les nazis et les hooligans sont déjà un facteur de déstabilisation important. Les liens que ces bandes entretiennent avec les groupes islamistes radicaux qui œuvrent dans l’ombre sur le territoire européen ne contribueront sûrement pas à éclaircir un horizon décidément bien sombre.

Est-ce là, le prix que les Européens sont prêts à payer pour faire rentrer leurs voisins de l’Est dans le giron de « la grande famille des nations civilisées » ?

Traduction 
Gérard Jeannesson

Source 
Oriental Review

Pour en savoir plus, lire : « Qui sont les nazis au sein du gouvernement ukrainien ? », par Thierry Meyssan, Réseau Voltaire, 2 mars 2014.

[1] L’Église Uniate est une église grecque-catholique de rite oriental, rattachée à Rome en 1596. Elle a été accusée de collaboration avec les forces du IIIe Reich pendant la Seconde Guerre mondiale, et ses évêques ont été incarcérés et condamnés aux travaux forcés en 1945 par les autorités soviétiques. En 1946, le clergé uniate a été intégré de force dans l’Église orthodoxe. Les liens avec Rome ont été rétablis en 1989, pendant le pontificat de Jean Paul II.

[2] « Rzeczpospolita », le nom polonais de la République des deux Nations, formée en 1569 à partir du royaume de Pologne et du grand-duché de Lituanie. Elle englobait une grande partie de l’Ukraine, de la Biélorussie, et la région de Smolensk en Russie. Elle a cessé d’exister en 1795 lors de la partition de la Pologne.

[3] Sur les partis politiques ukrainiens, voir « Après la Yougoslavie, l’Ukraine ? », par Thierry Meyssan, Réseau Voltaire, 5 février 2014.

[4] Ichkérie : autre nom donné à la Tchétchénie

[5] Britam Defense : Cette société avait été accusée, par le Daily Mail, d’être impliquée dans la livraison d’armes chimiques devant être utilisées à Homs, en Syrie. L’affaire a été jugée en juin 2013. LeDaily Mail a été reconnu coupable d’accusations mensongères et a dû s’acquitter d’un dédommagement de 110 000 livres à cette société. Les preuves avancées par le Daily Mail s’étaient révélées être de faux e-mails trafiqués.

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8 mars 2014 6 08 /03 /mars /2014 20:01

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Depuis Timisoara et la chute des Ceausescu, depuis les deux invasions de l’Irak ou celle d’Afghanistan, depuis la guerre « mondiale » enclenchée contre la Serbie à propos du Kosovo, ou beaucoup plus récemment la catastrophique « intervention » en Libye et la délirante et unilatérale présentation du drame syrien, on sait bien que les dirigeants des principaux états occidentaux, vassaux serviles d’une Amérique qui mène systématiquement la danse macabre, n’hésitent devant aucun raccourci, aucune omission volontaire, aucun mensonge pour repeindre l’histoire en marche aux couleurs qui les arrangent, et pour susciter, provoquer puis utiliser un peu partout dans le monde des évènements, des troubles ou carrément des violences à même de servir les seuls intérêts de l’ « empire du bien » qu’ils prétendent incarner.

On sait qu’en chacune de ces occasions aux conséquences toujours tragiques, parfois cataclysmiques, ces mêmes états occidentaux que l’on peut à juste titre qualifier de « voyous », en cela qu’ils violent systématiquement et sans aucun complexe (ni conséquence) toutes les règles du Droit International et le principe même de la souveraineté des états pourtant gravée dans le marbre de la Charte des Nations-Unies (et la France fait aujourd’hui totalement partie de ces états voyous, notamment depuis le quinquennat de Nicolas Sarkozy, et son intervention criminelle en Libye sous pavillon béhachélien), on sait donc que les mensonges de pure propagande de ces états ont toujours été relayés systématiquement et avec grand zèle par la quasi-totalité de nos médias.

Médias qui ont notamment pris l’habitude pour le moins saugrenue de reprendre comme un seul homme et sans se poser de questions le qualificatif fumeux s’il en est de « communauté internationale » que ce quarteron d’états s’auto-attribue d’autorité à chaque nouvelle opération de piraterie impériale.

Une « communauté internationale » qui n’inclut pas, ce qui ne gêne apparemment en rien ceux qui la mettent systématiquement en avant, et excusez du peu : le plus grand pays du monde, la Russie, les deux pays de loin les plus peuplés, la Chine et l’Inde, la quasi-totalité de l’Amérique du Sud, la quasi-totalité de l’Afrique et une bonne partie de l’Asie. Une « communauté internationale » en réalité donc réduite à peau de chagrin, qui ne représente guère plus et au grand maximum qu’un presque ridicule sixième de la population mondiale (1), quasiment uniquement constituée des pays membres de l’OTAN, plus quelques pays affidés et hautement recommandables comme l’Arabie Saoudite, le Qatar ou Israël. Une « communauté internationale » (on ne s’en lasse pas) qui n’est donc bien qu’un simple syndicat d’intérêts géopolitiques et géostratégiques de l’Occident, on devrait d’ailleurs bien plus encore écrire « d’intérêt » unique : celui des seuls Etats-Unis, systématiquement à la manœuvre.

La propagande US repasse sans cesse les plats : aujourd’hui donc en tête d’affiche, l’Ukraine !

Après l’Irak, l’Afghanistan, Le Kosovo, la Libye, la Syrie, c’est donc à présent à une déstabilisation fortement initiée puis attisée de l’extérieur, puis à un véritable coup d’état que nous venons d’assister en Ukraine. Une déstabilisation, par un fort heureux hasard, mise en œuvre au moment même où le grand frère russe et tonton Poutine étaient presque exclusivement occupés à la tenue (et la pleine réussite) des Jeux Olympiques d’hiver de Sotchi, les mains liées dans le dos en cette occasion par la trêve olympique !

Pendant les semaines durant lesquelles se sont déroulés les Jeux, les représentants américains et européens qui avaient boycotté la cérémonie d’ouverture de Sotchi n’ont de leur côté pas le moins du monde respecté la-dite trêve, et se sont rendus en masse en Ukraine pour encourager ouvertement place Maïdan, en flagrante ingérence dans les affaires intérieures d’un état souverain, des insurgés qui cherchaient à renverser un chef d’état certes corrompu mais on ne peut plus légitimement élu, au seul prétexte qu’il avait commis un crime de lèse-majesté impardonnable : avoir finalement, après de multiples tergiversations, refuser de signer un traité d’association avec l’Union Européenne.

Du moment qu’il emmerde les Russes, le fascisme ukrainien n’a pas d’odeur !

Bien entendu, les médias français nous ont -une fois de plus, et quelle surprise !- sorti le même refrain frelaté et usé jusqu’à la corde : en Ukraine comme en Tunisie ou en Egypte lors des «  printemps arabes  », un peu plus tard à Misrata en Libye, ou en ce moment même en Syrie, ce sont donc des « foules courageuses de citoyens épris de liberté et de démocratie » (à l’occidentale, cela va sans dire, mais encore bien mieux en le matraquant à longueur de reportages) qui se sont dressées pacifiquement face à un pouvoir violent, totalitaire et corrompu (concernant ce dernier point, quelle découverte concernant tous les gouvernements ukrainiens successifs, depuis la chute de l’URSS).

Certes, toute personne qui a un peu voulu en savoir plus sur la « non-violence » et l’esprit démocratique des insurgés sait aujourd’hui à quoi s’en tenir (2). Et pour ce qui est de l’implication immédiatement décrétée par nos médias du pouvoir renversé par la force dans le macabre bilan des victimes des dernières semaines, j’incite vivement le lecteur à prendre connaissance plus bas du témoignage du Ministre des Affaires étrangères estonien, Urmas Paet, témoignage officiel mais totalement passé sous silence (et on ne se demande pas pourquoi) par la presse et les autorités européennes (3).

Or, si les médias nous l’ont dans un premier temps soigneusement caché, avant la pleine réussite du coup d’état, on le sait aujourd’hui : les principaux instigateurs de ce que l’on a appelé l’EuroMaidan sont bien les troupes de chocs d’organisations ouvertement fascisantes, voire même carrément néo-nazies, souvent paramilitaires, ayant noms SvobodaPravyi Sektor, Patriotes d’UkraineTrizouba, ou UNA-Unso.

Des partis ou groupuscules ouvertement racistes, antisémites, ultra-violents tous originaires de la presque seule Galicie, où il n’est pas rare d’assister à des grandes célébrations à la mémoire du collaborationnisme nazi ou de la Waffen SS. Le parti néo-fasciste Svoboda y a d’ailleurs obtenu la presque totalité de ses deux millions de voix aux dernières élections législatives ukrainiennes. Svoboda, dont le chef Oleg Tiagnibok n’hésite pas à régulièrement faire le salut hitlérien (qui n’est sans doute en réalité qu’une quenelle inversée ?). Ce qui ne l’empêche pas d’être reçu, consulté, encouragé avec le sourire par Catherine Asthon, haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, ou John McCain, sénateur et ancien candidat à l’élection présidentielle américaine (voir photos).

Ce sont bien ces groupes, véritables milices armées, qui ont « assuré la sécurité » sur la place Maïdan et devant la Maison des syndicats, prise par la force et devenue le QG du mouvement d’insurrection, qui ont organisé les barricades ou recouru à la force (à grands coups de barres de fer, de cocktails Molotov ou même d’armes à feu) contre les forces de l’ordre ukrainiennes. Milices néo-fascistes bénies par les prêtres de l’église uniate eux- aussi pour l’essentiel venus de Galicie, prêtres si complaisamment montrés bénissant les rebelles dans de très nombreux reportages télévisés français, sans que jamais soient évoqués leur idéologie et leurs invraisemblables « sermons », comme par exemple celui de Mikhaïlo Arsenych, curé d’une église uniate de la région d’Ivano-Frankovsk, déclarant entre autres joyeusetés : « À présent, nous sommes prêts pour la révolution… Les seules méthodes de combat efficaces sont l’assassinat et la terreur !… Nous voulons être sûrs que pas un Chinois, pas un Nègre, pas un Juif ni un Moscovite ne viendra demain confisquer notre terre » (4).

Une omniprésence de ces milices extrémistes que même le journal Libération, pourtant violemment russophobe, a fini par devoir reconnaître, sous la plume de son correspondant à Kiev Sébastien Gobert. Je cite :

« les photos de jeunes hommes casqués, le visage recouvert d’un passe-montagne, un pistolet ou un semblant d’arme automatique à la main, c’est choquant… L’EuroMaidan, ce mouvement de protestations antigouvernementales, que l’on décrit, de manière de moins en moins justifiée, comme une mobilisation proeuropéenne…Que s’est-il passé pour que les manifestants en viennent à recourir à cette extrême violence ?… Et si les allégations de « militants fascistes » et « d’extrémisme », véhiculées par le régime de Victor Ianoukovitch à l’encontre de ses opposants, étaient fondées ? » (5)

Stepan Bandera, la figure tutélaire des révolutionnaires du Maïdan

L’homme dont la plupart de ces groupuscules se réclament plus ou moins ouvertement est Stepan Bandera. Né en 1909 dans ce qui était encore l’Autriche-Hongrie, Stepan Bandera a dirigé l’organisation des nationalistes ukrainiens (OUN) et fondé l’armée insurrectionnelle ukrainienne, sa branche armée (UPA).

Dès les années trente, sous souveraineté polonaise et au nom du nationalisme ukrainien, Bandera et l’OUN déclenchent une vague d’assassinats politiques, directement financées par le Reich nazi d’Adolf Hitler. Condamné à mort en 1934 (une peine commuée en prison à vie) pour avoir organisé un attentat contre Bronisław Pieracki, le ministre de l’Intérieur polonais, Bandera sort de prison en 1939 grâce à l’offensive de l’armée nazie qui a envahi la Pologne.

En septembre 1939, après la signature du Pacte germano-soviétique, l’URSS envahit l’Ukraine occidentale. En octobre, Bandera arrive à Cracovie et participe à l’organisation de deux bataillons ukrainiens au sein de l’armée nazie : le bataillon Nachtigall et le bataillon Roland, qui forment la Légion ukrainienne. Certains de ses partisans ont également formé plusieurs divisions ukrainiennes (dites galiciennes par les nazis) de la Waffen SS.

Dès 1941, Bandera et le régime nazi voient leurs intérêts diverger : Bandera est en effet nommé au gouvernement du nouvel État décrété par les nationalistes ukrainiens et proclamé le 30 juin 1941 à Lviv. Cet État n’est pas reconnu par les Allemands, les artisans de sa proclamation sont arrêtés, et parmi eux Bandera, qui est transféré à Berlin. En 1944, face à l’avancée de l’Armée Rouge, les nazis le libèrent pour retrouver son concours mais celui-ci n’adhère pas au Comité national ukrainien qui prétend combattre l’URSS, car il a compris que l’Allemagne ne peut désormais que perdre la guerre, et que toute collaboration avec elle est donc désormais inutile et même dangereuse. Après la guerre il restera en RFA où il continuera jusque dans les années cinquante à diriger les actions de l’OUN dans l’Ukraine désormais soviétique. Il mourra dans des circonstances tragiques (par empoisonnement) le 15 octobre 1959 (6).

C’est ce même Stepan Bandera qui, il y a quatre ans déjà, avait été élevé à la dignité de « Héros d’Ukraine » dans un décret signé le 22 janvier 2010 par le président ukrainien issu de la Révolution Orange et « héros démocratique » selon les médias occidentaux, Viktor Iouchtchenko. Une dignité pour le moins très discutable, provoquant à l’époque un tollé dans la Fédération de Russie comme au sein de la population russophone d’Ukraine, ainsi que la protestation du Centre Simon-Wiesenthal adressée par écrit à l’ambassade ukrainienne aux États-Unis, concernant l’attribution de ce titre hautement honorifique à un « collaborateur nazi responsable du massacre de milliers de Juifs pendant la guerre de 1939-1945 ».

Après l’arrivée au pouvoir en février 2010 de Viktor Ianoukovitch, ce président indigne qui vient donc d’être déchu par les héroïques « démocrates ukrainiens », cet hommage avait été annulé et le décret déclaré invalide.

Coup d’état légitimé, mais intervention russe demandée par la Crimée… illégale !

A l’issu de ce qui est donc bien un véritable coup d’état, puis d’un vote totalement illégal que la constitution ukrainienne ne leur autorisait en aucune façon, les députés ukrainiens, sous la menace directe des groupes armés et violents évoqués plus haut, craignant vraisemblablement pour leur vie, ont donc destitué le président légitime d’Ukraine, Viktor Ianoukovitch.

Un gouvernement illégal, sans aucune légitimité démocratique a été immédiatement désigné par les putschistes, portant à sa tête… Arseni Iatseniouk. Une oie blanche susceptible de tourner enfin la page noire de la corruption d’état ukrainienne ? Voire…

Car c’est bien ce même Iatseniouk qui fut nommé en novembre 2003, à seulement 29 ans… vice-président de la Banque nationale d'Ukraine (tiens, tiens !). Ce même Iatseniouk qui, nommé en 2005 ministre des Affaires économiques dans le gouvernement de Youri Iekhanourov, initia grandement les pourparlers avec l'Union Européenne, puis avec l'OMC (quel hasard !). Toujours le même Iatseniouk, qui, élu président de l’assemblée ukrainienne par 227 voix sur 450 en novembre 2007, fut contraint à la démission moins d’un an plus tard devant la fronde d’une très forte majorité de députés ukrainiens. Iatseniouk encore, qui se présenta en 2009 à l’élection présidentielle ukrainienne, et dont la campagne, bien qu’il affirmât à l’époque ne bénéficier d'aucune alliance avec une quelconque force politique, fut estimée entre 60 et 70 millions de dollars (comme c’est étrange…). Iatseniouk enfin, qui malgré les millions de dollars dépensés, récolta … 6, 96 % de voix à l’élection présidentielle (7). C’est dire la légitimité, la représentativité du nouveau chef de l’Ukraine « démocratique » !

Mais le plus beau est encore ailleurs : le nouvel homme fort de l'Ukraine est -divine surprise !- justement pile-poil celui qu'avait choisi de mettre en avant la sous-secrétaire d'état américaine Victoria Nuland, dans la désormais célébrissime conversation téléphonique enregistrée à ses dépens en janvier 2014 et dont les médias et les gouvernements européens n'ont fort opportunément choisi de retenir que le très fameux «  fuck the UE ! ». Une conversation où Victoria Nuland exposait aussi très clairement sa parfaite connaissance de la réelle nature de « Tiagnibok et ses gars »(8). Avouez avec moi que le hasard fait bigrement bien les choses !

Un chef plus légitime (on l'a vu) pour une politique plus démocratique (parait-il) ? Les premières décisions issues de la « révolution ukrainienne » ont immédiatement mis les choses au point :

- Interdiction dans plusieurs provinces d’Ukraine du Parti des Régions (le parti de Viktor Ianoukovitch) et duParti Communiste (KPU) comme étant « contraires à l'intérêt national et violant les droits et les libertés des citoyens de l’Ukraine ». Ces partis représentant, et excusez du peu … 43,18 % du corps électoral aux élections législatives de 2012 ! (9)

- Annulation de la loi linguistique de 2012 qui autorisait les assemblées régionales à déclarer « langue régionale » celle qui est parlée par au moins 10 % de la population. Ce qui permettait aux citoyens russes (17 à 22 % de la population totale ukrainienne) ou russophones (encore beaucoup plus nombreux) de ces localités de faire leur démarches administratives et de recevoir un enseignement dans leur langue natale, ainsi qu'aux assemblées régionales ou locales de délibérer en russe.

- Nomination de Oleg Makhnitski, membre du parti néo-fasciste Svoboda de Oleg Tiagnibok (toujours lui !), richissime avocat d’affaires et principal financier selon Forbes de la droite extrême ukrainienne, au poste de procureur général par intérim, c'est à dire principal responsable de la justice dans la nouvelle Ukraine. Celui-ci a immédiatement réclamé un mandat d'arrêt international pour « meurtres de masse » contre le président démocratiquement élu et illégalement déchu Viktor Ianoukovitch.

Quand l’ hôpital militaire américain se fout de la charité russe

On connaît la suite : affolés par ces premières mesures totalement liberticides et ouvertement russophobes, une grande partie de l’est de l’Ukraine s’est inquiétée ou carrément plus ou moins ouvertement rebellée contre le nouveau pouvoir auto-installé à Kiev. Les drapeaux russes ont fleuri un peu partout dans le pays oriental qui se sent proche de Moscou, le gouvernement de Crimée a refusé de reconnaître le gouvernement putschiste, puis appelé officiellement la Russie à l’aide. Enfin libéré du joug olympien qui l’avait jusqu’alors empêché d’agir, Vladimir Poutine a immédiatement répondu à cet appel et figé, sans la moindre effusion de sang et d’un simple claquement de doigt, le processus délétère et potentiellement générateur de guerre civile en cours en Ukraine.

Ce qui a donc mis les Etats-Unis et l’Union Européenne, jusqu’alors libres comme l’air pour mener à bien leurs manipulations et autres ingérences, en rage : les condamnations de la fameuse et fumeuse « communauté internationale » (c'est-à-dire encore une fois du seul bloc occidental), toutes plus ou moins grandiloquentes et outragées, ont immédiatement inondé les ondes et les journaux de tous les médias. Et on nous a ressorti le spectre de la guerre froide et de l’ogre hégémonique soviétique. S’est dans le même temps enclenché un sacré, un invraisemblable numéro, celui de l’hôpital militaire américain (pourtant à l’œuvre un peu partout dans le monde) se foutant ouvertement de la charité russe (circoncise à la seule Ukraine).

Une Ukraine en réalité en grande partie russophone, et même pour une forte minorité de sa population, de nationalité russe. Une Ukraine, berceau originel de la Russie historique (Kiev est un peu leur Reims à eux), et une Crimée qui n’a jamais été ukrainienne, mais qui lui fut « offerte » en un invraisemblable fait du prince le 19 février 1954 par Nikita Khrouchtchev, président de l’URSS d'origine ukrainienne, à l'occasion du 300eanniversaire de la réunification de la Russie et de l'Ukraine.

Que les stipendiaires des américains qui accablent Vladimir Poutine et qui l’accusent aujourd’hui d’insupportable ingérence dans les affaires d’un pays souverain, citent seulement UN pays dans lequel USA et OTAN (et malheureusement aussi la France) sont intervenus durant les deux décennies passées, déclenchant à chaque fois des cataclysmes géopolitiques et de terribles bains de sang, avec plus de légitimité -et qu’elle soit historique ou diplomatique- que celle que la Russie a de le faire, aujourd’hui, en Crimée.

La palme dans le culot himalayen était revenue dans un premier temps au Secrétaire d’Etat américain John Kerry, dans l’émission Face The Nation sur la chaîne CBS. Le chef de la diplomatie américaine estimant en cette occasion que Moscou avait un « comportement datant du XIXe siècle en envahissant un autre pays sous un prétexte totalement fallacieux ». De la part du représentant d’un pays étant intervenu totalement illégalement en de maintes reprises (Irak, Pakistan, Kosovo) ou en outrepassant très largement les résolutions de l’ONU (Afghanistan, Libye) dans nombre de pays souverains au cours des dernières années, avouons que l’argument ne manque pas de sel. Difficile de faire mieux ? Avec nos amis américains, il ne faut jamais désespérer !

Car Hillary Clinton, ancienne Secrétaire d’Etat et candidate presque officielle à la succession de Barack Obama lors de la prochaine élection présidentielle américaine, ne voyant décidément définitivement pas les nazis là où ils se trouvent (c'est-à-dire place Maïdan), a fait péter tous les records en matière de point Godwin, déclarant carrément : « Si vous avez l'impression d'avoir déjà vu cela, c'est parce que c'est ce qu'a fait Hitler dans les années 1930 », comparant encore «  la délivrance de passeports russes aux Ukrainiens qui ont des liens avec la Russie à des mesures prises par l'Allemagne nazie avant qu'Hitler n'envahisse des pays voisins  » (10). Sic transit, et même pas gloria mundi…

Le regretté Michel Audiard avait savoureusement décrété que « les cons, ça ose tout, c’est même à ça qu’on les reconnaît » (11)… Il faut bien l’avouer ou le constater encore une fois, les salopards aussi.

 L’incontournable BHL en cerise sur ce fort indigeste gâteau

Je sais, le repas qui vous a été servi ici est déjà particulièrement indigeste. Et pourtant, voici venu le temps du dessert, qui, lui aussi, vous posera certainement quelques soucis de digestion. Nous le devons comme il se doit au pâtissier en chef, à notre roi incontesté de la tarte à la crème (dans la figure), j’ai nommé l’inénarrable, l’irremplaçable Bernard-Henri Lévy. Je vous entends d’ici crier « non, par pitié, pas lui ! »… Mais si, vous allez voir, cela vaut le détour, justifie le voyage, comme toujours avec le gaillard !

Commençons par visionner le discours délirant, belliciste, irresponsable et totalement affranchi des réalités géopolitiques locales du cuistre au brushing, sur la place Maïdan :

Quelques jours après ce grotesque réquisitoire anti-Poutine, BHL était sur le plateau d’I-Télé devant Laurence Ferrari. La réalité des mouvements ayant initié la « révolte démocratique » ukrainienne étant peu à peu timidement apparue à la lumière médiatique, et fort peu agressivement questionné à ce sujet par son interlocutrice, notre guignol de concours fit la sortie suivante :

 « L’équivalent du parti Svoboda en France, c’est le front National de Marine Le Pen »… « Il n’y a pas plus d’extrême-droite en Ukraine qu’en France »… Tu l’as dit, bouffon, les faits et références relatés dans cet article le démontrent, en effet !

Et quoique l’on puisse par ailleurs penser du Front National de Marine Le Pen, que notre gugusse est tout à fait libre de combattre politiquement, oser le comparer ainsi aux hordes paramilitaires néo-nazies ukrainiennes qu’on a vu à l’œuvre place Maïdan et qui ont de fait renversé par la violence et même le meurtre le gouvernement légal du pays relève de la crétinerie crasse, ou plus certainement de la crapulerie de concours.

Balançant de telles énormités sans être aucunement contredit face à une « journaliste » qui a prouvé en cette occasion et une fois de plus que, malgré un patronyme et -osons le dire- un physique de voiture de grand luxe italienne, elle avait bien, en guise de cerveau, un misérable moteur intellectuel à peine digne d’une Trabant et une pugnacité journalistique frôlant le zéro absolu, notre histrion médiatique hier encore seulement grotesque jusqu’à l’exubérance mais aujourd’hui hélas (et depuis sa tragique et criminelle épopée libyenne) reconverti en ignoble fauteur de guerre, a prouvé lui aussi une fois encore qu’il pouvait faire fonction de parfaite boussole inversée en matière d’honnêteté intellectuelle, de mesure, d’analyse et de compétence géopolitique, de conscience de ses propres limites enfin, limites qui sont pourtant jour après jour, et pour tout autre que lui, absolument aveuglantes.

BHL, ou le symbole éclatant de l’outrecuidance et de l’impérialisme occidentaux à la solde de l’empire américain. Empire qui n’est d’ailleurs en réalité que le grossier faux nez d’un impérialisme nettement plus discret, oligarchique, financier et souvent fortement communautaire, dont le sieur Lévy est l’un des plus virulents laudateurs, pour des raisons qui n'ont bien entendu rien à voir avec le tribalisme, et qui a principalement ses quartiers à New York, Londres, ou à Tel Aviv.

Que dire pour finir d’un pays -le nôtre- qui refuse l’asile politique à un Edward Snowden, mais ne cesse d’offrir tribunes médiatiques et passe-partout élyséen à un Bernard-Henri Lévy ? USA, Maïdan, Union Européenne, Svoboda, Ashton, Kerry, Iatseniouk, Clinton, BHL… Vous avez dit obscène ?

Marc LEROY – La Plume à Gratter

 _____

(1) Liste des pays par population (Wikipedia).

(2) A Kiev, rien de nouveau – Par Michel Geoffroy ; L’UE a soutenu un putsch contre un gouvernement démocratiquement élu – Par Aymeric Chauprade ; Des organisations nazies font irruption sur la scène européenne – Par Réseau Voltaire.

(3) « Les autorités estoniennes ont confirmé l'authenticité d'un entretien dans lequel le ministre des Affaires étrangères Urmas Paet déclare à la chef de la diplomatie européenne Catherine Ashton que selon toute vraisemblance, les leaders de l'opposition ukrainienne ont recruté les snipers qui ont tiré sur les manifestants et les policiers lors des troubles à Kiev ». Article de RiaNovosti du 05 mars 2014.

(4) Vidéo : Greek Catholic (Uniate) Clergyman in Ukraine calls to kick out Blacks, Jews and Russians.

(5) Ukraine : l'extrême droite s'incruste dans les manifs à KievLibération, 23 janvier 2014.

(6) Biographie de Stepan Bandera.

(7) Arseni Iatseniouk sur Wikipedia.

(8) Extrait de la conversation de Victoria Nuland, sous-secrétaire d'Etat et Geoffrey R. Pyatt, ambassadeur US en Ukraine, en janvier 2014 :

Victoria Nuland : «  Bon. Je ne pense pas que Klitsch [surnom de Klitschko] devrait être dans le gouvernement. Je ne pense pas qu’il soit nécessaire, je ne pense pas que ce soit une bonne idée  ».

Geoffrey R. Pyatt : « Oui, je veux dire… je suppose… Pour ce qui est de sa non-participation au gouvernement, je serais d’avis de le laisser en dehors pour qu’il se consacre à ses obligations politiques. Je ne fais que réfléchir, pour trier les options pour avancer, nous voulons garder ensemble les démocrates modérés. Le problème sera avec Tyahnybok et ses gars. Et, vous savez, je suis sûr que cela fait partie du calcul de Ianoukovytch ».

Victoria Nuland : « Je pense Yats [surnom de Iatseniouk], c’est le gars. Il a de l’expérience économique et de l’expérience de gouverner. C’est le gars. Vous savez, ce qu’il a besoin, c’est que Klitsch et Tyahnybok restent à l’extérieur. Nous aurons besoin de leur parler quatre fois par semaine. Vous savez, je pense juste que si Klitchko entre, il va devoir travailler à ce niveau avec Iatseniouk, c’est juste que ça ne va pas marcher… »

Geoffrey R. Pyatt : « Ouais, ouais , je pense que c’est vrai. Ok , bon. Souhaitez-vous que nous organisions un appel avec lui comme prochaine étape ? »

Victoria Nuland : « Ma conception de l’appel dont vous parlez, c’est que les trois grands participent à leur propre réunion et que Yats leur propose dans ce contexte. Vous le savez, une conversation « trois plus un » ou « trois plus deux » si vous participez. C’est ainsi que vous le comprenez ?  »

Intégralité de la conversation ici.

(9) 30 % pour le Parti des Régions, 13,18 % pour le KPU (résultats des élections législatives ukrainiennes de 2012, Wikipedia).

(10) Hillary Clinton compare la méthode de Poutine à celle de HitlerLe Point, 05 mars 2014.

(11) Les Tontons Flingueurs, dialogues de Michel Audiard.

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7 mars 2014 5 07 /03 /mars /2014 12:49

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Qui sont les tireurs de Maidan ?

 

Cette vidéo analyse les images du massacre de la place Maidan en Ukraine. Elle pose beaucoup de questions sur la réalité du massacre car on peut constater ici que les tirs de snipers proviennent de l’arrière de la manifestation :

 

 

De plus les autorités estoniennes ont confirmé l’authenticité d’un entretien du 26 février dans lequel le ministre des Affaires étrangères Urmas Paet aurait déclaré à la chef de la diplomatie européenne Catherine Ashton que les mêmes snipers inconnus avaient tiré à la fois sur les manifestants et les policiers lors des troubles à Kiev.

 

Affirmant qu’ils avaient les preuves, rapport d’autopsie, témoignages, que des policiers et manifestants avaient été tués par les mêmes armes :

 

« Olga m’a dit qu’à en juger d’après les preuves dont elle disposait, les mêmes tireurs avaient abattu des policiers et des personnes rassemblées sur la place », a affirmé M. Paet lors de son entretien avec Mme Ashton ci-dessous (conversation en anglais) :

 

 

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7 mars 2014 5 07 /03 /mars /2014 12:28

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C'est mon pays, ma maison qui sont en danger aujourd'hui, explique le boxeur !

 

Drôle de carrière pour ce champion qui devient icône médiatique au service de l’européisme forcené.

Drôle de cause que de se soumettre à l'union européenne et aux états-unis pour défendre son pays et sa maison..

Un champion du monde qui aurait dû apprendre le combat et le courage tout au long de ses nombreuses rencontres sportives et qui aura préféré s'unir au manipulateur américain et à son agence de service, l'union européenne !

Il n'est même pas certain qu'il ait de véritables convictions par rapport à son pays mais seulement le goût du pouvoir et de l'ambition personnelle. Le boxeur se sera rangé du coté de Bhl et de la chef des femens et du coté de l'empire le plus oppressant du monde afin de satisfaire à son arrivisme.

L’Ukraine, avec sa position géostratégique est proche de la Russie bien sûr mais aussi de la Yougoslavie, la Serbie, la Croatie et face à la Turquie.

Pour quelles raisons l’Ukraine intéresse-t-elle tant les états-unis ?

Uniquement pour contrer les intérêts de la Russie ?

La pseudo révolution ressemble comme deux gouttes d'eau aux pseudo révolutions arabes aussi la pertinence voudrait que l'on se demande si les américains ne poursuivent pas le même objectif dans les deux cas.

Klitschko n'est qu'un pion dans ce tumulte, un simple agent américain rémunéré pour sa trahison et sûrement récompensé par un poste gouvernemental. Nous en sommes au point où le mensonge est devenu la vérité médiatique, où les patriotes ne sont que des traîtres et où l'avenir d'un pays tout entier est organisé par des forces extérieures.

L'Ukraine est économiquement en faillite et l'on voit se profiler comme à l'habitude le spectre de la dette et de l'asservissement au système mondialiste.

Il y aura, peut être, des réactions ! Une résistance !

Mais les médias aux ordres les dépeindront encore une fois comme des groupuscules violents, des fascistes..

La liberté est devenu le mot d'ordre de l'asservissement des peuples !

Soyez libre et couchez vous..

Klitschko, le boxeur américain, aura bien rempli sa tâche mais pour combien de temps ? En terme de boxe, il y a toujours des matchs revanches qui réservent des surprises et pour celui-là, il n'est pas sur qu'il soit aussi bien préparé..

 

Abbas

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6 mars 2014 4 06 /03 /mars /2014 17:12

Provient de RIA NOVOSTI:link

L'armée russe a procédé mardi soir à un tir d'essai d'un missile balistique intercontinental RS-12M Topol, a annoncé le porte-parole des Troupes balistiques stratégiques russes (RVSN) Igor Egorov.

Selon lui, le missile a été lancé à 22h10 heure de Moscou (18h10 UTC) depuis le polygone de Kapoustine Iar dans la région d'Astrakhan' (sud). L'ogive d'entraînement du missile a détruit sa cible située sur le polygone de Sary-Chagan, au Kazakhstan.

Le missile RS-12M Topol  (code OTAN: SS-25 Sickle) a une portée de plus de 10.000 kilomètres et une masse au décollage de 45,1 tonnes. Il peut être équipé d'une ogive nucléaire de 550 kilotonnes. D'une grande maniabilité, ce missile peut être lancé à l'aide de rampes mobiles ou stationnaires.

© RIA Novosti.

 

 
RIA NovostiLe missile Russie: des missiles Topol et Voevoda tirés pendant un exercice surprise

17:56 30/10/2013 Les Troupes balistiques stratégiques russes (RVSN) ont tiré mercredi deux missiles balistiques intercontinentaux - Topol et Voevoda - lors d'une inspection surprise des Forces de dissuasion nucléaire russes effectuée sous la direction du président russe Vladimir Poutine, rapporte le ministère de la Défense.>>

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6 mars 2014 4 06 /03 /mars /2014 14:52
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Comme sur une scène de théâtre, le 2 mars, place Maidan, le va-t-en guerre à la chemise blanche a poussé à l'escalade avec, comme à son habitude, un discours manichéen, culpabilisateur et manipulateur. Comment s'en étonner encore, puisque son site porte le bandeau « L’art de la philosophie ne vaut que s’il est un art de la guerre ».

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Résultat des élections présidentielles de 2004
Au troisième tour des élections présidentielles de 2004, la carte des résultats électoraux montre un pays coupé en deux.

Le pseudo-philosophe et vrai boutefeu a joué ses gammes sur les thèmes des bons et des méchants, avec Poutine dans le rôle de l'ogre. Le refrain, comme avec Khadafi et Bachar, est sans surprise : "Allez-y, battez-vous !". Pour qui roule donc BHL ?

Dans son discours, le baratineur ne se contente pas de caricaturer une situation complexe. Serait-il aussi un brin mégalomane lorsqu'il ose vociférer l'antifasciste "No pasaran" et le gaullien "Vive l'Ukraine une et indivisible, et vive l'Ukraine en Europe" (5:40) ? Serait-il débile lorsqu'il préconise contre Poutine les méthodes utilisées contre le Président ukrainien, Viktor Ianoukovitch ; risible quand il demande à François, Angela et Barak de ne plus fréquenter Poutine ; truqueur quand il scande que si l'Ukraine a besoin du gaz russe, Poutine a besoin d'euros ? Je répondrais oui. 

Le démagogue BHL élude en effet que l'Ukraine a besoin à la fois d'euros et de gaz russe, que l'UE imposera une cure d'austérité en échange de ses euros, que la Russie a des bases militaires et une partie de sa flotte en Crimée, oblast cédé à l'Ukraine par Khrouchtchev en 1954, que l'Ukraine est une construction artificielle rassemblant plusieurs peuples et minorités, que le chaos alimenté en Ukraine, notamment par des séditieux nazis et ultra-nationalistes, mais aussi par les puissances occidentales qui les téléguident, vise à affaiblir la Russie et que cela est lié aux questions syrienne et iranienne. Pour qui roule donc BHL ?

Sur le plan intellectuel, Pierre Vidal-Naquet, Aron, Deleuze, Bourdieu, Michel Onfray ou Pascal Boniface ont dénoncé la nullité de BHL, combinée à une rare outrecuidance. Il a été ridiculisé par l'affaire Botul, ses livres ne se vendent pas. Et pourtant, il est omniprésent dans les médias. A quel titre ? Parce que sa coiffure ondulée le vaut bien ? Il n'a aucun mandat, aucune légitimité, aucune compétence, aucune expertise, aucun fait d'arme, aucun résultat à faire valoir. Comment est-il possible que ce charlatan bénéficie d'une telle couverture chauffante ? Il faut vraiment se poser activement la question, à moins de se résigner à un mystère ontologique de plus. 

Plus gravement, une nouvelle loi de la politique internationale serait que là où va BHL, les bombes tombent. Bernard-Henri, l'oracle des cinq étoiles, est opiniâtre et veille à ce que ses prédictions se réalisent. En 2010-2011, il parvient à obtenir "sa" guerre en Lybie. (1) Il s'y fait photographier une fois les bombardements terminés. En 2012, il tirera de ses aventures un film intitulé "Le serment de Tobrouk". Il en est le personnage principal auto-glorifié. Ce selfie documentaire est même présenté au festival de Cannes, mieux encore, il est visible dans une quinzaine de salles, la plupart à Paris. Il réalise 1.475 entrées en première semaine, soit 98 entrées par écran en sept jours, soit une douzaine par jour. Comme plaisir solitaire payant c'est peu banal (2). Les critiques seront plus clémentes qu'avec son "Le Jour et la nuit". Au Monde on évoquera les traces des génies comiques Chaplin et Max Linder.

En 2013, sa pathologique suffisance à vision déformante veut entraîner le monde dans une guerre en Syrie. 

En 2014, BHL veut l'escalade en Ukraine. 



Ce marionnettiste moralement borgne est un appel au trouble de l'ordre public international. Pour qui roule donc BHL ? Qui peut avoir intérêt à semer en permanence le conflit ?

(1) Libye : BHL s'est engagé "en tant que juif"
http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2011/11/20/97001-20111120FILWWW00182-libye-bhl-s-est-engage-en-tant-que-juif.php

(2) Entrées du "Serment de Tobrouk"
(http://next.liberation.fr/cinema/2012/06/12/tickets-d-entree-source-ecran-total_825799)

Discours de BHL à Maidan, texte sur le site de BHL
http://www.bernard-henri-levy.com/2-mars-2014-bhl-deuxieme-adresse-au-maidan-texte-integral-publie-dans-le-figaro-du-3-mars-43153.html

Discours de BHL à Maidan, vidéo
https://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=hkf9vRMM6ts
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